ENTENDS-TU LA MENACE ?
Au Commencement, un très long cri.
Tu dis qu'il t'est parvenu, Frans.
Tu dis que le monde des fantômes et des ombres est plus palpable que celui des Hommes. Tu sens qu'il représente un danger imminent. Une menace continue sous tes pas, celle d'un monde qui pourrait s'ouvrir à tout moment, et t'avaler.
Dans ce monde, tu t'es jeté pourtant.
J'ai fini par comprendre. J'ai fini par te pardonner. Et le cri qui t'est arrivé, me semble-t-il, te pardonnait déjà. Mais puisque barbare, puisque étranger, ce cri — mon cri — n'a pas su te le dire. Je crevais le ciel immense, des ailes de cire brûlante rabattues sur mes joues. Je poussai un dernier cri, dans ma chute, pour m'être approché trop près. Un cri effrayé, effrayant, effroyable, le cri de celui qui croit encore.
Moi : la partie de toi qui croit. Échapée à toi-même le jour où tu as trouvé ton père sans vie dans la baignoire. Je plane encore autour. J'essaie de te comprendre. Et dans ma chute, je pousse un cri qui t'es adressé.
Il t'est parvenu.
Et après ?
Après, tu es de nouveau à ta place, là où, semblerait-il, tu t'es toujours tenu prostré, l'air grave et vacillant. Devant la glace, je me demande si tu entends encore la menace, en toi-même, d'un barbare salvateur. Je ne me demande plus pourquoi tu traverses. Seulement si tu m'entends approcher, si tu comprends les mots que je prononce.
Sais-tu que quelqu'un veille ? Quelque chose, tout du moins.
Si tu le sais, Frans, alors je n'ai aucun regret.
Alors, je ne t'en veux aucunement.
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