L'île aux loups
C'est par une nuit d'encre que le bateau accosta sur l'île. Pas une seule étoile n'éclairait le ciel et l'astre nocturne brillait par son absence. Sur le débarcadère une silhouette plus sombre encore patientait.
L'homme qui descendait de l'embarcation, tenait dans ses bras un petit paquet gigotant duquel des vagissements émanaient.
Il s'avança vers le gardien de l'île :
"Bonsoir mon ami !" lui dit-il.
"Bonsoir Richard, encore un ?"
"Hélas ! Je l'ai sauvé in extrémis des inquisiteurs."
"Quelle famille cette fois ?"
Le visage de l'arrivant se peignit de chagrin, il répondit :
"La mienne, il s'agit de mon fils !"
Il ajouta :
"La malédiction du loup n'épargne personne. La sorcière rouge nous a averti lorsqu'elle a lancé le sort !"
Un court silence s'établit entre eux, brisé par Richard qui déclara :
"Je ne peux m'attarder de crainte que l'église ne soupçonne quelque chose !"
Il lui plaça l'enfant dans les bras. Un léger grognement suivit, un petit bras couvert de poils noirs émergea des langes.
Richard reprit :
"Merci encore, Enguerrand, d'avoir créé ce refuge qui leur évite cet affreux labyrinthe prison ouvert par l'inquisition."
"C'est la moindre des choses, n'oublie pas que j'ai été le premier frappé !" rétorqua-t-il en levant la tête vers lui. À cet instant, les nuages qui masquaient la lune et les étoiles se déchirèrent, la clarté nocturne révéla un visage couvert de poils gris, un museau allongé garni de crocs brillants, des oreilles pointues... De nouveau, l'ombre masqua le visage de l'homme-loup qui demanda :
"Où en es-tu de tes recherches sur la fée Viviane ?"
"J'ai une piste, mais rien n'est sûr !"
Il n'en dit pas plus et remonta à bord de sa nef. Lorsque le bateau se fût assez éloigné, une brume compacte entoura l'île. elle resterait jusqu'à nouvel ordre, le seul endroit où les victimes de la malédiction pourraient vivre en paix.
Enguerrand s'en retourna avec son précieux fardeau. Il était temps pour lui de présenter aux autres leur nouveau petit frère...
Annotations