Chapitre 21 : Et ça fait zoumbi café !!

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Vaste et glacial, le vestiaire baignait dans une atmosphère lourde. Dans un brouhaha tendu, les dix mille candidats attendaient. Impassible Kayna Darck, observait l’agitation de ses adversaires avant de se concentrer sur son cousin en face qui, par télépathie lança :

— Ils sont pitoyables ! Regarde-les. Certains transpirent alors que rien n’a commencé. 

— J’espérais plus... de compétition. 

— Les apparences bernent toujours. 

un éclat de moquerie teinté de mépris, Baphomet transmit :

— Certains ici sont des maîtres en illusion, d’autres, de simples proies. Tu les reconnais à leur manière de se tenir. Trop raides ou trop crispés. 

— Tu as ta liste ? s’assura-t-elle

— Ne t’inquiète pas ! Le temps que l’on se rejoigne sur la Map, j’en aurais dézingué la moitié.

Les écrans holographiques suspendus clignotèrent et s’éteignirent simultanément, les plongeant dans la pénombre. Alors le plafond s’effaça pour laisser passer une flopée de magicam, trois par participant, qui couvrirait tous les angles de leur trépidante aventure.

Finalement, des maelstroms argentés se matérialisèrent face à chaque challenger. Beaucoup hésitaient à s’en approcher, redoutant ce qu’il trouverait à la sortie.

— Ils sont déjà terrifiés, s’amusa-t-il

— Ils ne feront pas long feu, j’espère qu’il y a mieux dans les autres section. On se retrouve plus tard, et veille à te contrôler s’il te plait.

Bien qu’il soit plus âgé, elle avait tendance à le materner ce qui parfois l’agaçait. Après sa traversée, elle fit de même et apparut à lisière d’une mégalopole ravagée. Le goudron craqua sous ses bottes, libérant un nuage de poussière dispersé par l’évaporation du vortex.

— Charmant. 

Sa portion d’autoroute était vide, mais derrière le séparateur nombre de véhicules bouchaient le passage comme si l’on avait essayé d’évacuer. À l’horizon, des tours étripaient le firmament.

— Qu’est-ce qu’ils espèrent avec ce décor ? 

Un rictus trahit son exaspération. Autour d’elle, les Magicams planaient, immortalisant chaque fragment de la scène. Les spectateurs, hypnotisés, tentaient de percer le mystère de ces carcasses métalliques et de ces édifices aux formes inédites.

Son pouce frôla le talisman, déclenchant une onde qui parcourut son épiderme. Des filaments fusèrent, dessinant des tracés fluctuants. Cette énergie activa le drapé ombreux, qui l’enroula.

Le tissu s’ajusta à ses mouvements, souple et rigide à la fois. À chaque pulsation, les arabesques d’or réagirent, éveillant les sortilèges tramés dans la matière. Elle s’éleva doucement. Ce qui libéra un long manteau noir, fusionnant d’emblée avec les ténèbres environnantes. La transformation achevée, elle lança une œillade à la Magicam.

— Ils doivent adorer ça. Trop facile. 

Parmi la masse de véhicules, une BMW Série 1 au capot enfoncé et aux vitres brisée. Elle s’approcha et la toucha. Une vague dorée se répandit sur la bête mécanique la ramenant à la vie. Installée au volant, elle constata qu’elle avait moins d’options que celles de son père conservé dans les souterrains de Khalarie, au milieu des vestiges de l’Ère des hommes. Elle chérissait les moments ou Kieran lui apprit les rudiments de la conduite sportifs.

L’écran holographique clignota : Usage des ressources environnantes +2000 points.

Une cadence énergique montant de l’autoradio, elle enclencha la vitesse et se propulsa, laissant une trace ardente sur le macadam. Un vent puant s’engouffra par les fenêtres, la fouettant. Tandis que les paysages flous défilaient telle l’œuvre d’un impressionniste. Au loin un obstacle se dressa. Un mur de métal ! Non une bâtisse de fer s’étalant de son long.

« Pas question de ralentir maintenant ! » tonna sa pensée.

Vive, elle activa le frein à main. Les pneus crissèrent, mordant le bitume, l’odeur de caoutchouc brulée vint aussitôt chatouiller son nez.

« Montre-moi de quoi tu es capable ! » criait la fièvre passagère qui l’habitait.

Répondant à son injonction, elle s’inclina, épousant les contours du tracé. Le danger s’avoisinait, mais l’adrénaline, ce délice, remplaçait la peur. Sa manœuvre était audacieuse. D’une esquive parfaite, elle frôla la menace qui se retrouva dans son rétroviseur.

— C’est comme ça qu’on roule ! » s’enjailla-t-elle.

Kayna, au sommet de sa maîtrise, fit de cet instant tendu un triomphe flamboyant. Ce jour-là, elle ne conduisit pas, elle s’unit à la route dans une danse sauvage, gravant sa marque dans le rugissement des moteurs et l’air déchiré par sa vitesse. SpellTok s’embrasait. Alors que la silhouette décapitée de la dame de fer se dévoilait à mesure de son approche, un Paris réinventé par Enlil dans un chaos post-apocalyptique se dressait sous ses yeux.

Les roues mordirent les gravats, projetant des éclats contre la carrosserie. Elle freina net. La portière s’ouvrit, ses bottes frappèrent la cendre, et, dans un mouvement presque rituel, elle étendit les bras. Prélude à la tempête à venir, le calme l’imprégna.

— Voilà où les choses sérieuses commencent. 

Kayna scruta de plus près le paysage agonisant. Les dents serrées, elle comprit que son oncle, à travers les jeux, cherchait à confronter le peuple de Terre 3 aux horreurs dont il avait été épargné.

Son regard se posa sur les décombres, où un grondement sourd vibrait, tandis qu’une exhalaison de pourriture l’envahissait. Des formes émergèrent lentement du brouillard. Les premières silhouettes se dessinèrent : tordues, déformées, chancelantes. Des morts-vivants. Leurs organes traînaient péniblement, la viande se déchirant par lambeaux, des os dégoulinant d’une substance noire et visqueuse. Ces créatures dégageaient une odeur suffocante, un mélange de putréfaction et d’acidité. Leurs griffes raclaient le sol, creusant des stries dans les débris éparpillés, provoquant un grincement à faire frémir.

— Insuportable...  murmura-t-elle.

Une impulsion dorée jaillit, formant une lame scintillante. Les zombies se ruèrent sur elle, leurs mouvances chaotiques trahissant une hargne maladroite. Les membres décomposés se courbaient, rendant l’assaut lourd et désordonné. Agile Kayna glissait à travers l’espace, défiant la gravité. À la moindre estoque, son arme d’éther s’enfonçait dans les chairs putrides, projetant des geysers de fluide nécroser.

Le vacarme des cadavres fracassés se mêlait aux pierres chues des ruines. Des monstres chutaient sous ses offensives fulgurantes, lorsqu’un mugissement assourdissant explosa les vitres encore intactes. Sa combinaison produisit aussitôt un champ d’éviction qui la préserva de l’averse de verre. Attirée par une cavalcade, elle pivota son attention : un macchabée de centaure s’élançait à travers les décombres, son torse maculé de sang figé. Son souffle de naseaux laissait des marques de brulure sur tout ce qu’il frôlait. La sorcière plissa les paupières.

— Approche mon beau !

En un éclair, elle se glissa sous la créature, esquivant ses sabots déchaînés. Ses doigts touchèrent son flanc rugueux, une sphère naissant illico. Sa victime lâcha un grondement acerbe, un déferlement de viscère l’aspergea, collant et répugnant. Véhémente, elle projeta sur l’adversaire qui tel un pantin désarticulé, fut balayé vers d’autres cieux. Ses jambes pliées, elle se redressa d’une impulsion.

Le flot incessant de dépouilles s’étalait. Parmi cette marée morbide, une fée déchue bondit, ses ailes ébène fouettant l’espace comme des griffes affamées. Kayna s’élança, relâchant une houle, expédiant l’abomination contre un kiosque, désormais réduit à l’état de débris.

Une nuée de zombies se rua dans un fracas d’os et de râles. Ses mouvements précis envoyèrent des projectiles immatériels fendant le chaos. Une crispation imperceptible déforma ses traits, un mépris froid grandissant face à cette vermine sans fin.

— Vraiment ? C’est tout ce que vous avez à offrir ?

En guise de réponse, les fondations vacillèrent, marquant le bitume de nouveaux sillons. Elle fit volte-face. Un cyclope géant, enragé, ravageait tout sur son passage. À chaque geste, des blocs de pierre s’envolaient, et la créature brandissait un panneau métallique arraché « Louvre » à la manière d’un marteau légendaire.

Sans hésiter, la Darck se propulsa, émettant un cri de guerre furieux, sa trajectoire dirigée vers l’unique orbite de la bête. En plein vol, une main massive se referma sur elle, l’étreignant dans un étau. La douleur fut brève, évanouie aussitôt. En une fraction, elle s’estompa pour réapparaître dans le dos du colosse. Sa lame vaporeuse reprit forme, s’enfonça sous la nuque et s’étira à travers l’immense cerveau, traversant le crâne avant de se dissoudre à nouveau. Le cyclope chancela, ses genoux percutant les RAMS du tram. La terre gronda sous son poids, entrainant dans sa chute les vestiges qui l’entouraient.

Sa M-Watch vibra : Boss abattu//100 000 points d’expérience.

Du coin de l’œil, elle distingua une silhouette perchée sur les ruines de Notre-Dame, l’observant. Le Non affilié.

— Tu sais, Iscar, je ne suis pas ici pour jouer à cache-cache. Si tu veux un vrai défi, viens te battre. À moins que tu sois lâche.

Vif, il fit jaillir un turban de sa manche, qui s’élança et s’enroula avec précision autour d’un lampadaire intact. il se propulsa, disparaissant tel un fauve esquivant son territoire. Tandis qu’elle avançait vers le sanctuaire indiqué sur sa carte holographique, une pensée persistait : cet homme dégageait quelque chose d’insaisissable. Était-ce une aura malveillante ou simplement fascinante ? Elle n’arrivait pas à trancher. D’ordinaire, ses intuitions étaient instantanées, claires comme de l’eau de roche. Pas cette fois.

****

Lorsqu’il sortit du vortex, Baphomet se retrouva acteur d’un paysage ténébreux, révélant une terre calcinée. Des fissures déchiraient cette contrée inhospitalière, baignée dans un climat aride et étouffant. À l’horizon, une citadelle d’argent se dressait, ses murailles métalliques hérissées de pointes acérées transperçant le firmament tourmenté. En tournant sur lui-même, il remarqua d’autres candidats épars, des personnages à la fois intrigants et menaçants : certains se mirent en marche, tandis que d’autres, visiblement confus, tentaient de saisir la situation.

Baphomet toucha son médaillon, et la combinaison jaillit, s’adaptant à sa morphologie. L’or et le cobalt scintillaient, se fondant en motifs changeants au gré de ses mouvements. À sa volonté non exprimée, son mode caméléon ne l’intégra pas au paysage dévasté comme il s’y attendait, mais le plongea dans une réalité alternative. Dans cet état, tout était trouble et dissonant, sans être désagréable. Il remercia intérieurement Tom de son génie.

Non loin de là, trois figures encapuchonnées discutaient à voix basse. Leurs robes lourdes de runes du Vent flottaient dans l’air vicié, tandis que leurs nervosités trahissaient une méfiance grandissante. Uldar, Ilhara, Malhor – des noms gravés dans sa mémoire, des idiots qui avaient été d’anciens camarades de classe. Ils s’étaient moqués de lui et le rabaissaient à la moindre occasion, transformant son existence en un véritable calvaire. Malgré sa puissance, il devait se retenir de répondre à la tentation de les tuer. Aujourd’hui, cependant, il comptait bien s’amuser.

Agenouillé sur la cendre, c’est concentré qu’il dissocia sa conscience, bribe par bribe : chacun se frayant un chemin tel un poison au cœur des Druides. Les éclats de ses réflexions glissèrent, se faufilant dans les pensées fragiles, réveillant des échos de peur et d’angoisse. Les figures encapuchonnées se raidirent sous l’effet de l’intrusion, un souffle coupé passant entre elles. Uldar, le plus âgé, fronça les sourcils :

— Il y a quelque chose... murmura-t-il.

Son sceptre trembla légèrement dans sa main :

— Vous le sentez, vous aussi ?

Malhor, grand et squelettique, haussa les épaules avec une indifférence feinte.

— Encore une de tes paranoïas, Uldar ? Tu deviens vieux.

Un ricanement accompagna sa déclaration. Ilhara vira la tête l’examinant avec irritation.

— Arrête de faire l’enfant. Concentre-toi.

Plantant la graine du doute, Baphomet appuya un peu plus : « Ils te surveillent. Ils attendent que tu faiblisses. » Uldar serra les dents et tourna son sceptre vers Malhor :

— Pourquoi es-tu si proche de moi ?

Surpris, l’accusé recula :

— Moi ? Depuis quand ai-je besoin de me justifier ? C’est toi qui agis étrangement.

Ilhara fronça les sourcils, sa patience s’effritant :

— Vous vous trompez de cible. Si l’un de vous se retourne contre moi, vous le paierez.

« Ils mentent. Ils te renieront. »

Uldar pressa son bâton :

— Pourquoi me toises-tu ainsi, Ilhara ?

Incrédule, elle le dévisagea :

— Parce que tu es un vieux fou.

La tension monta d’un cran. Des petites étincelles de paranoïa s’allumaient, chaque murmure s’imprégnant d’une menace insidieuse, chaque mouvement devenant une traîtrise latente. Baphomet, maître du jeu tapi, se délectait de l’envolée du conflit. Cédant à sa contrainte psychologique, Uldar leva son sceptre. Une lame de vent jaillit dans l’air vicié, frappant près de Malhor, qui l’esquiva de justesse.

— Tu m’attaques maintenant ? s’écria son comparse, choqué.

Ilhara, sans attendre de comprendre, projeta une vague de mana ébène, dense et crépitante. À partir de là, ce fut l’escalade, la graine avait pris racine.

Les coups pleuvaient, les alliers subissant l’assaut de ceux désormais rivaux. Leurs accès de rage se fondaient dans des déchaînements d’énergie, impressionnants à l’œil, mais dérisoirement faibles en intensité.

Tandis que le marionnettiste jubilait, leurs lucidités s’émiettaient, dispersées, désordonnées : des pantins jouant leurs partitions dans la symphonie chaotique orchestrée avec maestria.

Le premier à tomber fut Uldar, frappé par une décharge qui le plongea dans le coma. Submergé par la fureur d’Ilhara, Malhor suivit de près. Et enfin, quand il ne resta plus qu’elle, haletante, couverte de sang que le Darck se révéla. Beau. Hypnotisant. Conquérant. Ilhara leva la tête :

— Toi...

Baphomet la fixa et libéra une onde de chakra. Ce fut un battement de cils, puis plus rien. Telle une poupée de chiffon qui n’amuserait plus personne, elle s’effondra ! Tout à coup, un grondement résonna, suivi d’un maelstrom d’argent qui émergea, attirant les perdants dans son sillage. Ils se transformèrent en reflets éphémères, avant que la spirale ne se dissipe, laissant le vide s’installer.

« + 20 000 XP par ennemi terrassé.

+ 100 000 XP pour la stratégie et l’accomplissement de la quête secondaire   « Éliminer sans attaquer directement . »

Distinction : Premier candidat à éliminer des adversaires. »

Une rafale de notifications provenant de SpellTok suivit : des likes et des messages d’admiration l’inondèrent. Ses fanes étaient en délire.

Master Baphomet pivota vers sa magicam, un éclat de victoire l’auréolant. Affichant une nonchalance calculée, il prit quelques secondes avant de s’adresser à ses followers :

— Eh bien, mes chers spectateurs, je suppose que ce n’était qu’un échauffement. Pas trop mal, non ?

Son ton devenant plus charmeur, il ajouta :

— Mais je dois dire… Ce n’était pas un grand défi.

Un simple clin d’œil fit exploser les réactions. Nul doute, oscillant entre un humour léger et une assurance écrasante, il jouait avec son public.

Il balaya les notifications et de sa M-Watch apparut le classement :

— Ah, regardez ça... numéro un, bien sûr.  Et qui vois-je en troisième place ? Kayna. Cousine, il va falloir te dépasser si tu veux me rattraper.

En deuxième position, un autre nom attira son attention.

— Et bien, Elysia, j’ai hâte de découvrir ce que tu vaux.

Il termina son exhibition par un salut théâtral :

— À bientôt, mes fidèles. N’oubliez pas, le meilleur est encore à venir.

D’un slide sur son cadran, le classement fut clôturé. Alors l’interface projeta une tour massive et imposante, éclatante sous le spectre du ciel morne. Sa première quête l’attendait là-bas, et il espérait fortement tomber sur un membre de prieuré figurant sur sa liste.

Le jeu ne faisait que commencer.

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