L'iréel.
Parcourant l'immense place de la Préfecture avec sa petite amie, Thomas n'en croyait pas ses yeux. Il tenait par les hanches une créature de rêve, et peinait encore à le réaliser. Son pas léger sur les dalles, le crissement délicieux de son blazer en cuir, son corps souple se déhanchant subtilement... Pas de doute, une force sensuelle hors mesure sommeillait en la jeune femme.
Il tourna son regard vers elle, Deborah lui souriait. Sous son béret rouge, d'où dépassait une longue queue-de-cheval brune, un front bombé et des yeux rieurs l'observaient tendrement. Et ses lèvres pulpeuses s'entrouvrirent pour lui offrir le plus joli minois qui soit. Bien que la peur soit toujours présente, le jeune homme la sentit s'amoindrir. Par sa seule présence, la jeune femme le rassurait.
_ On va où ? demanda-t'il.
_ L'hôtel n'est plus très loin...
_ Et qu'est-ce qu'on va y faire ? questionna-t'il, l'air faussement innocent.
_ On va s'y reposer... lança Deborah, mi-coquine, mi-complice.
Effectivement, après avoir emprunté quelques rues en traverse, le couple remonta l'avenue de la gare et longea la facade de l'hôtel, avant de s'arrêter face à l'entrée.
_ Alors, demanda la jeune femme, il te plaît ?
_ Magnifique !
C'était une construction de la fin du XIXème siècle, dans le plus pur style haussmanien. La facade avait juste été rafraîchi, l'intérieur fraîchement rénové, et les fenêtres changées. Après avoir contemplé à sasiété le vénérable bâtiment, Thomas et Deborah se sont ensuite regardés l'un l'autre.
Et leurs lèvres se sont rapprochées à nouveau, leurs bouches se sont collées. Fermant les yeux et s'enlaçant, ils joignirent le bout de leurs langues et ne bougèrent plus. Plus rien n'existait autour du couple, seuls le souffle chaud de leurs respirations et les pulsations de leurs artères les comblait.
Ils restèrent ainsi longtemps, jusqu'à ce que Deborah se détache progressivement. Quelques délicats baisers sur les lèvres du garçon, pour un " sevrage " progressif. Et la jeune femme prit Thomas par le bras, avant de l'emmener à l'intérieur. La porte automatique s'ouvrit, invitant les amants à s'approcher de la réception.
Et c'est la réceptionniste justement, une blonde platine en chignon, vêtue d'un tailleur mauve, qui les accueillit avec le sourire :
_ Messieurs-dames, que puis-je pour vous ?
_ Bonjour, Madame, répondit Deborah, nous voudrions une chambre pour deux.
_ Pour combien de temps ?
Sans hésiter, la jeune femme répondit :
_ L'après-midi, et la nuit.
Professionnelle, la jeune fille remplit la fiche d'hôtel avant de donner à Deborah la clef de chambre.
_ Je vous donne la numéro 58, au dernier étage. Vous y serez bien...
La réceptionniste prononça cette dernière phrase avec une intonation pleine de sous-entendus, comme pour faire comprendre son envie secrète de se mêler à eux. La partenaire de Thomas feignit de ne pas comprendre, et répondit :
_ Merci beaucoup.
_ Désirez-vous que je vous conduise à votre chambre ? insista-t'elle.
_ Non merci. C'est très gentil.
Et le couple se dirigea vers le grand escalier qui, à travers ses vénérables marches en comblanchien, contribuerait à les mener au plus haut étage, indirectement comme directement... Prendre l'ascenseur eût été gâcher l'excitation de l'attente, ne point faire durer ces secondes hors du temps, fascinantes car phantasmatiques.
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