Robinson Crusoé

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Le 21 mars 2020

 Comment survivre sur une île déserte après un naufrage ? C'est un thème brûlant d'actualité. Il est impossible d'échapper à la crise qui bouleverse notre quotidien, alors parlons-en ouvertement.

8 milliards de Robinson, le retour dans les grottes.

Tous les jours, on nous montre à la télévision les images d'un monde de fiction où les rues des métropoles, naguère remplies de files interminables de véhicules, sont désormais désertes. Sur les trottoirs cheminait hier un peuple grouillant, affairé ou parfois nonchalant, ces habitants ont disparu. Quelques drones pilotés à distance par les forces de l'ordre rappellent les consignes aux personnes qui ne respectent pas le confinement.

 Le monde est en train de bifurquer. Les chemins qui nous conduisaient vers un futur que certains pensaient être en mesure de prévoir, sont devenus un labyrinthe, un dédale, un arbre aux multiples ramifications. Les bouleversements qu'entraîne un confinement à l'échelle mondiale auront des conséquences incalculables. Des millions de personnes vont devoir changer leur mode de vie au quotidien, ils vont se livrer à toutes sortes d'activités qu'ils pratiquaient peu ou pas du tout auparavant. Je pense aussi à toutes ces rencontres qui n'auront pas lieu et à celles qui au contraire vont être provoquées par les événements. Je pense à toutes ces personnes atteintes par la maladie, angoissées, isolées de leur famille et qui s'attendent au pire, pour la plupart, elles s'en sortiront, mais cette épreuve les changera profondément.

 Les certitudes des hommes politiques sont ébranlées, comme en témoigne les récents discours télévisés d'Emmanuel Macron des 12 et 16 mars 2020 : "Il faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties... Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle... Beaucoup de certitudes, de convictions sont balayées, seront remises en cause. Beaucoup de choses que nous pensions impossibles adviennent. Agissons avec force, mais retenons cela : le jour d'après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d'avant... Nous aurons appris et je saurai en tirer les conséquences, toutes les conséquences...". Reste à savoir si cette prise de conscience sera suivie d'effets.

 L'enquête sur cette catastrophe sera longue et difficile même si l'on croit déjà connaître l'origine de la contamination : la consommation en Chine, d'animaux sauvages, dans des conditions d'hygiène douteuses. Mais ne peut-on pas imaginer que ce qui se produit est une forme de résilience de la nature en réaction contre le pillage organisé des ressources naturelles et la destruction de notre biodiversité provoqué par la folie des hommes ? La planète prend sa revanche, le confinement général à des effets bénéfiques, la pollution est en baisse. Il est temps de méditer sur cette réflexion de Victor Hugo : "C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas."

 Quoi qu'il en soit, il faut faire face et adopter une attitude positive. Ce que nous vivons aujourd'hui peut avoir un impact positif sur l'avenir. Ce retour au sein de la cellule familiale restreinte nous oblige à penser et à nous organiser autrement. C'est l'occasion d'une réflexion sur ce que sont nos besoins fondamentaux. C'est l'occasion de redécouvrir les vertus de la campagne, des potagers, des livres. Nous sommes confinés, mais pas isolés, car nous pouvons communiquer et recevoir des informations en temps réel. Prenons exemple sur l'expérience de ceux qui savent s'adapter aux espaces réduits dans des conditions précaires : les cosmonautes, les navigateurs solitaires, les sous-mariniers, les explorateurs polaires, les moines et aussi les grands lecteurs. Ecoutons Michel Siffre (1) qui nous donne quelques conseils pour afffonter le confinement : "Il faut être dynamique intellectuellement. Lors de mes expériences, j’avais toujours mon cerveau en mouvement, même pendant les périodes de déprime. Aujourd’hui, je conseille de développer ses passions. Quelqu’un qui est musicien doit faire de la musique, un dessinateur doit écrire, un écrivain doit écrire,…".

La lecture est un moyen formidable d'évasion, les livres ont un pouvoir guérisseur sur les maux de l'esprit. Relisons les grands philosophes de l'antiquité qui s'interrogeaient sur les problèmes fondamentaux de la condition humaine et prenons nos distances avec les grandes théories économiques, financières et productivistes qui ont peu à peu conduit nos politiques à diriger la planète comme une start-up.

 Les restrictions de liberté que nous subissons doivent être acceptées comme le seul remède, en attendant la fabrication d'un vaccin. Profitons de ces circonstances pour développer le télétravail, la télémédecine, l'école à distance. Ces modalités d'exercer certaines activités seront sans doute très utiles demain même après un retour à la "normale"

 On peut s'adapter au confinement en s'organisant et en s'imposant des règles de fonctionnement qui éviteront les comportements anarchiques incontrôlables. Ce n'est pas la fin du monde, c'est la fin d'un monde, préparons-nous à demain. Assignons-nous des tâches, des projets, des missions, respectons des rituels, organisons nos journées. Nous allons apprendre à moins consommer, à économiser nos ressources, à moins nous déplacer inutilement, à profiter de chaque instant, à réfléchir et à prendre conscience que depuis la nuit des temps l'humanité a toujours été confinée sur la planète et qu'il faut en prendre soin plus que jamais. Alors cultivons notre île et ouvrons les livres.

“Tout nos tourments sur ce qui nous manque me semblent procéder du défaut de gratitude pour ce que nous avons.”

Daniel Defoe, Robinson Crusoé.

(1) Michel Siffre est un explorateur souterrain, aventurier et scientifique français qui a étudié la chronobiologie. Entretien donné pour le quotidien 20mn en mars 2020.

Bibliographie :

- "Robinson Crusoé", Daniel Defoe, le livre de poche (2003), 410 pages.

- "L'école des Robinsons", Jules Verne, Novedit (2007), 202 p.

- "Le nouveau robinson suisse", Wyss Jean-Rudolphe & Stahl P.J. , Ramsay Pauvert (1990), 407 pages.

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