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Je tends le regard vers la fenêtre, les rayons froids du matin qui se plaquent sur la ville, ses blocs carrés. J'ai la tête lourde de nuit, encore car toujours, passée entre les verres pleins ras bord et trop vite vidés. Je fixe le mur rouge, à droite du lit ; y revois les tables bourrées de nous devant le bar, depuis longtemps fermé. Je me souviens du ciel au-dessus, foncé puis bien clair, et le bleu comme une vague autour pour nous pousser à rentrer. Il était 3 heures ou peut-être 6, le lendemain, une autre veille d'un autre soir. Je ne sais plus les jours. Je ne compte plus quand je bois, maintenant, je ne fais plus ça.

J'ai ton souffle près de la nuque. Au loin de mes épaules, les formes montagneuses de tes seins. Je ne dors pas le jour et te laisse ainsi au soin des draps, dans ce nid que tissent tes doigts et tes mèches sur l'oreiller au dos rond. Tu restes paisible, au sommeil, tu ne m'accompagnes pas. Le bout des pieds sur le bois, je fais craquer le parquet, remonte le couloir jusqu'au salon. Havre et abri que je te cède parfois, en béquées boudeuses. C'est mon cloître, mon repoussoir. Un pas et je deviens dragon, terrible, molosse sauvage. Personne n'approche, non ; pas d'humain, ici, aucun dehors, ni bruit ni monde. Ou bien je crache, je charge, je mords. Patiente, généreuse par tes yeux clos, tu me laisses ces heures du matin où je m'enfonce précieusement, reprends mon territoire. Laisser l'alcool s'évanouir et mes barrières s'abaisser. Je ne suis plus forteresse. Ces quelques heures isolées comme un cadeau que je m'offre, sans repos mais paisible, un peu, enfin, dans mon éternelle lutte soudain interludée.

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