La libraire de la place aux herbes

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Le 8 juin 2020

 Les premières bibliothèques ont été édifiées dès l'Antiquité. L'une des plus anciennes est celle que l'on attribue à Ramsès II (1304 av. J.-C. - 1214 av. J.-C.) que Diodore de Sicile appelle Ozymandias. Au fronton de cette bibliothèque, constituée de papyrus placés sous la protection des divinités Toth et Saphré, on pouvait lire l'inscription suivante : "Médecine de l'âme (ou Trésor des remèdes de l'âme)". Ce fait historique témoigne de l'ancienneté de la notion de bibliothérapie.

 Le livre d'Éric de Kermel "La libraire de la place aux herbes" appartient à la catégorie des "feel good book" (les livres qui nous font du bien), une tendance très en vogue ces dernières années. Ce genre, représenté en France par Anna Gavalda ou Laurent Gounelle est un phénomène qui nous vient du monde anglo-saxon. On trouve cette catégorie de livres au rayon santé/bien-être de nos librairies. Mais si l'on élargit un peu cette notion, on s'aperçoit que d'une certaine manière tous les livres nous font du bien, c'est ce que permet de comprendre l'étude de cette nouvelle discipline qu'est la "bibliothérapie". Ce néologisme apparaît au XXe siècle. Une thèse récente (2009) est consacrée à cette question à laquelle s'intéressent de plus en plus de chercheurs. Dans sa thèse Pierre-André Bonnet, cite la définition suivante extraite du Webster dictionnary de 1961 :

« La bibliothérapie est l’utilisation d’un ensemble de lectures sélectionnées en tant qu’outils thérapeutiques en médecine et en psychiatrie ; et un moyen pour résoudre des problèmes personnels par l’intermédiaire d’une lecture dirigée ». On peut télécharger gratuitement ce travail très intéressant qui a fait aussi l'objet d'une publication en 2013 sous le titre : "La bibliothérapie en médecine générale". L'auteur s'y propose, entre autres, de décliner les propriétés de la lecture à travers quatre notions : La catharsis, l'impulsion, la temporalité, l'herméneutique. Pour témoigner de la clarté de son exposé voici ce qu'il dit à propos de la catharsis : « La lecture est le lien d'expérimentation d'émotions normalement douloureuses, mais qui vécues à travers le prisme esthétique d'une histoire, d'une tragédie, d'un livre, perdent la capacité de faire souffrir, laissant place au plaisir et à la sérénité de la purgation de telles émotions. » Une lecture très profitable pour ceux qui veulent trouver les mots justes pour exprimer les sensations bienfaisantes que leur procurent les livres.

 Un article d'Alice Develev dans le figaro de 2016 montre que l'intérêt scientifique pour cette question est toujours à l'étude : « C'est dorénavant prouvé : la lecture agit comme une eau de jouvence. D'après une récente étude menée par l'Université de Yale, lire plus de 3 h 30 par semaine aiderait à prolonger l'espérance de vie de plus de 20% sur douze ans... ».

 Le livre d'Éric de Kermel nous propose une approche originale de ce concept en s'appuyant sur une fiction :

 Nathalie est professeur de littérature, mais elle souhaite changer de vie et saisit l’occasion qui lui est offerte de racheter une librairie à Uzès, une ville où elle aime passer ses vacances avec Nathan son mari. Devenue passeuse de livres (gratteur de tête dirait Bernard Pivot), elle recueille les confidences de ses clients et tente de leur conseiller des titres susceptibles de les aider à surmonter leurs problèmes. Nathalie s'investit au-delà du rôle classique d'un libraire et accompagne ses clients dans leur reconstruction. Elle devient pour eux un véritable guide, une sorte de psychanalyste et propose une thérapie par les livres. Au travers du récit d'une dizaine de situations, on découvre aussi l'histoire personnelle de Nathalie. Chaque parcours de vie permet à l'auteur d'aborder un thème de mal-être (recherche d'identité, relation familiale conflictuelle, traumatisme de guerre, etc.) et de proposer un traitement par le biais du livre. Soixante-douze livres sont proposés, la plupart faisant l'objet d'une courte justification pour démontrer leur intérêt par rapport aux questions posées. La libraire se transforme en thérapeute, la librairie en pharmacie et les livres en médicaments dont la posologie est unique : "lire matin, midi et soir". Ainsi, l'auteur fait dire à Nathalie :

« Toute mon histoire, de lectrice comme de libraire, me permet d'attester que les livres soignent plus en profondeur que des antidépresseurs...« (page 266). Il y a aussi de très belles pages sur l'amour des livres : « J'aime tous les livres ! Les tout petits, écrits d'un seul geste, comme les très grands qui sont l'œuvre de toute une vie ; les vieux avec leur reliure en lambeaux, mais aussi ceux qui, tout juste sortis de chez l'éditeur, fanfaronnent avec leur belle bande rouge... » (page 23).

 On sait déjà que la lecture est un excellent moyen pour développer les capacités cognitives et la culture, il faut ajouter maintenant le fait que lire est bon pour la santé en général et que cette activité peut utilement compléter le sport comme pratique hygiénique.

 Le livre d'Éric de Kermel pourra nous aider dans cette démarche en nous invitant à une relaxante histoire qui se déroule dans une ambiance de vacances imprégnées des parfums du sud-est de la France.

 Seul bémol, ce livre a du mal à se situer entre la fiction, le documentaire, le commentaire littéraire, le militantisme écologique et la philosophie, il est un peu tout cela et à vouloir trop faire on peut perdre un peu en qualité et en crédibilité.

Bibliographie :

- "La libraire de la place aux herbes", Éric de Kermel, J'ai lu (2019), 284 pages. La liste complète des livres cités dans cet ouvrage figure en fin de volume.

- "La bibliothérapie en médecine générale", Pierre-André Bonnet, Sauramps Médical (2013), 81 pages.

Une petite liste de lectures complémentaires qui réjouira les amoureux des livres :

- "La librairie de l'île", Gabrielle Zevin, Pocket (2017), 282 pages.

- "La bibliothèque des cœurs cabossés", Katarina Bivald, J'ai lu (2016), 510 pages.

- "Dewey", Myron Vicki, Pocket (2013), 314 pages. (Le destin d'un chat adopté par une bibliothèque).

- "Balzac et la petite tailleuse chinoise", Daie Sijie, Folio-Gallimard (2001), 228 pages. Un parcours initiatique à l'amour et à la culture grâce à des livres de Balzac.

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