Au fond du couloir

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Au fond du couloir, une porte familière fermée à clé. Je n’ai plus aucun moyen de savoir ce qu’il reste, derrière. Ce qui était à nous n’est plus qu’à un seul de nous deux, ou plus à personne, laissé à l’abandon, en attendant... J’attends l’autorisation de passer à autre chose, de penser autrement, l’autorisation d’aller de l’avant, de vivre en moi, avec moi, pour moi, sans aucun mauvais ou bon souvenir en travers de mon chemin. J’attends l’autorisation d’emprunter un nouveau chemin, en attendant je m’y prépare : je le dessine, je le conçois, je l’envisage, je l’écoute, je lui parle, je le conseille. Je le connais déjà par cœur, et j’ai hâte de faire ce premier pas, qui ne sera que le commencement d’un voyage plus long et plus solide que tous ceux que j’ai tenté de parcourir jusqu’à présent, jusqu’aux embûches que personne n’a voulu m’aider à franchir.

Au fond du couloir, une porte familière fermée à clé. Tout le monde me dit de la démonter, d’appeler un serrurier ou de la casser, y rentrer de force, on m’a dit que ce verrou était immature, castrateur, le reflet d’une gaminerie, un caprice adolescent… mais à quoi bon ? Ce n’est qu’une pièce fermée à clé, oubliée, interdite, comme si elle cachait encore un secret pourtant mille fois découvert, alors tant pis pour cette pièce. Qu’elle pourrisse sans moi, qu’elle se dégrade encore plus, qu’elle se meurt à petit feu sans aucun regard pour contempler le désastre, si c’est ainsi que cela doit se passer, alors cela a forcément un sens : je ne dois pas être là pour témoigner de l’incendie, je dois la laisser se désagréger, je ne dois plus être un spectateur de ce chaos dont personne ne veut que je sois l’acteur.

Ni acteur, ni spectateur : je me sens alors totalement étranger à cette déchéance, comme si on avait voulu me faire oublier que j’en ai ma part de responsabilité. Je l’aurais assumé, je l’ai dit plusieurs fois, mais plus maintenant. Lors, c’est allé trop loin, trop de mesquineries et de traîtrises, je refuse désormais d’avoir une part de ce gâteau empoisonné : ce n’est plus le mien. Peut-être que c’est volontaire, comme une bienveillance, comme pour m’exclure en amont de cette histoire qui ne me concerne déjà plus. Si cette pièce fermée à clé ne s’ouvre pas à moi d’elle-même, je ne la forcerai pas : je crois qu’elle ne mérite pas que je fasse des efforts pour elle. Ce n’est plus une pièce tant qu’elle est verrouillée : c’est un gouffre, un ravin, une fosse insondable, une pierre tombale. Tant que je suis en vie, et en sécurité, et en accord avec moi-même, alors cette pièce fermée à clé, je ne veux même plus savoir qu’elle existe.

Ou peut-être qu'elle a toujours été fermée à clé... j'en viens à me demander si je l'ai réellement ouverte un jour. Je ne me souviens plus de ce à quoi elle ressemble une fois béante, je ne sais plus ce qu'il y a derrière : une chambre pour sûr, mais comment était-elle ? Je crois qu'elle était remplie de rien, chaude comme l'hiver, terne, triste, insignifiante.

Je me demande si cette chambre a déjà été familière ou si je n'ai pas simplement fantasmé son hospitalité, aveuglé par tout ce qu'elle devait représenter à mes yeux, par une promesse que je croyais éternelle, par un acte de foi qui valait, pour moi, tellement plus qu'un simple morceau de papier. Et si je m'étais trompé depuis le début ? Si cette pièce n'existe pas, et si cette porte a toujours été verrouillée, qu'en est-il de ce couloir que je parcours encore quotidiennement aujourd'hui, n'est-il, lui aussi, qu'une vue déraisonnée de mon esprit ? Il est bancal, mais il l'a toujours été. Il s'est éclairé depuis peu mais avait toujours été anormalement sombre. Il est long, froid, ses murs sont rêches, coupants, son sol est délabré, sale, son plafond est anodin, comme effacé. Et à bien y réfléchir... je me demande si, derrière cette porte, la pièce n'est pas du même calibre. Je devais porter des œillères pour la croire chaleureuse, mais cette pièce ne vaut pas mieux. Elle est inerte, comme elle l'a toujours été.

Au fond du couloir, ce n'est rien d'autre qu'une pièce étrangère qui a toujours été fermée à clé.

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