Chapitre 11 - Assaut vertical
Les murailles restent toujours désertes, mais un grincement monte de l'intérieur des murs. Quelqu'un abaisse le pont levis. Un contrepoids invisible s'est mis en marche. Devant mon chariot, la route est en train de s'ouvrir vers Hohenraufheim. Lorsque le panneau de bois est à mi chemin, je fais claquer les rênes, et ce bruit, ou l'ébranlement du chariot, réveille le marchand. Il me jette un regard halluciné, et se redresse comme dans un cauchemar et se met à hurler. Les gardes sur les tours n'ont pas survécu si longtemps en courant des risques inutiles. Il y a quelque chose d'anormal dans ce chariot, il ne doit pas pénétrer dans la ville. La première flèche le cloue au bois du siège avec un bruit sec. Et il se tait, rejeté en arrière. Vivant pour encore quelques secondes. Quelques secondes pour comprendre comment il s'est retrouvé là et ce qui le tue.
Lorsque la deuxième flèche frappe, je ne suis déjà plus dans le chariot. Il ne me restait que quelques pas à franchir. Quelques pas et tout aurait été calme et douceur. Je n'aurais pas eu à courir : les gardes m'auraient salué, heureux de me voir entrer avec mon chargement. J'aurais échangé avec eux des plaisanteries. Peut être même m'auraient ils souri. Au lieu de cela, je suis obligée de bondir pour m'accrocher au pont levis qui remonte aussi vite que le permet le mouvement des contrepoids, tandis que, sur l'autre face du bois, j'entends le claquement des flèches.
Puis le feu cesse. Quelqu'un a du en donner l'ordre. Un sergent plus expérimenté qui sait que lorsque le pont sera à la verticale, je serai de nouveau exposée et et que pour le moment, il ne sert à rien de gaspiller les flèches.
Je repense aux pavois qu'Eisenkopf gardait dans son chariot. C'est là qu'ils me seraient utiles. Une pensée imbécile. Un semblant de panique que je chasse devant le danger qui approche.
Il reste quelques seconde avant l'assaut. Je me prépare. Je sais que dans leur abri, ils se préparent également, à leur propre façon inconnue.. Eux et moi savons ce qui va se passer. Nous allons nous retrouver face à face, et le premier qui doutera tombera vaincu. C'est la fraternité des ennemis avant l'assaut. Certains à ce moment éprouveraient de la peur ou de la haine, et ces sentiments les aveugleraient. Pas moi.
Lorsque le pont levis achève sa trajectoire, je ne suis plus à la même place. Pendue à la verticale, je me suis placée de manière à être au maximum couverte par le mécanisme de levée .Entre les archers et moi, il y a désormais le bras mobile de la potence, et quelques mètres de chaine qui ne peuvent être repliées dans la tour Et les flèches préparées manquent leur cible. Mais il y a plusieurs mètres à escalader à découvert, et le mâchicoulis à prendre d'assaut. De l'autre côté, je vois le visage de mon ennemi. C'est un jeune soldat, une levée de l'année, le cou protégée par un gorgerin de métal, la tête entortillée dans une cotte de mailles. La flèche qu'il lache en me voyant passe à travers ma cuirasse-à cette distance, elle aurait percé du métal - et s'enfonce directement dans ma poitrine par le défaut de l'épaule. J'ai de la chance, elle n'a touché aucun os, n'a sectionné aucun muscle. Rien qui puisse entraver mon mouvement. Mais elle dépasse maintenant, selon un angle absurde, comme si elle était venue du ciel et non de la tour.
A cause de cet imbécile, j'ai maintenant un trou dans l'épaule, et c'est irréparable..Accrochée entre les pierres disjointes du mur, je brise sa queue empennées de plumes. Une rage irrepressible monte en moi. La mort est sur moi pour la première fois depuis des décennies. A cause de cet imbécile. A cause de ce gamin qui n'a rien à faire là; Je veux l'insulter.. Mais tout ce qui monte de ma gorge est un crachement de colère. Je gronde vers lui comme grondent les bêtes qui vont d'attaquer.
Il doit avoir peur. Il recule, s'enfuit peutêtre, car lorsque je me jette par l'ouverture du machicoulis, rien ne se trouve sur ma trajectoire. Les armes qui m'attendaient s'abattent trop tard, derrière moi. Je me rétablis dans la piece, esquive encore. J'ai gagné. Je le sens. Je suis dans une salle de garde, entourée d'ennemis, mais ils ne valent pas mieux que des morts en sursis. Je le sais. Je le sens.
Il y a des mouvements confus, des cris, des corps qui reculent devant moi. J'en rattrape certains. Les autres battent en retraite. Dans le combat, j'ai récupéré deux dagues, et à courte distance ce sont des armes infernales. Les inconscients qui ont essayé de me frapper à coups de hache sont morts ou agonisent. Les autres reculent. Je passe la porte avec eux et je m'engouffre dans l'escalier qui descend vers la ville.
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