Lentement, l'enfant s'éveillait. Les odeurs âcres et lourdes de la chambre le submergeaient : relents de mauvais alcool, d'urine, de semence masculine séchée. Une nausée violente remonta de son estomac. Pour lui, ce matin ressemblait à beaucoup d'autres ; il ne se souvenait plus de réveils doux, lumineux et sans douleur. Pourtant, une différence s'imposait. L'enfant n'eut pas à réfléchir longtemps avant de réaliser où se situait cette dissonance, il n'entendait plus la respiration atrocement familière de son père qui, immuablement depuis la mort de sa mère, l'obligeait à dormir avec lui.

Surpris il cilla, avant de pivoter vers l'homme. Il sentait la dissemblance à présent, mais avait du mal à la nommer. Soudain une douleur atroce venant de son ventre le submergea, suivie par la sensation de se déliter de l'intérieur. Son corps si rudement malmené le lâchait, l'évidence le frappa : Il mourait ! En même temps, il comprenait que mort, son père l'était déjà.

Une magnifique et lumineuse entité se matérialisa dans la chambre. Sans un regard pour le corps sans vie du père, elle focalisa son attention sur la très jeune victime, qui à dix ans voyait sa vie matérielle se terminer. Elle l'enveloppa de son énergie bienveillante ; dès lors, Bérenger cessa d'avoir mal. Il sourit et murmura : "Vous êtes un ange ?" En réponse, l'entité embrassa son front et le prit dans ses bras. Il soupira d'aise et se blottit contre elle en se laissant envahir par les effluves de fleurs émanant de cette créature céleste. "Maman..." murmura-t-il. Un chant très doux s'échappa des lèvres de l'entité. Progressivement, elle disparaissait avec son léger fardeau. La chambre retrouva son ambiance glauque. Sur la couche, l'enfant venait de s'endormir pour toujours, un sourire d'émerveillement dessiné sur ses lèvres...