14

5 minutes de lecture

— J… j… j… euuuuh… ben… je… bafouille Maïeul, troublé par le ton sec de Myranda et le regard furieux qu’elle pose sur lui. Suis là pour toi… termine-t-il dans sa barbe, complétement inaudible.

— T’es aussi lâche… que tu t’es montré… l’être hier… à ce que je vois… marmonne-t-elle avec difficulté alors qu’une unique larme dévale sa joue, ses lèvres et son menton brillants de transpiration à cause de la fièvre.

Sans réfléchir, Maïeul lui caresse doucement le visage. Par ce geste, il voudrait lui jurer qu’il n’est pas lâche, qu’il ne comprend pas ce qu’il a fait pour lui faire penser ça, qu’il n’a jamais été aussi téméraire et casse-cou que depuis qu’il l’a rencontrée, et c’est pas peu dire ! qu’il ferait tout pour la sortir de sa chambre, qu’il souffrirait sa maladie à sa place s’il le pouvait…

Les magnifiques yeux noirs de Myranda sont toujours emplis de colère, mais elle ne repousse pas le contact de sa main contre sa joue puis ses lèvres.

Le silence est profond. Archibald, dont ils avaient tous les deux totalement oublié l’existence, se rappelle à leur souvenir et toussotant.

— Maille qui Maïeul, c’est cool de tenir la chandelle hein je te jure, mais…

Ils sursautent doucement. Maïeul laisse mollement retomber sa main avec un sourire déçu. Il tuerait pour la toucher à nouveau. Pour l’éternité. Elle est entrée dans tout son corps par ce simple contact, comme un courant électrique. Myranda soupire longuement, et Maïeul la surveille avec attention, craignant qu’elle ne doive essuyer une nouvelle quinte de toux. Elle resserre faiblement ses doigts autour des siens pour le rassurer. Il se détend quasi-instantanément.

— Pffff t’es con, pouffe-t-il, pour donner le change. Ce petit con qui m’appelle Maille qui Maïeul…

Il marque une pause pour lancer un regard noir à Archibald, ce qui fait sourire Myranda jusqu’aux oreilles.

— … c’est mon petit frère, Archibald Gallien Philémon ! fait-il les présentations en insistant sur les deuxième et troisième prénoms d’Archibald pour se venger du surnom qu’il a utilisé devant Myranda.

— Heeeey ! se récrie Arhibald en lui donnant un coup de coude, l’air boudeur. Arrête ça, Maïeul Séraphin Philippin !

Myranda rit doucement, serrant son mouchoir à portée de ses lèvres, dans le cas où elle recommencerait à s’étouffer et à cracher du sang. Les traits de son visage se déforment sous la douleur.

Elle remarque les visages inquiets de Maïeul et Archibald, mais il continue de rire malgré sa souffrance.

— Faites pas ces têtes… d’enterrement. Ça fait du… bien de rire !

Son ton enjoué et léger ne parvient pas à détendre l’atmosphère, et elle se tait en renfonçant sa tête dans son oreiller.

Gêné, Maïeul se penche pour ramasser le livre tombé au sol un peu plus tôt. Il voudrait continuer à regarder Myranda dans les yeux, mais s’il peut lire en elle, l’inverse est vrai également. Et là, tout de suite, il se sent vulnérable et a peur de ce qu’elle découvrira en lui au fond de ses prunelles.

Suis-je vraiment un lâche ? Ça a tellement l’air d’être la réalité quand elle le dit ! Et pourtant je ne vois pas ce que j’ai fait pour qu’elle pense ça de moi ! Je dois lui apporter la preuve du contraire ! Et vite ! Vite ! Vite ! Très trèèèèès vite !

— Maïeul, oublie pas pourquoi on est là ! s’exclame Archibald, le ramenant à la réalité.

Les sourcils froncés, en signe d’incompréhension totale, il observe son petit frère comme s’il venait des pommiers de la lune.

Sans un mot, l’air moqueur, Archibald lève les yeux au ciel et désigne le paquet sur le lit d’un signe de tête.

— Oh, ça

Les mains tremblantes, il se saisit du cadeau en s’empourprant. Il se sent manchot : il ne sait pas quoi dire, et lui qui est pourtant si agile, il est maladroit et pataud quand il tend le présent à Myranda. Il baragouine une explication incompréhensible, même pour lui-même.

— Je traduis le Maïeul couramment, t’en fais pas ! plaisante Archibald à l’intention de Myranda. En gros, il avait hâte de monter pendant la pause cota.. colia… co… pendant la pause, pour t’approter… pour t’a-ppor-ter son cadeau qu’il a fait lui-même avec l’aide de Papi, Mamie et moi ! C’est ton annivr… a-nni-ver-saire ?

— Tu m’as fais un cadeau ? demande Myranda, incrédule, et se détournant d'Archibald pour dévisager Maïeul. Pourquoi ? Tu as pourtant fui, hier ?

Son affirmation finale se transforme en question en cours de route. Elle était si sûre qu’il avait eu peur et l’avait plantée comme un couard seule avec sa toux !

— Fui quoi ‽ demande Maïeul, tout aussi surpris qu’elle.

Quand elle le regarde, Myranda comprend immédiatement qu’il est sincère. Elle s’est fourvoyée sur son comportement et ce qu’il signifiait.

Non mais quelle abrutie je fais ! Zlurpy va bien se foutre de moi ! Et il aura bien raison ! Bien sûr, qu’il n’a pas fui. Il l’aurait fait à la seconde où je lui ai demandé de rester, sinon !

— Je m’excuse si j’ai fui, je ne m’en suis pas rendu compte ! Tu dois rien vouloir de moi, du coup… Bald, viens, on n’aurait pas dû monter. Adieu Myranda. Pardonne-moi.

Il sourit tristement en serrant le paquet contre son cœur et recule d’un pas. Myranda n’est que douleur quand elle se redresse pour retenir Maïeul, mais elle n’en a que faire. Elle ne fait qu’effleurer sa main, mais cela suffit pour qu’il s’immobilise, rempli d’espoir.

— Reste… supplie-t-elle. Maïeul avec un i, pas avec un y, finit-elle par ajouter après un silence, espiègle, pour lui montrer qu’il n’a rien à se faire pardonner.

— D’accord, Myranda avec un y, pas avec un i, répond-il, des étoiles plein les yeux. Tiens.

Elle attrape le cadeau qu’il lui tend mais grimace alors qu’elle manque de le faire tomber.

— Oufffti… C’est lourd… Tu peux… ?

Elle ne termine pas la question, Maïeul comprend immédiatement. Il défait soigneusement, pour qu’elle puisse le garder si elle le souhaite, le papier qu’il a mis tant d’efforts et d’application à faire.

— C’est…

Hideux ? Nul ? Un cadeau totalement idiot ? s’emballent les pensées de Maïeul.

— …magnifique !

Maïeul recommence à respirer, soulagé. Ses épaules se détendent : il se rend compte que durant quelques secondes, elles portaient le poids du monde.

— Vraiment ‽ s’assure-t-il. Tu ne trouve pas que c’est… Enfin je… Regarde là, en gravant le bois j’ai un peu dérapé… C’est censé être le M de Myranda mais ça ne ressemble à rien…

— Ce coffre est parfait, merci. Approche que je t’embrasse !

Il obéit en s’empourprant, lentement. Alors que, les paupières closes, elle s’apprête à lui faire une bise pleine de tendresse sur la joue, Archibald distrait Maïeul, qui se détourne pour le regarder. Les lèvres de Myranda s’écrasent sur les siennes. Son cœur explose et des papillons fou virevoltent dans son ventre.

Que… ?

Annotations

Vous aimez lire Je suis une loutre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0