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L'impression que Frans s'enfuit. C'est la façon qu'il a de presser le pas, la façon dont ses yeux parcourent l'horizon – dégringolade de façade en façade, sauts entre les panneaux publicitaires et les nuages, entre son téléphone et le trottoir, sauts pour éviter les regards – c'est le sac plein à craquer qui tape contre son flanc. Il ne rejoint pas un endroit mais en quitte un autre. Surprenant : on imagine plutôt une fugue lors d'un soir ou d'un matin désert, lors d'une nuit profonde. Pas à l'heure où les enfants sortent de l'école, où les rues sont passantes et tous les magasins ouverts. Ce n'est pas ce qu'on s'imagine et pourtant, voilà ce dont je suis convaincu : Frans s'enfuit.
A-t-il un plan en tête ? (Question comme un refrain. Question qui m'obsède. Qu'est-ce que Frans a dans la tête ?) On dirait qu'il ne sait pas du tout où il va – son pas est mal assuré – qu'il est parti sans n'avoir rien prévu, comme ça. Chez lui, l'action vient peut-être avant la réflexion. Ou peut-être la réflexion n'arrive-t-elle jamais. Peut-être qu'il n'y a rien à comprendre. Je ne sais pas. Peut-être que Frans fait partie de ces gens sans substance, disparus avant même de traverser, qui se laissent aspirer et annihiler, juste comme ça.
Distrait par mes pensées, je ne remarque pas que Frans s'est arrêté. Je lui passe à travers. (N'aime pas ça. Toujours la crainte qu'il frissonne à mon contact.) Nous sommes au pied d'une vitrine. Grandes lettres rouges. BARBARE AILÉ. Un modèle d'ailes blanches est exposé au premier plan sur un portoir. Plates et plumées, comme celles d'un oiseau.
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