J'enfile mon jogging en soupirant bien fort. Voilà ce qu'on récolte en pariant de perdre trois kilos en deux semaines. Déjà que je me retrouve réduite au régime végétarien, il faut encore que je coure. Et je déteste courir.

Toujours en soupirant, je parcours la vingtaine de mètres qui séparent la table à manger de l'entrée de ma salle de bain, en trottant. Quoi ? Je n'allais quand même pas courir au parc alors que j'ai un grand appartement...

J'en était à mon quinzième aller-retour lorsqu'un bruit suspect attira mon attention vers la cuisine : la complainte de mon estomac. Il faut dire que les carottes râpées n'y avaient pas fait long feu. Debout à l'entrée de la cuisine, j'hésite. Concombre ou courgette ? Ou alors un tout petit yaourt nature de rien du tout ?

- Aaaaaah ! Enfin nous sommes seuls toi et moi.

Je sursaute avant de reconnaître la voix de Bertrand, mon petit ami. Que fait il là ? Il était censé être au boulot. Curieuse, je jette un coup d'œil par l'ouverture de la porte. Étant donné qu'elle est rabattue, Bertrand ne peut pas m'apercevoir.

Les battements de mon cœur s'accélèrent à la vue de la scène qui se déroule sous mes yeux. Bertrand tient Lila à la gorge d'une main, tandis que de l'autre, il brandit un couteau.

- Tu croyais pouvoir m'échapper hein ? Pas de chance pour toi, c'est aujourd'hui que ton aventure s'arrête.

Les pensées s'agitent dans ma tête. De toute évidence, Bertrand compte poignarder Lila. Devrais je intervenir ? Peut être que me voir lui fera changer d'avis. Et si au contraire il la poignarde puis me tue à mon tour ? Qui sait de quoi il est capable ? Qu'est-ce-que je raconte !? Évidemment que je vais intervenir ! On parle de Lila là ! Mon regard parcourt le couloir désert, à la recherche d'une potentielle arme. Trop tard. Bertrand abat son couteau.

La main droite sur ma bouche ouverte en un cri muet, j'essaye de réaliser ce qui vient de se passer. Horrifiée, je regarde le liquide rouge couler puis gicler sur le carrelage. Les larmes emplissent mes yeux lorsque je réalise qu'il l'a poignardé en plein cœur. Il n'y a pas d'issue possibles sinon la mort. Comme si ça ne suffisait pas, il la balance contre le comptoir avec un sourire sadique.

- Là ! Comme ça tu arrêteras de brailler autant et surtout de me pourrir la vie !

C'est avec un sourire satisfait qu'il se saisi d'un sac poubelle. En sifflotant gaiement, il empoigne le petit corps de Lila sans douceur. Toujours immobile, j'observe la scène tandis que les larmes coulent, silencieuses.

Jamais je n'aurais cru Bertrand capable d'une telle atrocité. En plus ici, chez nous. Comment compte t-il expliquer la disparition de Lila ?

Au fur et à mesure que je l'observe nettoyer, sans la moindre trace de remords, je prends ma décision. C'est l'évidence même. Je dois venger la mort de Lila. Il faut que je m'en occupe de mes propres mains, pour espérer un jour pouvoir me pardonner de l'avoir laissé seule avec un monstre pareil.

D'un geste rageux, j'essuie mes larmes et me retire à reculons, sur la pointe des pieds. Oui Lila, je te vengerai, aujourd'hui même.

De retour au salon, je me recompose un visage souriant.

- Bertrand mon amour ?! Tu es là ?

Un bruit suivit de jurons me répond, avant que Bertrand n'apparaisse tout sourire.

- Amandine ! Alors, ce jogging ?

- É-pui-sant. Je suis crevée de chez crevée.

La nausée me prend aux tripes lorsqu'il passe ses mains dans mes cheveux avant de poser un baiser sur mes lèvres. Ces mains qui ont tué Lila.

- Ça ne peut que te faire du bien.

- Oue, oue. Comment va Lila ?

Il lève les yeux au ciel avant de répondre.

- Bien je suppose. La dernière fois que je l'ai vu, elle était dans la cuisine.

Oui, je dois venger Lila.

- Tu peux m'apporter un verre d'eau s'il te plaît ? Tout ce sport m'a assoiffé.

- Bien sûr trésor. Bouges pas, je reviens.

Oui, c'est ça, assassin.

Dès qu'il a le dos tourné ,je m'empresse de saisir la batte de base-ball qu'il a accroché au dessus de la télévision, souvenir de son enfance.

Dès les premiers coups, il accourt.

- Putain Amandine ! Qu'est-ce-que tu fabriques ? Tu es folle ?

- C'est moi qui suis folle ? Alors que tu as tué Lila ?!

- Je savais bien que j'avais entendu du bruit. Calmes toi, je vais tout t'expliquer. Surtout, déposes cette batte.

Je ricane. Il peut toujours rêver.

Sous les cris de Bertrand, je fracasse play-Station et autres jeux et manettes de garçons à la con.

- Amandine ! Arrêtes ça tout de suite ! Tu es complètement malade ma parole ! Tu sais combien ça m'a coûté ?

- Et Lila alors ?! Tu sais combien je l'aimais ! Et pourtant tu l'as assassiné de sang-froid ! Et tu n'as même pas pris la peine de vider le jus de betteraves !

- Lila était un putain de mixeur ! Et ce jus était juste infect !

- Je l'aimais moi ma Lila !