Chapitre 2
La journée splendide rendait Sophie optimiste. Ciel bleu, soleil radieux, température chaude et légère brise. Les baies vitrées ouvertes sur le minuscule balcon invitaient un doux parfum printanier. La vue n'était certes pas très dégagée, enfin pas du tout, mais qu'importait ? Depuis l'annonce de son prochain emménagement dans cet immeuble tranquille, Sophie revivait. Finis les cauchemars, les nuits blanches, la peur. Envolés soucis ! Un soupir aux bords des lèvres, elle promena un regard satisfait sur la multitude de cartons remplis d'objets hétéroclites posés à même le sol. Il devenait difficile de se déplacer. Nouveau soupir, suivi d'un sourire. Heureuse, soulagée, motivée, elle était déterminée à tout installer seule.
Le lit ne posa pas de gros problème, un sommier simple et quatre pieds recouverts d'un matelas. Franchement, un détail. La table basse fut en place en vingt minutes. L'énorme vaisselier, folie regrettable, maintenant qu'elle devait décrypter la notice squelettique, demanda plus d'investissement, bien plus. Sophie jura, cria, grogna et finit par chanter qu'on ne l'y prendrait plus. Quatre heures plus tard, elle contemplait le meuble qui trônait dans son salon-cuisine, la fierté un peu blessée.
— Tu es Pise, décréta-t-elle avec emphase. Bienvenue chez moi !
Comme pour la remercier, le meuble émit un petit craquement que Sophie, dans sa grande bonté, prit comme un encouragement. Satisfaite, elle entreprit aussitôt de lui confier vaisselle, couverts et ustensiles de table. Les deux meubles à roulettes suivants se montrèrent conciliants avant de rejoindre, l'un, la salle de bain, l'autre, la cuisine. Les tringles à rideaux furent vissées avec le renfort d'une échelle achetée pour cette occasion. Dans le coin le plus sombre, elle installa la magnifique lampe à pied équipée d'un variateur. Dorée, majestueuse, puissante, Sophie l'affectionnait.
Quelques étagères, et deux tables de chevet plus tard, elle s'octroya le plaisir de brancher la mini-chaîne Hi-fi et choisit un titre entraînant sur son téléphone. Elle chantonnait à tue-tête tout en plaçant trépieds et planche dessus en guise de bureau et de salle à manger. Avec un coup au cœur, elle sortit son nouvel écran. Son pc portable l'avait lâchée ce matin, ce qui l'avait contrainte à courir en acheter un neuf. Heureusement, elle avait sauvegardé ses données sur son Disque Dur externe. Ce nouveau jouet lui avait coûté une partie de ses économies, mais c'était pour la bonne cause. Affairée à brancher et installer les périphériques puis divers équipements électriques, Sophie sursauta au son de l'interphone. Elle maintint le bouton appuyé et prononça de sa belle voix claire :
— Oui ?
— Bonjour, un colis pour Mademoiselle Pinson.
— J'arrive !
Le facteur ! Ravie et portée par l'urgence, Sophie sortit en trombe et dévala l'escalier, sa jolie robe jaune virevoltant autour de ses jambes nues. Elle manqua de heurter une silhouette imposante et enrobée. Vêtu d'un t-shirt noir, d'un blouson gris ouvert et d'un jogging bleu fluo, le tout taché, un homme la fixa d'un regard étrange, derrière des lunettes épaisses. L'ensemble était original et couronné d'une grosse masse de boucles châtains que cernaient divers tatouages à même le crâne rasé. Peut-être un voisin.
— Bonjour !
Il ne répondit pas, ne la regarda pas vraiment non plus. Un sourire poli, et elle continua sa route, sans s'en formaliser. Leur corps se frôlèrent sans se toucher. Malaise, tension.
Trois étages plus bas, le visage du vieux facteur s'éclaira, béat devant cette apparition blonde au sourire avenant. Après signature et remerciement, elle remonta son précieux paquet dans les mains. Sur son palier, le type croisé plus tôt détourna à nouveau la tête.
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