Les Ombres de la Cour

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La sonnerie retentit dans la cour de récréation. Comme chaque jour, Noé se prépare à affronter une valse de murmures et de regards en coin. Il n'a jamais vraiment compris pourquoi, mais sa différence semble déranger. Trop discret, trop rêvasseur, trop à côté.

Lui, il observe. Les groupes se forment naturellement, dessinant des frontières invisibles. Un cercle d'enfants s'amuse près du préau, un autre s'organise pour un match de foot. Noé, lui, reste sur le banc, spectateur silencieux de cette chorégraphie sociale à laquelle il ne parvient pas à prendre part. Sa solitude est une compagne qu'il commence à apprivoiser, à défaut de pouvoir la fuir.

Mais ce jour-là, quelque chose change. Un nouvel élève arrive. Il s'appelle Sami, et très vite, les autres le prennent pour cible. Parce qu'il vient d'ailleurs, parce qu'il parle avec un accent, parce qu'il est "différent". Les moqueries fusent, les chuchotements s'intensifient, les bousculades deviennent quotidiennes. Noé reconnaît ce schéma, trop bien ancré dans le décor de l'école. Ce n'est plus juste de l'exclusion, c'est du harcèlement.

Un matin, une dispute éclate dans la cour. Les insultes pleuvent, les poings se crispent. Noé serre les lèvres. Doit-il intervenir ? Se taire, comme toujours ? Ce n'est pas son combat... et pourtant. Il se lève, s'approche de Sami et lui tend la main. Ce simple geste brise un équilibre fragile, change les règles du jeu. Les oppresseurs reculent, décontenancés. Mais l'humiliation publique attise leur colère.

Le soir même, dans la ruelle près du collège, ils retrouvent Sami. Ils sont cinq, il est seul. La violence s'abat sur lui, brutale, sans retenue. Personne n'intervient. Noé apprend la nouvelle le lendemain matin : Sami ne reviendra pas. Il est à l'hôpital, entre la vie et la mort. Les professeurs murmurent, les parents s'indignent, mais rien ne change vraiment.

Quelques jours plus tard, Noé découvre une lettre dans son casier. Un simple mot : "Tu es le prochain." La peur s'infiltre en lui, le ronge lentement. Il ne parle à personne. Il espère que cela passera. Mais la traque commence. Les coups, les humiliations, les menaces chuchotées. Il se réfugie chez lui, s'enferme dans sa chambre, se tait.

Un matin, il ne se lève pas. Sa mère le retrouve, un cahier posé à ses côtés. Sur la première page, ces mots griffonnés : "La discrimination tue. Le harcèlement détruit. La médiatisation viendra trop tard. Le cercle de la violence ne se brise jamais. La solitude m'a englouti. La résilience était un mensonge."

Le collège pleure Noé. Des discours sont faits, des marches sont organisées. Mais au fil du temps, l'oubli s'installe. Jusqu'à ce qu'un autre enfant, quelque part, vive la même histoire. Et qu'un nouveau nom s'ajoute à la liste silencieuse des oubliés.

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