La mine réjouie, Sophie entreprit d'ouvrir la boîte volumineuse. Le contenu en était rendu invisible sous la quantité conséquente de "protections" en carton et en plastique. Elle tua son impatience, se contraignit à des gestes modérés et efficaces. La garantie ne couvrait pas la casse dès réception.

Avec d'infimes précautions et autant de prudence, elle sortit le super, et pesant, robot mixeur-pétrisseur de sa cachette. Une merveille ! Fascinée, ses doigts effleurèrent respectueusement le pavé numérique, le bol, l'anse. C'est avec minutie et efficacité qu'elle assembla et emboîta les diverses pièces fournies, sans qu'un regard à la notice ne fût nécessaire à cet exploit.

L'unique prise électrique encore disponible dans le coin cuisine nécessita l'ajout d'une rallonge. Enfin, elle put enclencher le mécanisme et en écouter le doux son, signe de la bonne marche de l'engin. Génial ! Il ne restait plus qu'à se ravitailler en ingrédients nécessaires, et elle serait en mesure de procéder aux premiers tests. Faire d'une passion son métier était pour sûr la meilleure idée qu'elle avait eu après celle du changement de ville, plus exactement de région. Mettre la moitié de la France entre elle et son passé aurait pu être qualifié de fuite en avant par le psychologue qu'elle y avait laissé. Du temps perdu. Pour ce que ces séances m'ont apporté !

Résolue à chasser ses sombres pensées, Sophie se convainquit, pour la millième fois sans doute depuis la signature de son bail, que tout irait bien.

Soulagée, la jeune femme disposa soigneusement son nouvel ordinateur portable. "Technologie dernier cri" avait proclamé le vendeur. Sa confiance en ces êtres prêts à tous les stratagèmes pour enrichir leur tiroir-caisse avaient largement été émoussée. Néanmoins, faute de conseillers appropriés, elle avait été contrainte de le croire. Au moins s'était-il montré compréhensif avec l'ajout d'une livraison sans frais supplémentaires.

Moins experte, Sophie gagna, dans la douleur, la bataille technologique et électrique qui s'ensuivit. Vaincu, l'écran afficha le logo du constructeur puis le bureau virtuel de Windows. Le clavier rétroéclairé fit pétiller les yeux menthe de la blonde. Les instructions du DVD furent exécutées à la lettre et enfin, Sophie soupira de satisfaction, à l'idée du travail bien fait. Son ordinateur était connecté à internet. À moi la joie du surf et de la recherche !

Un bruit dans le couloir. Curieuse elle écouta derrière la porte. Rien. Tout doucement, elle tourna le verrou, entrouvrit le battant. La porte d'en face se fermait sous l'impulsion d'un pied chaussé de tongs. Elle reconnut tout de suite le dos, la coiffe et les habits étranges de l'homme croisé plus tôt.

Mon voisin de palier !