Introduction à Balzac
Le 24 octobre 2020
Derrière ce titre modeste « Introduction à Balzac » se cache une certaine ambition. En effet, peut-on présenter un génie littéraire tel que Balzac dans le format d'un petit essai de moins de 200 pages ? Est-il possible en quelques chapitres de faire le tour des idées et des thèmes abordés dans cette œuvre si vaste et si profonde qu’est la comédie humaine ? Ne faut-il pas s’armer de patience pour découvrir par ses propres moyens un tel monument en y consacrant plusieurs lectures étalées dans le temps ?
En 1845, dans une lettre adressée à son amie Zulma Carraud, Balzac se confiait :
« Vous ne vous figurez pas ce que c’est que La Comédie humaine ; c’est plus vaste, littérairement parlant, que la cathédrale de Bourges architecturalement. Voilà seize ans, ma chère et ingrate amie, que j’y suis, et il faut huit autres années encore pour terminer ! ».
Ce pari, ce difficile exercice de synthèse que constitue une introduction à Balzac ne pouvait être tenté que par un grand spécialiste, Philippe Bertault, à qui l’on doit plusieurs études, dont un « Balzac et la religion » qui fait autorité. Il suffit pour se convaincre de la grandeur et de la diversité du génie de Balzac de consulter les bibliographies qui se rapporte à sa vie et à son œuvre. En 1929, les Presses de l’Université de Chicago ont édité les deux volumes de la Bibliographie balzacienne, due au soin de William Hobart Royce ; ils mentionnent déjà plus de quatre mille livres et articles consacrés à Balzac. Il faudrait sans doute multiplier ce chiffre par dix pour actualiser cette information, et il conviendrait d’y ajouter les nombreuses thèses et mémoires qui n’ont pas fait l’objet d’une publication officielle. Les thèmes abordés ressemblent à l’index d’une encyclopédie : Balzac et l’idée coloniale, Balzac philosophe, Balzac et l’Angleterre, Balzac et l’Italie, Balzac Imprimeur, Balzac Homme d’affaires, Balzac et la révolution, Balzac et la peinture, Balzac historien, Balzac et Napoléon, Balzac juriste, etc. Son imagination et sa créativité débordent de tous les cadres, à tel point qu’il faut un livre de 678 pages pour énumérer la liste des personnages qui peuplent ses romans (« Dictionnaire biographique des personnages fictifs de la comédie humaine », Fernand Lotte, Librairie José Corti, Paris, 1952.). Balzac est incontestablement un géant. Il s’était fixé pour ambition d’établir l’inventaire des espèces humaines, en dressant une nomenclature du genre humain semblable à celles qui existent pour les espèces animales. Dans son avant-propos à la comédie humaine (1842) l’auteur précise son projet :
« La Société ne fait-elle pas de l’homme, suivant les milieux où son action se déploie, autant d’hommes différents qu’il y a de variétés en zoologie ? Les différences entre un soldat, un ouvrier, un administrateur, un avocat, un oisif, un savant, un homme d’État, un commerçant, un marin, un poète, un pauvre, un prêtre, sont, quoique plus difficiles à saisir, aussi considérables que celles qui distinguent le loup, le lion, l’âne, le corbeau, le requin, le veau marin, la brebis, etc. Il a donc existé, il existera donc de tout temps des Espèces sociales comme il y a des Espèces zoologiques. Si Buffon a fait un magnifique ouvrage en essayant de représenter dans un livre l’ensemble de la zoologie, n’y avait-il pas une œuvre de ce genre à faire pour la société ? »
Philippe Bertault nous apporte l’éclairage nécessaire pour aborder le monde de Balzac dans les meilleures conditions possibles. Il commence par nous délivrer quelques éléments d’informations biographiques avant d’analyser les différents aspects de la personnalité de l’écrivain et de fournir des clés pour comprendre l’œuvre. La deuxième partie de l’ouvrage présente Balzac devant la critique et dresse un panorama des jugements de ses contemporains, sans oublier la critique universitaire. Muni de ces points de repère et de quelques références bibliographiques le lecteur peut valider son billet pour une immersion plus profonde dans l’univers balzacien (91 romans pour l’ensemble de la comédie humaine [1] auxquels il faut ajouter les « cent contes drolatiques », une dizaine de romans de jeunesses sous divers pseudonymes [« Lord R’hoone » ou « Horace de Saint-Aubin »], autant d’essais sur des thèmes divers, de nombreux articles publiés dans les revues et journaux, cinq pièces de théâtre et une abondante correspondance comprenant cinq volumes d'environ 1000 pages chacun plus deux gros volumes de la collection bouquin pour les seules lettres écrites à Évelyne Hanska).
(1) L'inventaire détaillé des œuvres de Balzac est un sujet d’étude à part entière qui a inspiré une thèse développée par Stéphane Vachon et publiée par les presses du CNRS en 1992 : « Les travaux et les jours d’Honoré de Balzac ».
Bibliographie :
— « Introduction à Balzac », Philippe Bertault, Odilis, 1953, 190 pages.
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