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Tout va bien...
Maïeul n'avait pas osé penser cela depuis si longtemps. Mais, là, tout de suite, dans cette forêt, avec Archibald, il a envie d'y croire. Plus que tout au monde. Et pourtant, il ressent cette noirceur en lui, certes vacillante et faible, mais belle et bien présente.
Il inspire profondément. Hors de question de laisser cette ombre gagner du terrain. S'il a appris quelque chose au contact de Myranda, c'est qu'un pan de ciel bleu nous attend toujours quelque part et qu'il suffit de savoir regarder à travers les nuages gris, ou dans la boue à nos pieds... Il est toujours là, à portée de main.
Il réalise qu'une petite lumière s'est allumée en lui, qui lui donne envie d'espérer, de ne pas se laisser ronger de l'intérieur par l'obscurité, d'être heureux dans l'instant présent. Et cette lueur, il décide de lui donner le nom de sa créatrice, Myranda.
Ils sont si biens, là, tous les deux, en connexion avec la nature. Et un pique-nique avec Archibald, finalement, c'est exactement ce dont il a besoin. Il a beau connaître la dureté du monde qui l'entoure, elle est souvent bien trop forte pour lui. Et avec la rencontre de Myranda, il n'y a pas que la foudre de l'amour qui l'a frappé de plein fouet...
Il réalise que sans Archibald, il se laissait happer par l'affreuse réalité du quotidien de Myranda. Non pas qu'il regrette de l'avoir rencontrée, loin de là, mais elle est aussi lumineuse que son existence est malheureuse : elle est entourée de mort. C'est fou, comme le destin a l'art de se payer ta tête : tu es mourante et je ne connais personne qui a autant envie de vivre que toi. Moi, je me détruisais en espérant rejoindre maman là-haut, et la mort voulait pas de moi... et quand j'ai failli y rester, j'ai tout fait pour vivre !
— Bald, je t'aime... souffle-t-il en regardant avec émotion leurs visages souriants joue contre joue sur l'écran de l'appareil photo digital.
Les yeux embués de larmes, il sourit. Tous leurs moments passés ensemble surgissent entre sa rétine et le voile opaque de ses larmes. Il chérit leurs moments de complicité, leurs moments d'amusement, leurs disputes... tout !
Il revoit très clairement leur cabane dans l'arbre, dans leur ancienne maison. Ils y passaient des heures. À la mort de leur mère, leur père, à contre cœur, leur avait annoncé leur déménagement : non seulement il ne supportait plus que son cœur se brise à chaque pas parce qu'il voyait sa femme dans chaque objet, mais surtout, il savait que, financièrement, il ne tiendrait pas très longtemps sans elle et son salaire. Elle gagnait mieux que lui, bien mieux, et il était fière d'elle, mais désormais, il lui était impossible d'assurer le même train de vie. Maïeul et Archibald n'avaient pas compris les raisons de ce déménagement, et Maïeul était furieux contre la terre entière.
Quelques jours après leur arrivée dans leur nouvelle maison, Maïeul avait fugué. Une grande partie des villageois avaient aidé son père à le rechercher pendant des heures. Archibald avait été éloigné de tout cela : dans sa panique, son unique parent restant ne l'écoutait pas. Ils avaient bien entendu eu l'idée de leur ancienne maison, mais n'y avaient pas trouvé Maïeul. Archibald une fois sur les lieux, avait échappé à la vigilance, et aux bras de son père. Immédiatement, il était monté dans leur cabane dans l'arbre, à lui et Maïeul.
Archibald n'avait rien dit. Il s'était contenté de s'asseoir et de poser sa tête contre son épaule pour le fixer en suçant son pouce. Maïeul n'avait jamais su combien de temps s'était écoulé, mais Archibald s'était endormi contre lui. Il s'était essuyé les yeux, avait soupiré et était à grand peine descendu avec Archibald serré contre lui.
Quand il avait rejoint son père. Il n'avait rien dit : il n'était pas désolé. Il avait posé délicatement Archibald sur leur nouveau canapé et s'était ensuite réfugié dans le torse de son père, où il avait pleuré toutes les larmes de son corps.
Son père ne l'avait jamais réprimandé ou puni pour sa fugue, et ils n'en avaient jamais reparlé. Ils n'avaient pas besoin de se parler pour se comprendre l'un l'autre. Son père était reconnaissant de son retour, et lui de leur silence. Il n'avait pas prévu d'effrayer son père, et à peu près tout le village, mais simplement d'être proche de sa mère...
— Tu t'entraînes à pécho Myranda, Maille qui Maïeul ‽ le taquine Archibald, hilare, en lui donnant un coup d'épaule, le sortant de ses souvenirs. Vas-y, au lieu de tenter de me séduire, tu veux pas avancer ? J'VEUX GRAILLE ! Tu me feras ton numéro de charme quand on sera à la rivière !
— Bald, j't'aime, mais Dieu qu't'es con ! pouffe Maïeul en ébouriffant les cheveux déjà en bataille d'Archibald.
Puis il laisse l'appareil photo, accroché autour de son cou, pendre contre son torse. Il passe son bras sous celui d'Archibald, et ils reprennent leur marche, bras dessus, bras dessous, Maïeul se baissant parfois pour ramasser des feuilles, des fleurs, des coléoptères et autres trésors pour sa boîte à merveilles.
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