La perle

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1er mars 2020

 Ma courte scolarité ne m'a pas souvent donné l'occasion de découvrir de grands auteurs. Je garde de ces moments privilégiés, si rares et si brefs fussent-ils, un souvenir précis. Le programme du collège d'enseignement technique prévoyait environ une ou deux heures de français par semaine, c'était pour moi l'occasion de sortir de la léthargie dans laquelle me plongeait les autres matières. Au début du premier trimestre, notre professeur nous mis entre les mains un livre de poche en nous enjoignant de le lire avant la fin de l'année scolaire. Atteindre ce modeste objectif n'était pas garanti pour tous, aussi notre aimable maître nous invita à en faire une lecture orale à raison d'une vingtaine de minutes à chaque cours. C'est ainsi que j'ai découvert John Steinbeck (1902 - 1968) en lisant l'un de ses meilleurs romans "Les raisins de la colère".

 L'intrigue se déroule pendant la crise de 1929, une famille pauvre de métayers en prise à des difficultés économiques doit s'exiler en Californie pour retrouver un travail et un avenir. Ce roman emblématique de l'œuvre de Steinbeck parle des inégalités et des injustices que subissent les gens du peuple face au pouvoir de l'argent. Il restera fidèle toute sa vie à ce thème comme dans son roman "La perle" publié en 1947 et dont je viens de terminer la lecture.

 En quelques lignes magistrales, sobres et élégantes, l'auteur nous fait découvrir la vie digne, malgré les difficultés de leurs conditions, de Kino, humble pêcheur de perles, de sa femme Juana et de leur bébé Coyo ito. Pour soigner leur enfant qui s'est fait piquer par un scorpion, le jeune couple doit se résigner à solliciter le médecin du village dont la réputation les fait frémir. Mais celui-ci, dont la cupidité n'a d'égale que la cruauté refuse son aide aux indigents, il ne fera pas d'exception même pour un enfant dont la vie est menacée.

 De retour chez eux, Kino et Juana se remettent courageusement au travail en espérant un prodige pour les sortir du malheur. Le miracle attendu survient au cours d'une plongée.

"Dans la plénitude de sa jeunesse, de sa force et de sa fierté, Kino était capable de rester, sans aucune fatigue, plus de deux minutes en plongée, aussi travaillait-il tranquillement en sélectionnant les plus grosses coquilles... A sa droite, se dressait une roche recouverte de petites huîtres, trop jeunes pour être cueillies. Kino s'en approcha, et là, au flanc du rocher, sous une saillie, il vit une énorme coquille nue et solitaire. A l'abri de cette saillie, le vétuste coquillage bâillait et, dans le muscle lippu, Kino entrevit une lueur fantomatique puis, soudain, la coquille se referma. Le coeur de Kino battit à grands coups et la mélodie de la Perle possible éclata à ses oreilles." extrait, page 32.

 Kino se met à rêver. Avec le prix de cette perle, non seulement il pourra soigner son enfant, mais aussi il s’achètera des habits neufs, il épousera bientôt Juana à l’église, il s’achètera un fusil et Coyo tito ira même à l’école pour « s’assurer lui-même de ce qui est écrit dans les livres ».

Cette perle était « ...la panacée contre la maladie, le mur contre les insultes. Elle fermait la porte à la famine... ».

 Une fortune venue à point nommé mais qui va bouleverser la vie de cette famille. Kino et Juana vont découvrir la noirceur de l'âme humaine lorsque celle-ci est dominée par la convoitise. Ils vont subir des épreuves inattendues. Je ne dévoilerais pas la suite, mais sachez que j'ai été tenu en haleine jusqu'à la dernière ligne.

 Dès les premières pages, je me suis senti emporté par l'histoire et je me demandais pourquoi je n'avais pas encore lu toute l'œuvre de Steinbeck. Depuis le collège et malgré l'excellent souvenir de ma première lecture des "raisins de la colère", je n'ai lu que "Des souris et des hommes" , il est temps que je comble cette lacune.

 Ce roman, "La perle", m'a fortement impressionné et me permet de confirmer mon goût pour cet auteur au style simple, efficace, parfois poétique toujours intense et au service d'une philosophie sociale qui donne à réfléchir. Plusieurs de ses romans ont fait l'objet d'adaptations au cinéma. Gageons que les metteurs en scène n'ont pas du avoir de difficultés à transposer à l'écran un texte dont le réalisme suggère à l'esprit des images si vivantes et colorées.

***

 Par un détour inouï que le destin nous réserve parfois, j'ai trouvé dans une cabine aux livres le roman de Jonathan Litell "Les bienveillantes", sur la page de couverture une étiquette indiquait le nom de son précédent propriétaire, il s'agissait de mon professeur de collège. Ainsi, à plus de cinquante ans de distance, celui-ci me transmet d'outre-tombe un nouveau conseil de lecture et je n'ai pas eu à plonger pour découvrir cette perle.

Bibliographie :

"La perle", John Steinbeck (2013) Folio, 122 pages.

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