La Kabylie outragée...

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Je suis sur un chemin de montagne. Le chemin que ceux qui l'empruntaient naguère ont oublié. Dame Nature a récupéré son bien. Maintenant, une herbe drue a poussé sur les pas des voyageurs qui allaient jadis à pieds ou à dos d'âne. Autrefois, la rocaille tapissait ça et là toute sa surface qui rendait pénible la marche aux non initiés. Le talon d'Achille est soumis à rude épreuve.
Adossé à un vieux frêne, je reprenais mon souffle. Je marquai une pause. Une pause bien méritée, après avoir tant marché et martyrisé mes pauvres pieds.

Gravir eût été le terme convenable.

En kabylie, on gravit les chemins. Il y a très peu d'horizontalité. La vie est faite de verticalité. Le kabyle, l'homme ou la femme est condamné à l'effort dans tous les aspects de sa vie. Pour se déplacer, il est obligé de mettre un pied devant l'autre. Le village est a flanc de colline. Opiniâtre, tel un roseau que même le sirocco n'arrive pas à plier, encore moins à briser. Le kabyle est tenace, coriace et résilient. Il brave tout ce qui peut entraver son chemin ou son destin. Sa vie est rythmée par la verticalité. Il doit monter sur le frêne effeuiller les branches pour nourrir ses quelques moutons dont parfois c'est la seule richesse. Tous les kabyles ne sont pas riches. Une richesse durement acquise qu'il aime exposer et dont il est fier. Sa maison est faite rarement de moins de moins de deux étages. Plus elle possède d'étages plus il est riche. Sa maison, c'est son livret de caisse d'épargne, elle renseigne sur sa richesse ou son dénuement. Un livret de caisse d'épargne à ciel ouvert et il ne s'en cache pas. C'est le seul domaine où la pudeur n'a pas sa place. Une pudeur dont il n'a que faire. Le colonialisme l'a enfermé dans une misère implacable durant des décennies. Une misère qui l'a endurci et forgé à la lutte, une misère dont il a gardé une rancœur plus ou moins consciente.
Après l'effort, le réconfort. Le plaisir des yeux. Comme l'imalayiste qui a atteint enfin la cime, je peux admirer en guise de récompense le panorama qui s'offre à moi. Je peux à présent mesurer combien c'est grand, combien c'est généreux, combien c'est beau la Kabylie.

Tout kabyle procède de cette montagne nommé Djudjura, avant de procéder de ses ancêtres. Une brise légère qui me passe par tout le corps, un bout de branche arrachée au frêne pour m'en faire un éventail.Un délice .

Un délice kabyle.

Adrien de saint-Alban

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