Je reprenais lentement mon souffle, étendue sur le lit, les yeux fixés au plafond pour retrouver mes esprits. Je n'avais pas remarqué que le matelas ployait sous la masse de mon maître, maintenant présent à mes côtés.

Je le réalisai quand ses doigts flattèrent subrepticement mes cuisses, puis mon ventre, en survolant le mont de Vénus toujours palpitant.

À ma grande surprise, ils prirent la direction de mon cou, qu'ils longèrent d'une caresse imperceptible, puis inclinèrent vers lui mon visage. Il me fixait, les yeux jetant des étincelles, rayonnant d'une expression indéfinissable, d'une attention mêlée de gravité. Ses yeux noirs se rapprochèrent des miens... jusqu'à ce que ses lèvres se posent sur les miennes, d'une simple pression pour commencer.

Je lui répondis légèrement d'abord, retenue par la stupéfaction qui me paralysait toujours mais je me laissai bientôt emporter par un torrent d'émotion, écartai les lèvres, enlaçai langoureusement sa langue de la mienne. Ce contact timide se mua en tourbillon effréné, passionné, qui s'étira, s'éternisa, nos mains emprisonnant nos corps pour prolonger le baiser.

Était-ce normal dans le cadre d'une relation sado-masochiste ? N'avais-je pas outrepassé mon rôle de soumise ?

Le maître ne semblait pas s'en formaliser et il m'enroba de son corps comme l'aurait fait un amant ordinaire. La partie était-elle gagnée ? Avais-je vaincu si aisément ses instincts dominateurs ainsi que je l'avais toujours souhaité ?

Mais il s'écarta brusquement, me laissant plus pantelante encore que je l'étais après le violent orgasme dont il m'avait gratifiée.

Le matériel disposé à ma gauche tinta, des instruments étaient maniés, puis un son mat en jaillit. Ils étaient désinfectés, jugeai-je à l'odeur éthylique qui se répandit dans la pièce. Cela m'intriguait et me fit frémir tout à la fois. En entrant, j'avais aperçu des pinces, mais aussi des aiguilles, des cathéters, mais aussi des fouets de calibres divers, au milieu d'une foule d'autres objets qu'il ne m'avait pas été possible de détailler.

Pour lequel de ceux-ci avait-il opté ? Et jusqu'où pousserait-il le jeu pour cette première rencontre ?

Je n'osai pourtant tourner la tête pour en avoir le cœur net. J'inspirai profondément, quand une compresse humide fut appliquée sur mes tétons, doucement, juste avant que le bruit du plastique qu'on déchirait me confirme mon intuition.

J'avais instantanément compris. D'ailleurs, les doigts de mon maître s'affairèrent un moment à triturer mon mamelon pour en faire saillir la pointe. Mon corps obéit et le mamelon durcit.

Je savais ce qui suivrait et retint mon souffle, dans l'attente de la souffrance aiguë qui s'annonçait. Un éclair froid traversa mon sein gauche, j’espérais que cela ne prendrait qu'un bref instant mais l'aiguille avançait lentement dans ma chair.

Le maître étirait-il l'opération à dessein ? J'en vins à me mordre la lèvre inférieure pour me contenir, mais des tremblements me gagnaient progressivement si bien que j'étais prête à me servir du safe word pour mettre fin à ce supplice.

Enfin, la flèche d'acier transperça le téton, libérant une vague d'endorphines qui me submergea. J’exultais de cette délivrance, bien que la tige de métal se fit toujours sentir, trait froid dans ma chair tendre.

Le relâchement fut de courte durée car une nouvelle aiguille se promena sous mes yeux. Je les fermai donc, serrai de toutes mes forces les draps pour supporter courageusement la suite. C'était une question de fierté. Je savais qu'une bonne soumise endurait et ne protestait pas.

Les épines de métal revinrent à la charge une fois, puis deux. Mes muscles se contractaient, se tordaient, me semblait-il, pour atténuer les sensations à la fois déchirantes et délicieuses qui me faisaient tressaillir.

La douce paume de mon maître me rappela à moi, me cajolant comme une récompense. Son pouce encercla mes seins, faisant jouer le métal dans la chair, élançant ces parties si sensibles... Pas un son ne franchit ma bouche, je me tenais coûte que coûte à ma résolution.

Comprenait-il le combat qui avait lieu en moi-même? Toujours est-il qu'il effectua ensuite des cercles concentriques autour de mon clitoris, et le duvet qui revêtait l'intérieur de mes cuisses se dressa en réaction, avant que la chair de poule ne se diffuse partout ailleurs.

Le bien-être engourdissait à nouveau mon esprit, cependant, deux pressions s'exercèrent subitement sur mes grandes lèvres, m'arrachant à ma transe. Des pinces de métal y avaient été apposées d'un geste ferme et assuré. Elles me broyaient intimement, sauvagement, c'en était intolérable, suffoquant.

— Rouge, rouge ! implorai-je alors, étourdie sous le coup de la douleur.

— Je suis sûr que tu n'es pas si douillette, refusa-t-il sèchement.

Et sa langue explora la place que son pouce avait laissée, de bas en haut, de haut en bas, de gauche à droite et inversement, inlassablement. Le plaisir revenait malgré les morsures, par spasmes lents et légers tout d'abord, puis plus violemment, et je m'arquais pour tendre mon sexe vers lui, afin qu'il intensifie son œuvre, encore et encore.

Il y mit tant d'art que je m'abandonnai dans un orgasme bruyant, le second de la soirée. La tête me tournait d'un tel déferlement d'émotions. Il ne s'agissait pas simplement de l'assouvissement d'un désir, c'était bien plus que cela, et la douceur que je ressentis quand ses bras m'enserrèrent me démontra qu'autre chose émergeait, d'une tout autre nature. La chaleur qu'ils dégageaient respirait la tendresse, chose incongrue dans ce lien singulier qui m'unissait à lui.

Nous restâmes ainsi enlacés un temps qui me parut à la fois infiniment long et court à la fois, et lorsqu'il se redressa, le vide qu'il laissa me parut plus douloureux encore que toutes les cruelles exigences auxquelles il m'avait soumise.

L'air froid fit frissonner ma peau, mais j'étais détendue grâce au répit qu'il m'avait accordé. Je le recherchai du regard, et tournai la tête de son côté pour savoir ce qu'il était parti faire.

En une fraction de seconde, les pinces me furent retirées, de même que les aiguilles. Un picotement rigidifia mes mamelons, presque imperceptible en comparaison de l'épouvantable souffrance qui échauffa mes lèvres où le sang circulait à nouveau.

Je n'eus pourtant pas le temps de m'appesantir sur cette douleur nouvelle, que mon maître saisit ma laisse et me tira au sol, où je glissai brutalement.

— Chienne, tu iras au salon à quatre pattes, et en ma présence, tu te déplaceras toujours de cette manière, commanda-t-il de sa belle voix grave.

Son ton impérieux, l'autorité qu'il dégageait, réveilla le désir dans mon bas-ventre et je me dandinais pour lui obéir, avide de me soumettre à ses ordres.

Le sol recouvert d'un carrelage gris et froid, au contact infiniment inconfortable, ne m'empêcha pas de prendre un plaisir intense à cette situation. J'étais sa chienne, oui, je me sentais ainsi, et j'en jouissais, j'en ruisselais, prosternée à ses pieds. Est-ce qu'il y prenait le même plaisir de son côté, à me voir ainsi, réduite au rang d'animal, véritable esclave de ses envies ? Je priais intérieurement que ce soit le cas. Il m'avait dévoilé que c'était le rôle qu'il souhaitait pour sa soumise, qu'elle ne soit rien de plus qu'un animal sans volonté, consacré à attendre son bon plaisir.

Pour le moment, à ce que je pouvais apercevoir, il n'en était nullement ému et me toisait de ses yeux noirs, à la fois impénétrables et perçants.

— Je vais manger, chienne, annonça-t-il quand je fus parvenue tant bien que mal dans le salon.

Je l'interrogeais silencieusement. Me réservait-il une gamelle ? Devrais-je attendre qu'il termine simplement postée près de lui, comme un bon toutou ? Ou moins encore ?

Mais il me destinait une autre fonction, à la fois bien inférieure et bien plus plaisante...