Chapitre 7 - De Kourou à Levallois-Perret
« Pendant deux mois, ils m’ont interrogée, jour et nuit, pour tout savoir du réseau, de mes relations avec les autorités russes, les noms et identités des responsables du GRU, etc. J’avais été entraînée, mais pas suffisamment. Je n’étais pas aguerrie. Je n'ai jamais été une "illégale" ou un officier des renseignements. Pas du tout. Alors, j’ai craqué. Et tu sais que lorsque tu craques, c’en est fini de toi, tu ne peux plus retourner au pays. J’ai fait une croix sur mes amis et ma famille. Je sais que je ne les reverrai pas de sitôt.
- Ils ne t’ont pas torturée, quand même ? Ils m’avaient dit qu’ils ne torturaient pas les agents.
- Ne sois pas naïf, veux-tu. Bien sûr que j’ai été torturée. Pas au sens où tu l’entends, on ne m’a pas attachée sur une planche et brisé des os un à un. Non. C’était plus psychologique, le fait de ne pas te laisser dormir pendant 72 heures, de ne pas savoir s’il faut jour ou nuit, d’être interrogée inlassablement sur les mêmes sujets, en boucle, pendant des jours, tu finis par craquer d’épuisement, tu veux juste en finir. Tu veux juste redevenir toi. Mais ce n’est plus possible. Quelque chose s’est cassé. Alors je n’ai plus eu que deux possibilités. Retourner en Russie sous forme de monnaie d’échange entre services spéciaux. Ou rester en France et travailler pour vous. »
Elle but une courte gorgée de thé. Alexandre avait tiré son fauteuil de l’autre côté du bureau pour être plus près d’elle.
« Qu’as-tu choisi ?
- D’après toi ?
- Tu es restée en France. »
Elle fit un petit signe affirmatif.
« Bon sang, tu bosses pour les services secrets français maintenant ? C'est dingue, ça!
- Pas vraiment. Ils m’ont envoyé en Guyane. Moi qui voulais rester en France pour peut-être te revoir. Vivre à Paris. J’ai fini à Kourou, sur la base aérospatiale. Ils suspectaient la présence d’éléments étrangers sur le site et je devais les aider à les repérer. J’y suis restée deux ans. Franchement, c’était étrange comme ambiance. J’étais en lien avec des hauts responsables russes aussi. J’ai surtout servi d’interprète. Après ce temps en outre-mer, j’ai pu être affectée à Levallois-Perret. Encore une fois, j’étais interprète. De toute façon, je ne voulais plus être agent d’influence. Lorsque j’ai appris la nouvelle de ce nouveau poste j’étais contente, parce que je rentrais à Paris et que je pourrais te revoir. Mais quand je suis arrivée, j’ai appris que de ton côté, tu partais à Penang. Pas de bol, décidément. »
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