Humiliations - I
Toujours en contact avec mon maître par messages interposés, je tentais de satisfaire à toutes ses instructions.
Il s'agissait la majeure partie du temps de mises en scène où je devais m'adonner à diverses pratiques plus ou moins dégradantes, mais pour l'instant dans la limite de l'acceptable.
Néanmoins, j'avais envie en mon for intérieur qu'il les repousse. En cachette, je m'étais renseignée sur les pratiques sadomasochistes, des plus douces au plus extrêmes. J'étais fascinée par l'attitude des soumises, confites en dévotion devant leurs maîtres, prêtes à tout pour lui, supportant les pires tourments pour leur plaire.
L'on dit souvent que c'est la soumise qui fait le maître, que c'est elle qui mène le jeu. En quelques sorte, les rôles seraient inversés.
S'il est vrai que tout débute par l'acte de consentement de celle qui se donne, ensuite elle transmet les rênes à son possesseur. Elle devient son instrument, son jouet, sa chose. Le plaisir du maître devient son seul désir, montrer une parfaite obéissance est sa seule ambition.
J'aspirais ardemment à devenir une telle femme, pouvoir montrer une telle détermination, m'effacer derrière une telle abnégation...
Pour l'heure, et en l'absence de contact direct, je me contentais d'appliquer scrupuleusement les directives de mon maître.
J'avais compris, pendant nos échanges, qu'il était plus âgé que moi d'environ une vingtaine d'années, et au tout début, je m'étais légèrement moquée du cynisme que je croyais imputable à sa longue expérience des choses.
Peut-être pour se venger de cette impertinence originelle, ou me préparer à le rencontrer, il avait sélectionné pour moi un étalon d'un âge qui approchait le sien, en me recommandant de le traiter avec la même révérence que j'aurais montrée pour lui.
Il m'avait présenté mon futur contact en quelques mots, un bellâtre fortuné d'un certain âge.
Je connaissais bien ce type d'homme pour en avoir fréquenté par le passé, à vrai dire, ce devait être l'archétype de mes oncles, médecins ou ingénieurs, cultivant l'entre-soi dans des clubs auxquels seule la "bonne société" avait accès, pratiquant uniquement des loisirs dispendieux pour ne pas risquer d'avoir comme partner une déclassée telle que moi.
Je frissonnais d'avance d'avoir affaire à ce genre d'individus, le genre qui m'avait toujours regardée de haut, moi, simple professeure, au service des plus pauvres, comble du mauvais goût.
Mais d'un autre côté, il était inconcevable de refuser un ordre du maître. Ce dernier avait certainement anticipé mon dégoût, car je lui avais tout dit de moi, de mon contexte familial particulier, de mes craintes et de mes envies.
Il s'agissait donc d'une nouvelle épreuve, à dimension psychologique, celle-là.
Une autre facette de la soumission s'ouvrait devant moi: l'humiliation. L'homme avait été choisi sciemment pour me confronter à mes blessures d'amour-propre, pour me contraindre à y faire face pour les surmonter.
La "séance", car il était bien question de cela, aurait lieu dans un hôtel huppé, que je connaissais bien comme tout un chacun dans la région, situé dans le quartier le plus prestigieux de la ville, face à la mer.
Une telle intrusion dans ce milieu m'était déjà désagréable, me rappelant de pénibles souvenirs, mais mon maître avait compliqué la tâche à plaisir.
Il m'avait enjoint de m'acheter une tenue aussi provocante que bon marché dans un sex shop, ce qui me donnait toute l'apparence d'une prostituée de bas étage. Chaque détail de mon maquillage avait été prévu par lui, un épais trait d'eyeliner soulignant mes yeux, ma bouche outrée d'un rouge à lèvres criard.
Ma coiffure relevait également d'un cahier des charges, queue de cheval haute portée serrée au sommet du crâne. J'avais tout l'air ainsi d'une danseuse du Crazy horse en pleine représentation.
Avant même de pénétrer dans le lobby, le groom me considéra d'un oeil surpris, et je compris, à un mouvement involontaire de son bras, qu'il était tenté de me barrer la route. Je forçai le pas pour le dépasser, inquiète de ce qui suivrait.
Et en effet, la même surprise se peignit progressivement chez l'élégante clientèle de l'hôtel sous la coupole monumentale qui accueillait la réception, puis sur celui du réceptionniste. Avant que je ne l'aborde, je perçus son désarroi, dégoûté par avance d'avoir à m'expliquer à quel point ma présence était déplacée ici.
Pour ma part, j'étais mortifiée de me retrouver en pareille situation, presque obligée d'expliquer le bien-fondé de ma venue en ce lieu. L'employé me considérait maintenant, sans même me saluer, d'un air condescendant qui m'infligea une vraie douche froide. Paradoxalement, cela m'insuffla l'énergie de prendre la parole et demander la chambre où m'attendait mon compagnon pour la soirée.
Le réceptionniste me fournit le renseignement à voix basse, sur un ton où perçait l'étonnement et je m'échappais bien vite dans l'ascenseur tout proche pour oublier ce moment de gêne.
Cet embarras m'avait donné des ailes, je franchis bien vite les longs défilés de couloirs jusqu'à la porte derrière laquelle je me sentais le besoin impérieux de me cacher, tout en redoutant ce qu'elle masquait.
Sans attendre, néanmoins, je toquais légèrement, et le battant s'ouvrit presque aussitôt dévoilant un homme en costume casual, ressemblant trait pour trait à ce que mon imagination avait prévu.
Des cheveux mi-longs argentés plaqués sur le crâne, des petits yeux noirs derrière des lunettes de créateur, la chemise d'un blanc impeccable ouverte avec désinvolture sur un torse recouverte d'une toison éparse et grisonnante.
J'avais alors en tête le scénario qui codifiait chacun de mes gestes et de mes attitudes. Dès que la porte se fut refermée sur moi, je me prosternais à genoux devant l'homme qui restait mutique.
Je baisais chacune de ses chaussures avant de relever la tête, faisant face à son entrejambe. Là aussi, il fallait que je l'embrasse en signe de ma condition, mais j'eus une seconde d'hésitation.
Je ne connaissais pas cet homme et ce geste intime me semblait impossible à effectuer eu égard à ma timidité naturelle. De son côté, il me toisait l'air légèrement impatient. Je devinais dans la fixité de son regard un tempérament despotique, caractéristique de la classe sociale à laquelle il appartenait.
Je me mordis les lèvres pour l'oublier, et tenter d'y substituer l'image supposée de mon maître.
M'approchant donc de la bosse de sa braguette, j'y déposais furtivement les lèvres.
— Déshabille-toi, me somma-t-il sans autre forme de politesse.
Je me relevai et obtempérai les yeux rivés au sol, réprimant le frisson qui se répandait sur ma peau au fur et à mesure que je la découvrais.
Je restais un long moment debout face à lui, une fois dénudée, pendant qu'il m'inspectait.
— Bon, fut la seule appréciation que je recueillis.
Cet homme avait dû connaître tellement de femmes que je devais lui sembler bien insignifiante , avec ma silhouette menue et mes petits seins. Insignifiante et quelconque, c'était également l'opinion que je me faisais de moi-même, fade avec mes cheveux d'une couleur d'or terne, mes yeux marron vert sans éclat, mes traits alliant la sévérité de mes origines andalouses et autrichiennes.
— Déshabille-moi maintenant, ajouta-t-il d'un ton égal.
Je m'exécutai, faisant glisser la veste, puis la chemise. La poitrine demeurait assez musclée malgré le poids des années, et la chair assez lâche qui l'enrobait.
Ses paupières firent un mouvement rapide vers le bas pour m'inviter à poursuivre ce que j'avais commencé. Je le débarrassais aussi rapidement de son pantalon, du caleçon et de ses chaussettes pour revenir me positionner à genoux à ses pieds. Le sexe pendait entre ses jambes et il m'attrapa par la queue de cheval pour que je le prenne en bouche.
— Au travail, esclave ! m'enjoignit-il en me plaquant contre le membre viril.
Je le léchais d'abord du bout de la langue, pour me familiariser avec sa saveur. Elle était âcre, forte, et je m'appliquai donc à la sucer goulument pour la faire disparaître. Cet empressement fut apprécié car un râle de satisfaction brisa bientôt le lourd silence qui s'était instauré.
Sans attendre, l'homme me pilonna la gorge, s'enfonçant sans aménité le plus profondément qu'il pouvait, à chaque nouveau coup de boutoir. Je tentais de me détendre pour le laisser s'insérer aussi loin qu'il le souhaitait mais il me malmena tellement que mes yeux s'embuèrent de larmes, qui ruisselèrent ensuite le long de mes joues. A de nombreuses reprises, j'eus des haut-le-coeur qui faillirent provoquer des renvois, mais j'endurais, j'endurais pour me montrer digne de mon maître.
Sa semence se déversa en moi après d'interminables minutes de cet intense supplice, tout comme le maquillage qui coulait sur mes paupières inférieures. Une vision qui parut l'amuser, car il me dévisagea pendant un long instant avant d'agripper à nouveau mes cheveux pour me mettre à quatre pattes.
Passant derrière moi, il m'écrasa la tête au sol pour que je ne présente que ma croupe relevée, dans laquelle il inséra sans préparation deux, puis trois doigts. La brutalité de la pénétration m'arracha un petit cri de surprise davantage que de souffrance.
— Tu couines pour trois doigts ? Tu devrais être déjà dilatée. Attends, je vais m'occuper de ça, annonça-t-il.
Le visage collé au sol, je l'aperçus prendre un tube sur la table de chevet. Quelques bruits énigmatiques plus tard, les doigts revinrent à la charge, enduits d'une substance visqueuse et froide.
Trois, puis quatre... je me mordais les lèvres pour retenir les gémissements qui jaillissaient de ma gorge. Mes chairs étaient étirées jusqu'à la rupture, me sembla-t-il, le bassin se refusait à laisser passer le pouce qui se joignit aux quatres autres tortionnaires.
Mais l'homme forçait, reculait pour revenir de plus belle, il affouillait mon intimité de sa main presque entière.
Le liner se répandait maintenant sur la moquette qui soutenait ma tête, la douleur était insoutenable mais je tins bon. Au terme d'une éternité de tourments, il m'avait écartelée complètement, son poing déformant atrocement ma douce intimité. Nul son ne franchit pourtant la barrière de mes lèvres alors qu'il s'acharnait jusqu'à obtenir entière satisfaction.
— Voilà comment il faut te traiter. Ce n'est pas une chatte qu'on honore, elle appartient à tout le monde celle-là, elle ne mérite que ce traitement.
Et en disant cela, il se retira pour me redresser d'un coup sec. Le vide laissé derrière lui fut aussi douloureux que sa présence, déchirant, lancinant. Mais indifférent à tout cela, il me fourra son phallus dans la bouche en me pinçant le nez, entreprenant de me marteler de plus belle. Mais le sexe ne réagissait plus à la féroce fellation. Au bout d'un moment, il abdiqua, et me rejeta en arrière.
— Tu me dégoûtes, salope, tu ne m'excites plus. Dégage ! me congédia-t-il la voix enrouée par la fureur.
Ainsi, il ne voulait plus de moi, je n'étais pas à la hauteur de ses attentes, songeai-je, dépitée, ou alors, il ne parvenait plus à bander et me rejetait la faute dessus.
En bonne soumise, il fallait que j'accepte d'être ainsi dégradée, que j'embrasse pleinement mon avilissement.
— Je suis désolée, murmurai-je en ramassant à terre mes vêtements, avant de les enfiler sans demander mon reste.
J'étais échevelée, le mascara avait durci sur mes joues, mais je m'élançai ainsi dans le couloir, avant de m'engouffrer dans l'ascenseur. J'avais besoin de m'éloigner au plus vite de cette chambre et de son occupant. Je voulais chasser ce souvenir définitivement de ma mémoire.
Le miroir de la paroi de l'élevateur me renvoya un reflet lamentable, une vraie scène de saccage, mais je ne pus qu'essuyer à la va-vite les coulures noires avant qu'il ne me libère dans le lobby.
Faisant fi des regards à nouveau inquisiteurs, je le traversai rapidement en baissant la tête, ravalant mes larmes, buvant pleinement la coupe de mon humiliation, avant de retrouver la fraicheur bienfaisante et indifférente de la rue.
J'avais mal entre les cuisses, j'étais assommée par tout le mépris dont j'avais été agonie, mais la foule de la rue me renvoya dans mon anonymat dans laquelle je me fondis avec réconfort.
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