Auteur-Narrateur impliqué

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Ce matin-là, on l’avait sorti du lit un peu avant l’aube, sans rien lui dire de l’avancement de la situation – peut être parce qu'elle ne pouvait que dégénérer. Malgré cet état de fait, le quarantenaire ne montra aucun signe de résignation, il s’était même levé plus exalté que jamais : passer les habits de général, il en avait toujours rêvé ; vivre une vraie crise était l’un de ses souhaits les plus intimes – l’Histoire l’attendait ! Dans la salle d’État major, ses conseillers n’en menaient pas large : eux n’avaient pas pu dormir et ils avaient même assisté à la chute des places stratégiques et vu leurs locataires emportés par la foule. Peu importait, Jéricho était toujours à lui. Sur les écrans grands angles qui tapissaient la pièce, il pouvait voir, à peu prêt, toutes les artères principales de la Capitale : le calme régnait avant la tempête.

Elle était là, face à lui, cette horde de réfractaires incorrigibles. Il pouvait la voir en haute définition et ce qu'il voyait le révulsait : en première ligne, les infâmes aux habits noirs promenaient sur un char artisanal une effigie à son image, particulièrement réaliste : un fac-simile qui balançait ses jambes dans le vide. Les généraux se regardèrent inquiets – la Citadelle pouvait-elle tomber ? Prudents, ils amorcèrent, à l’insu du grand manitou, une retraite stratégique, prétextant gérer les derniers détails de l’affrontement final. Bien vite, le jupitérien sans foudre se retrouva seul face aux images de sa chute : la déroute des forces de l’ordre, sa garde prétorienne tirant sur la foule, cette première mise en pièce par cette dernière. Tout s’effondrait autour de lui. Lui qui avait su convaincre, avoir l’oreille des dociles, se faire le garant de la Liberté face au retour simulé des chemises brunes, à présent il criait dans le vide.

La porte principale céda, forçant les derniers prétoriens à fuir. Tout cela s’était passé si vite, comment avait-il pu en arriver là ? Il était trop tard pour y penser, ils venaient le chercher – devant l’Histoire il sera jugé au même rang qu’un Napoléon, qu’un Gorbatchev, qu’un Kadhafi. Bientôt, il ne serait plus maître de lui même : comme les autres, il sera emporté, jugé et condamné. Il retourna dans son salon doré, une dernier fois s’asseoir derrière ce bureau trop grand pour lui. Pauser ses mains à plat, rêver au monde d’avant – les flots entrèrent et l’emportèrent.

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