La Kabylie outragée...
Dans le taxi qui m'emmenait d'Alger à Aït el Kacem, j'étais impatient de voir la seule chose pour laquelle j’étais venu. La seule chose extraordinaire à mes yeux d'enfant,et qui faisait me sentir chez moi, celle de voir apparaître les montagnes de ma Kabylie natale, ces montagnes que j'ai abandonnées si jeune et qui à chaque fois que je revenais au pays me gratifiaient de la même bienveillance sincère. Ces montagnes, loin d'être ingrates, me remerciaient toujours à leur manière par leur présence. Elle me souhaitaient la bienvenue en terre kabyle. Les montagnes du Djurjura étaient pour moi le premier signe de ma "kabylité".
J’appartenais à ces montagnes qui m'ont vu naître. J'étais comme un type qui revenait d'une autre planète des centaines d'années après avoir quitté ses racines et qui voit ce phare se dresser, se découper, se faire majestueux dans le ciel bleu, ce phare,présent à travers le temps et l'espace pour tous les kabyles, comme pour affirmer le dicton des anciens qui disaient cette vérité:où que tu ailles tu reviendras toujours à la terre nourricière, soit pour y mourir soit pour te faire pardonner.
Une centaine de kilomètres sépare Boumerdès de la capitale. C'est un miracle si on arrive à destination sans pépins. La route est dangereuse.
Ces algériens conduisent comme des cons!
L'autoroute semble dégagée. Je pense à ma sortie de l'avion. Le plaisir olfactif et la chaleur toujours douce et bienveillante. Le parfum du pays, toujours le même. Immuable comme est immuable ce vaste pays qui n’en est pas un. Figé dans le temps. En Algérie, le temps n'existe pas. On entre dans un monastère. Un monastère à ciel ouvert où le temps a suspendu son vol depuis l'indépendance. Le capitalisme et le productivisme est persona non grata en Algérie.
En Algérie, le temps n'appartient pas aux patrons, il appartient au peuple.
La route est longue et sinueuse. Boghni est encore loin. Depuis Tizi-wuzzu le temps n'en finit pas. Je piaffe d'impatience de revoir les visages qui m'étaient familiers. La probabilité d’arriver à la nuit est grande. La frustration de voir la lumière du jour que le lendemain me chagrine un peu. On est au pays de la patience ,de la lumière et de la longueur de temps. Le Temps rythme la vie des kabyles comme il l'entend. Il ne sert à rien de manifester son mécontentement. Donc, je m'incline.
C'est donc à la nuit tombée que le taxi nous dépose à Lemesella.
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