9
9
Lycée, lundi, fin de journée, Clermont-Ferrand
L’ultime sonnerie de la journée retentissait dans tout l’établissement. Une centaine d’élèves se ruaient alors dehors en se bousculant les uns les autres. Une frénésie digne d’un concert d’ACDC à leur grande époque régnait dans l’établissement. Cris et rires se confondaient, formant un brouhaha inaudible. Mégane, déjà dehors, cherchait Louise du regard, mais en vain. Celle-ci était toujours dans la classe de Philo avec son voisin, monsieur Floran, le père de Mégane.
Damien avait opté pour une approche plus intime dans l’éducation. Il ne voulait pas mettre de barrières avec ses élèves, estimant que l’éducation devait se transmettre dans la simplicité. Il agissait de la même manière avec ses élèves qu’avec sa fille ; il était paternaliste et bienveillant. Il pouvait se montrer aussi sévère que juste et réconfortant quand il le fallait. À ses yeux, le rôle de prof n’était pas incompatible avec son rôle de père ; les deux étaient complémentaires.
Au fil des années, les élèves qui se succédaient savaient qu’il était toujours à l’écoute et qu’il prenait un rôle de confident, sans jamais dépasser les limites bien évidemment. Il n’œuvrait que pour le bien-être des jeunes. Et quelle cour plus indiquée que la philosophie ? Tout en suivant le programme imposé, il apportait ce petit plus qui rendait son cours passionnant et si humain. Il avait l’habitude de présenter sa matière comme l’art de bien penser et bien agir en toute circonstance.
Alors qu’il rangeait ses affaires, il croisa le regard bleu clair de Louise qui, au vu de son agitation, semblait préoccupée par quelque chose.
— Tu vas bien Louise ? Tu voudrais me parler ? s’enquit Damien d’une voix douce et bienveillante.
— C’est assez délicat, monsieur.
— Damien, je te prie, nous sommes qu’entre nous !
Louise, qui d’ordinaire était pétillante et joyeuse, avait une bien triste mine. Hésitante, elle piaffait dans la classe en fuyant le regard de Damien.
— Tu sais bien que si tu as un problème, je suis là, et ça restera qu’entre nous.
— Bien évidemment, mais il ne s’agit pas de moi, mais…
— Un garçon ? interrogea Damien.
À l’annonce du prénom, il prit place à son bureau les yeux froncés.
— Je crois qu’elle ne va pas bien et j’ai peur pour elle. Elle ne me parle pas beaucoup ces temps-ci. Elle se renferme sur elle-même et je n’aime pas ça.
Un silence gênant s’installa. Louise adressait un regard inquiet à Damien, qui lui aussi changea radicalement d’expression. Une multitude de questions lui venait à l’esprit, comme pourquoi ne pas lui en parler ? Le regard fuyant de Louise était éloquent, criant de vérité, mais hélas, Damien ne voyait rien. Elle ne pouvait pas rompre son serment, mais suggérer n’était pas synonyme de forfait. Ô combien elle se trompait, parfois le silence même pour de louables motifs, s’avérer être parfois fatal.
Louise seule dans la classe, voyait filer la seule échappatoire pour Mégane, impuissante, pétrifiée d’effroi. Des larmes de tristesse et de peur perlaient sur ses joues roses. D’un revers de la main, elle les chassa et enfila son masque de la joyeuse jeune fille pour n’éveiller aucun soupçon.
Annotations
Versions