Sempiternelles excuses - Défis
Laissez-moi vous raconter une histoire. Peut-être un peu longue pour ceux qui aiment les histoires courtes ou peut-être un peu courte pour ceux qui aiment les histoires longues.
Je suis enfin prête à écrire ce que j’ai toujours voulu écrire : ma rencontre avec elle.
Ne vous méprenez pas, c’était il y a fort longtemps et peut-être que certains détails auront été oubliés, perdus dans l’obscurité de ma mémoire. Mais j’essaierai d’être la plus honnête possible.
Ma main tremble un peu lorsque j’attrape mon stylo et mon cahier. Surement, à cause de la peur de la revoir, même si ce n’est que dans mes souvenirs.
2-
La première fois que je t’ai aperçue, c’était en juillet 1962, j’avais 22 ans et tu en avais 20. Il faisait beau et tu portais une robe jaune et des talons hauts. Tu m’as tout de suite plu. Tes yeux bleus pétillants et tes lèvres rosées qui s’étiraient dans un large sourire. Tu étais avec des amies devant le théâtre et vous rigoliez ensemble de choses que je n’ai pas pu entendre. Tu avais un beau rire cristallin qui résonnait dans les rues. Je ne crois pas que tu m’aies vu ce jour-là. J’étais bien trop timide pour t’approcher. Mais je savais que j’essaierais de vaincre ma timidité pour toi.
Le soir, quand je suis rentrée chez moi, je ne pouvais détacher mes pensées de ton image. Tu étais vraiment la plus belle jeune fille que j’avais jamais vue.
3-
Le lendemain, je t’ai croisée dans le marché, tu regardais les fleurs. J’ai eu envie de m’approcher et de t’en offrir une. Mais je n’y suis pas parvenue. Je t’ai juste regardé, de loin, acheter un bouquet de roses.
Je ne savais pas si j’aimais les femmes. Et même si j’en étais sûre, ce n’était pas une époque pour le dire. Mais pour être totalement sincère avec vous, je ne sais toujours pas. Je crois que je l’aimais elle, et puis c’est tout. Je voulais être son amie et plus à la fois. Je voulais la voir danser dans mes bras et sentir son rire sur mon cou. Je voulais qu’elle me regarde et que dans ses yeux brillent un millier d’étoiles.
4-
Tu t'appelais Élise. J’ai entendu ton nom lors d’une conversation avec l’une de tes amies et depuis, je l'ai chéri dans mon cœur. Élise, Élise, Élise. Je l'ai écrit dans le sable, dans le vent, sur le papier.
Des jours ont passé, mais je n’ai toujours pas le courage pour te parler, pour me faire connaître de toi. Je croyais bien que tu m’avais regardé lorsque nous participions au concours d’éloquence. Ou, peut-être, regardais tu quelqu’un d’autre ? Tu portais une robe rouge et ta voix s’envolait dans les airs. À côté, je bégayais tellement que je n’aurais jamais pu remporter la première place. Mais toi, tu t’exprimais si bien. J’aurais pu t’écouter durant des heures.
5-
Laissez-moi vous raconter une histoire. Peut-être un peu longue pour ceux qui aiment les histoires courtes ou peut-être un peu courte pour ceux qui aiment les histoires longues.
Aujourd’hui, je suis une vieille dame et mes souvenirs s'effritent. Mais je n’ai jamais oublié Élise.
Je ne lui ai jamais parlé, ma timidité l’emportait sur mon admiration. Je le regrette aujourd’hui, car j’aurais aimé savoir si une histoire aurait pu naître entre nos deux âmes.
Ne vous laissez pas dévorer par la peur. Voilà la morale de mon histoire.
La peur est une sempiternelle excuse.
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