Cuirassé tel un rhinocéros ; cornu comme un taureau ; tête massive aux oreilles longues ; ouïe infaillible. Il jouait de son regard brillant et perçant ; sa gueule garnie de crocs ; ses pattes d'aigles aux serres tranchantes. La bête recouverte d'écailles émeraude scintillantes renvoyait la lumière ; aveuglait l'adversaire.

La chimère affichait ses collosales proportions : vingt mètres de long, dix mètres de haut ; quarante tonnes de bestialité.

Voici Koriergor

huit points particuliers répartis sur la totalité de son corps fortement caparaçonné.

En plus de ceux situés respectivement sur le haut du crâne entre ses deux cornes, et à l'arrière de sa tête massive au niveau des cervicales.

Seules vulnérabilités du monstre, nombreuses, difficiles à atteindre.

La difficulté majeure pour les jeunes combattants résidait dans la simultanéité de l'impact. S'ils n'enfonçaient pas tous au même moment leur poignard, la voie menant au cœur demeurerait fermée et le capitaine ne pourrait pas donner le coup de grâce.

Alexir dirigeait son équipe. Pas un mot de sa part. Juste des gestes, brefs, explicites ; un langage silencieux qu'il avait mis au point avec ses coéquipiers.

Ludovic repéra les deux failles dont il était chargé. En fait, la manœuvre allait demander une finesse, une rapidité et une fluidité de mouvements inégalées. Il ne doutait pas vraiment de réussir ; volontaire.

Les adolescents entourèrent la chimère rugissante et écumante, leur chef donna le signal qu'ils attendaient tous, ils affirmèrent leurs prises sur la garde de leurs poignards et se ruèrent sur le Koriergor sans lui laisser le loisir d'attaquer en premier...

La synergie du groupe restait parfaite, chacun ayant le regard fixé sur le point qui lui était dévolu ; dans un bel ensemble et en effectuant des bonds et pirouettes presque chorégraphiques, ils assaillirent le monstre...

Ludovic, qui tenait une arme dans chaque main, sauta sur le dos de l'animal sans quitter des yeux les fentes des épaules avant.

Siegfried se propulsa à l'arrière, à la jonction des deux cuisses, au niveau d'un fouet reptilien qui battait furieusement l'air, il visait une mince crevasse.

Paula se glissa sous la bête, une sorte de protubérance au niveau du nombril était sa cible.

Quentin et Nathaniel se positionnèrent à l'avant, chacune des pattes d'aigle présentait une faiblesse au-dessus du doigt postérieur.

Katia et Viviane avaient la charge des pattes arrières, le point à atteindre étant le tarse.

Hugo et Samson bondirent sur la tête massive, fin prêts à frapper le haut et l'arrière du crâne.

Alexir, quant à lui, se faufila à toute vitesse en deça du ventre de l'animal.

Chacun des jeunes gens était à présent positionné ; dans un ensemble parfait, ils enfoncèrent simultanément leur poignard sur les points névralgiques de la chimère, livrant ainsi au regard de leur capitaine, la voie menant au cœur.

Alexir enfonça son coutelas, la bête hurla et se cabra, les équipiers du Naourkien s'empressèrent de se mettre à l'écart, et le Koriergor retomba sur le sable et expira... La session triomphante réalisa alors ; effroi : Alexir était resté sous le monstre.

Un silence pesant, inquiet alourdit les tribunes.

La panse .

Soulevée.

Fendue !

La silice de l'arène éclaboussée.

Son bras souillé d'hémoglobine, son poignard jaillit de la plaie béante.

Alexir s'extirpa de la carcasse, se releva souplement.

Couvert du sang de la bête.

L'adolescent s'avança en direction de ses camarades en souriant.

Il tenait serré dans sa main droite son coutelas et dans la gauche le cœur battant du Koriergor.

Le Naourkien l'avait arraché du monstre...