Des semaines mouvementées s’étaient rapidement écoulées depuis mon arrivée. En dehors du travail où je passais le plus clair de mon temps, j’avais peu de temps et d’énergie pour rechercher mon logement. Or l’accueil de Qadir et Anoush n’était qu’une roue de secours le temps de trouver autre chose.

 Toujours avec l’assistance de Dadji, j’ai trouvé un logement provisoire en louant une chambre chez notre collègue Lárus. L’ambiance y était différente et l’odeur des sandwich Subway avait remplacé celle de la cuisine de Qadir. Ne s’occupant autrement qu’à travers un grand écran d’ordinateur, parfois en compagnie de son meilleur ami geek, le type tenait à garder ses stores toujours fermés. Un knacki collé à la table en verre noir et un morceau de pizza sur le clavier pouvait résumer l’atmosphère, régulièrement embrumée de fumées illicites.

 Lárus était un type bavard, gentil et malheureux. Comme Bilal, il était resté accroché à une ex-petite amie française qui l’avait quitté, et il ne parvenait pas à l’oublier. Du coup, lui aussi employait les cyber moyens pour continuer d’assouvir ses besoin charnels. Une pratique de grand secours sur le territoire islandais. “Tu peux trouver toute l’Islande sur Tinder” m’avait soutenu Anoush qui en faisait un usage quotidien. Celui-ci se vantait d’avoir eu des rencards avec une députée et actrice notamment. En effet, le climat froid et nocturne pendant une large partie de l’année faisait que les gens se rencontraient peu dehors. Les applications facilitaient donc grandement la recherche d’une chaleur humaine nécessaire à la survie hivernale.

 Ainsi, Lárus s’était vu obligé de me rendre complice pour un de ses rendez-vous galants qu’il avait prévu un samedi soir du le mois où je louais sa chambre. Pour l’occasion, il m’avait gentiment demandé si je pouvais trouver un autre toit pour la nuit. La sœur de Bilal, lui-même et nos amis indiens étant tous affairés en période de ramadan, j’ai dû lui dire que je ne savais pas où aller. Il m’a donc offert de dormir chez ses parents. Ce samedi-là, je l’ai vu récurer l’appartement dans tous les recoins et le rendre plus propre qu’il ne l’avait jamais été. Il était presque minuit lorsqu’il avait terminé ses préparatifs. Il m’a ensuite déposée chez ses parents. Une heure plus tard, j'ai reçu un message de sa part me disant que sa conquête avait décidé de ne plus venir. Dans un élan de rage désappointée, il lui avait souhaité de glisser dans une flaque d’eau marron et de se faire mordre par un troll lorsqu’elle sortirait de chez elle.