Break 3
Ses muscles, immobilisés par la douleur, refusaient de lui obéir. Tout juste pouvait-il regarder le combat, spectateur impuissant de ce qui était peut-être les derniers instants d’Estelle. La lutte avait été courte. En quelques coups, l’écuyer avait seulement réussi à dévoiler son style au héros. Les égratignures qui ornaient le corps du semi-orc n’étaient pas assez profondes pour provoquer une hémorragie sérieuse. Il tenait désormais la jeune femme dans son poing, sa vie dépendant de son bon vouloir. Il l’approcha de sa bouche et lui arracha la chair de son épaule avec ses dents. Elle cria de détresse, mais rien ni personne ne pouvait lui venir en aide. L’être monstrueux eut un grand rire moqueur.
« Tu es moins arrogante maintenant, hein ? »
Ses larmes se mêlèrent au filet de sang qui coulait de sa bouche. Falco, au prix d’un effort colossal, parvint à se redresser pour s’appuyer sur ses coudes.
« Une fois devenus grands, les petits garçons doivent apprendre à protéger les femmes. »
Ses yeux s’embuèrent.
« Je ne peux pas, grande sœur… je n’en ai pas la force… »
Le semi-orc déchira à nouveau les tissus ensanglantés entre ses mâchoires. Les hurlements de souffrance et de désespoir d’Estelle jaillirent une fois encore, éveillant un sentiment nouveau en lui. Sa tristesse disparaissait peu à peu, remplacée par un feu dévorant. Il sentait comme des braises sur lesquelles on soufflait, gagnant en éclat chaque seconde. L’image douce de son aînée laissa place à celle bien plus dure de son mentor.
« Tu as de la haine en toi, Falco. Une haine comme je n’en ai jamais vue. Mais tu ne t’en sers pas. Un jour, elle s’embrasera en toi, et ce jour-là, tu seras capable de tout. Tu deviendras le plus féroce des démons, alors… tâche de rester maître de ce brasier. »
Il se leva. Le héros riphas, surpris, laissa tomber Estelle pour se tourner vers lui.
« Tu en veux encore ? »
Pour toute réponse, il commença à avancer vers lui, ses pas résonnant lourdement dans le sol. Sa main droite se mit à luire tandis qu’une pellicule bleutée de durcissement la recouvrait.
« Un héros ? N’importe quoi. Tu n’es qu’un bon à rien de monstre. Et moi, j’ai juré de vous exterminer… »
La lueur gagna en intensité, prenant l’apparence des flammes de sa fureur.
« …jusqu’au dernier ! »
Il frappa la terre de toutes ses forces. Un pic de pierre blanche jaillit sous le semi-orc et le transperça de part en part. Son sang remonta dans sa gorge et coula à flot sur la roche.
« Eh bien, on ne t’entend plus maintenant. Tu as perdu ta langue ? »
Un marteau d’arme sortir du sol à côté du champion, qui s’en saisit aussitôt.
« Transmets mes salutations à Vonelern et à tous ses diables. »
Il lui décrocha la tête d’un coup de grande amplitude et la regarda s’écraser aux pieds du commandant riphas. En quelques secondes, les rangs ennemis se disloquèrent. Une débandade quasi immédiate et spontanée marqua la fin des combats, et le suicide prochain du chef défait. N’ayant pas la force de sourire, Falco se contenta de lâcher son arme. Un gémissement dans son dos lui rappela instantanément sa priorité absolue. Il rejoignit son écuyer et se laissa tomber à genoux.
« Estelle ! Estelle, tu m’entends ?
-Je crois, Falco… »
Il jeta un œil à sa blessure. Elle lui prit la main et devina son appréhension.
« Je vais guérir ?
-Bien sûr que tu vas guérir, Estelle. Avec un miracle de soin s’il le faut mais tu guériras. Je te le promets. »
Ss traits se détendirent un peu et elle sourit.
« Tant que je peux rester avec toi, cela vaut tous les miracles du monde. »
Elle devina aisément qu’il rougissait sous son masque.
« Falco ?
-Oui ?
-Je peux te retirer ton casque ?
-Euh… oui, évidemment… »
Elle fit glisser le heaume de sa tête pour le poser au sol.
« Je dois être trop faible encore, je ne distingue pas bien tes traits. Pourrais-tu t’approcher ?
-B…Bien sûr. »
Le pourpre de ses joues gagna en intensité tandis qu’il accédait à sa demande. Une fois qu’il fut assez proche, elle lui saisit le menton et déposa un baiser sur ses lèvres. Après s’être reculée, elle eut un sourire espiègle.
« Je suis désolée, Falco, je n’ai pas pu m’en empêcher. »
Leurs deux visages étaient désormais rouges comme le rubis. Pour la première fois, il soupira de contentement.
« Au point où j’en suis… »
Il passa sa main dans son dos pour la redresser et l’embrassa à son tour.
Annotations
Versions