Défi: L'excellence est en hausse de prix
Heyo ! Avant de vous laisser avec le texte, sachez simplement que, bien qu'il s'agisse effectivement d'un ressenti personnel, j'ai exagéré le sentiment de sorte à être capable d'écrire une nouvelle assez « dramatique » xD En effet, l'idée de défi m'a bien inspirée et, comme tout ce que j'écris, je ne suis pas certaine d'avoir complètement respecté les consignes... Mais bon, je vous souhaite tout de même bonne lecture, en espérant que vous apprécierez cette courte histoire !
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Tu sais, j’ai toujours eu l’impression qu’on pourrait te comparer à une boutique… Petite, étroite, sur le coin d’une rue sans nom d’un village oublié. Modeste, aussi, un peu. Quoiqu’avec des ambitions – ou des illusions ? – qui ne lui vont pas. Qui ne collent pas. Ce n’est pas un château, enfin ! Une simple et minuscule bâtisse… Ne le vois-tu pas ? Non ? Dis-moi, alors, est-ce bien toi, la gérante de ce commerce éphémère ?
…
Avant, ta boutique n’était rien. Enfin, façon de parler. Il y avait bien des choses, à l’intérieur. Simplement, pour être franc, cela n’intéressait personne. Tout ce beau monde passait devant cette maison en pleine construction comme si elle n’existait point ou, plutôt, comme si elle faisait partie du paysage. Les seuls habitués qui osaient s’aventurer à l'intérieur s’emportaient en voyant les amoncellements de factures, les nombreux retards dans les produits et l’apparence assez délabrée malgré les livres bien rangés. « Mais où est donc la politesse que j’avais commandée il y a de cela des mois ? » te harcelait-on sans relâche. « Qu’avez-vous fait de la ponctualité ? » « Et ça, qu’est-ce que c’est que cela ? Vous vouliez voir s’il était possible de dépasser les limites de la banque, je me trompe ? C’est que vous coulez, en ce moment, vous vous rendez compte ? » « Vous voulez que je vous dise ? Votre boutique, elle ressemble plus à un cabanon, oui ! »
Ouais… ce n’était pas de tout repos, gérer une boutique. Sauf qu’il fallait bien cela pour survivre. Après tout, on disait souvent que le plus difficile, c’était le début, non ? En fait, tu aurais aimé affirmer que tu t’en fichais, de tous ces commentaires. Que tout cela ne t’atteignait pas, que tu étais plus forte que quelques remarques que, au fond, tu méritais peut-être bien, à voir comment tu agissais face aux concurrents. Emprunter des ressources, de l’argent… Entrer sans cogner, sans parler des occasionnels mots vicieux qui sortaient de ta bouche quelques fois. Mais bon, tu étais encore une jeune commerçante, c’était pardonnable. Enfin, la plupart du temps…
Au moins, il y avait l’arrière-boutique. Là où le secret de l’existence demeurait complet, où réfléchir et créer n’avaient plus de limites. Un bureau, solitaire, où trônait une tasse de chocolat chaud et quelques feuilles de papier – ainsi qu’un livre, parfois. Là, et seulement là, les mondes se multipliaient, se construisaient et se détruisaient eux-mêmes, dans une valse lente et lourde sur les pages d’un blanc immaculé. Là, et seulement là, la magie avait droit d’opérer, et personne n'en était témoin. Là… le temps se figeait, et c’était comme un rêve. Un rêve éveillé. Sans limite, sans frontière, sans contrainte…
Mais le songe, chaque fois, brisait en éclats lorsque retentissait la sonnette de la boutique. Annonçant qu’un nouveau client venait d’entrer…
Urgh. Pourquoi étaient-ils tous ainsi ?! Pourquoi agissaient-ils d’une manière si… étrange, à tes yeux ?!
Au fond, peut-être ta boutique n’était-elle qu’incomprise. Peut-être était-ce aussi pour cela que tu souffrais. Et peut-être, sans doute, cela expliquait-il pourquoi tu ressentais le besoin de faire la vie dure à tous les commerçants.
…
Or, un jour de printemps, tout bascula. Éreintée de tant de négativité, épuisée de toute cette rancœur qui n’avait point sa place, tu décidas d’offrir à ta boutique un ménage, de fond en comble. Tu arrachas les toiles d’araignée peu accueillantes, repeinturas les murs ternes d’un bleu intense, qui évoquait la joie et la gaieté. Tu collas des affiches trouvées dans un coin de l’arrière-boutique, achetas une pincée de gentillesse et essayas un sourire.
La boutique, composée d’une pièce unique, respira, pour la première fois, l’accueil et la propreté.
Quelques gens vinrent, autres que les habitués, dépenser leur curiosité. Certains aimèrent, hochèrent la tête de contentement, mais il fallait dire que le tout demeurait assez banal en soi. Rien qui aurait fait tourner la tête de tous les étrangers, en somme.
Quoiqu’il y eut quelqu’un. Oui, quelqu’un qui, du bout des lèvres, suggéra l’impensable :
— Vous savez, votre boutique, elle est très bien. Elle a du potentiel, si on prend le temps de bien observer. Vous devriez faire construire une deuxième salle, si vous voulez mon avis. Peut-être la peinturer en jaune et y vendre quelques bonbons ou quelque chose qui vous tient à cœur… Enfin, je dis ça, je ne dis rien : à vous de voir. Simplement… cet endroit pourrait devenir quelque chose de beau.
Tes yeux, alors, s’étaient illuminés. Quelques chose de… beau ? C’était la première fois qu’on t’affirmait qu’il était possible d’être plus que ce qu’on était déjà. Qu’on pouvait transformer cet endroit de sorte à l’améliorer, à le rendre encore meilleur que ce qu’il était. En fait, on te l’avait déjà mentionné. Simplement, tu ne l’avais jamais considéré, car tu ne savais point que les autres commerçants pourraient apprécier ce changement. Qu’ils pourraient t’accorder de l’attention – autre que des reproches. Qu’ils pourraient… regarder ta boutique d’un air intéressé.
— Vous croyez ? soufflas-tu, des étoiles dans les yeux. Vous le croyez réellement ?
— Mais oui ! Il ne suffit qu’un peu de travail et hop, les clients accourront !
Tu venais de découvrir, chez ce quelqu’un pas plus spécial qu’un autre, ce qu’on appelait les attentes.
Et les attentes, si accomplies, pouvaient se transformer en fierté.
Ce jour-là, tu courus dans l’arrière-boutique. Tu pris tout le matériel qui te tomba sous la main, déterminée : il te fallait, plus que tout, construire cette deuxième pièce suggérée par ce quelqu’un. Pour qu’il revienne dans ta bâtisse, pour qu’il réalise qu’il ne s’était pas trompé en affirmant qu’il y avait ici du « potentiel ». Et puis, tu n’allais pas vendre des bonbons, non, ce n’était pas assez original. Il fallait le surprendre et trouver une idée meilleure, légèrement à côté de la plaque, peut-être, mais qui allait impressionner. Pourquoi ne pas permettre aux clients d’acheter des mots, des expressions, par exemple ?
Le pire, c’était que ce fut immensément facile. Quelques coups de pinceau ici et là, le bureau de l’arrière-boutique en plein centre de la salle et quelques étagères sur les murs. Ce ne te prit même pas plus d’une semaine.
Et c’était peut-être cela le problème, au fond.
…
— Mais que c’est beau, ici ! Imaginez un instant si un deuxième étage existait : il y aurait bien plus à visiter…
— J’ai entendu parler de nouveaux produits : il parait qu’ils sont plus que rares et que cela demande beaucoup de patience pour se les procurer. Seriez-vous prête à tenter votre chance ?
— Si vous voulez que le nombre de clients augmente, je vous conseillerais de passer de boutique en boutique : plus vous vous intéresserez à eux, plus ils auront envie de faire un tour ici…
— Vous êtes exceptionnelle, vous savez ? Tous les jours, votre boutique se rapproche de la perfection, j’en suis sans voix…
Il y eut un deuxième quelqu’un. Puis un troisième, et un quatrième. Tous, chaque fois, suggéraient des changements, des améliorations à ta boutique devenue bien solide et ancrée dans le sol depuis le temps. Et, souvent, on te disait que le tout devenait de plus en plus… parfait.
La perfection. Tu pensais à ce mot, toujours, alors que tu calculais tes factures et impôts du mois – correctement, cette fois-ci (c’était si facile, au fond ! Pourquoi t’étais-tu acharnée à le faire de travers toutes ces dernières années, dans le simple but de choquer ?) On t’avait toujours affirmé qu’il était difficile – voire impossible – d’atteindre l’excellence. Et pourtant… il n’y avait rien de complexe à se plier aux attentes des gens.
Il suffisait d’écouter d’une oreille attentive leur requête, de réfléchir de sorte à en faire toujours une coche de plus et de courir chercher dans l’arrière-boutique le matériel nécessaire au nouveau projet. D’ailleurs, cela devait bien faire une éternité que tu n’y étais plus allée, dans cette arrière-boutique. Mais cela avait-il réellement une importance ? Maintenant, au moins, tu accomplissais ce que les gens attendaient de toi.
Et il fallait avouer que cela portait ces fruits. Tant de clients venaient, admirant ce que tu avais créé de tes propres mains, sans l’aide de personne… Cela valait mieux que n’importe quelle rêverie enfantine, non ?
…
Sauf que tout cela ne dura pas bien longtemps. Car ce que tu ne savais pas encore, à ce moment, c’était que tous ces « quelqu’un » ne seraient jamais satisfaits. Non, pas du tout. En fait, répondre à leurs attentes empiraient la situation, dans un sens.
Puisque plus tu leur montrais ce dont tu étais capable… plus leurs exigences devenaient démesurées.
— Vous devriez construire un château, tant qu’à y être !
— Comment cela, l’énergie est en rupture de stock ? N’était-ce pas justement ce que vous aviez promis de posséder en abondance ?
— Vous êtes en retard de 0.01$ ! Moi qui croyais que vous étiez toujours fiable…
Ce qui, au départ, avait commencé par être de simples souhaits lancés du bout des lèvres sans trop de prétention devenaient de véritables revendications nécessaires ou plutôt, hautement suggérées. « Elle a bien été capable de construire un deuxième étage… pourquoi pas un troisième ? » devint la façon de penser de tous les clients qui, bientôt, imposèrent des demandes de plus en plus extravagantes et insensées.
— Vous avez déjà pensé à embaucher de nouveaux employés ? Vous devriez créer un formulaire !
— Dites donc, vous m’aviez promis de passer à ma boutique en après-midi ! Vous êtes toujours en retard !
— Moi qui croyais être la seule à oublier d’épousseter le dessus de mes fenêtres…
Tout n’était plus que tourbillon de commentaires sourds, de remarques étourdissantes et de plaintes grésillantes. Et pourtant… tout avait été si facile, au début. Alors pourquoi abandonner maintenant ? Cela aurait relevé de l’impensable !
Surtout que la dernière chose que tu voulais, c’était bien de décevoir tous ces gens… Eux qui avaient placé tous leurs espoirs en toi… tous leurs damnés espoirs, oui.
…
Puis, un jour, tu te crus sur le point d’exploser. Devant les mots d’autrui, tu dus pour la première fois te rétracter. Oui, car tu n’en pouvais plus.
— Si j’étais vous, je tenterais de construire jusqu’à atteindre la lune. Imaginez, des étages à n’en plus finir !
Et si tu abandonnais ? Arrêtais tout ? Cessais de chasser ce que tu savais pourtant être à ta portée, c’est-à-dire la perfection ? Qui aurait pu t’en vouloir ?
Tous tes clients, peut-être.
Peut-être… mais cela avait-il vraiment de l’importance ? Dans l’envie pressante de redevenir cette petite fille à la boutique tremblotante et mal construite que tu avais autrefois été, tu t’esquivas. Comme cela, sans un mot. Plantant ce client aux attentes démesurées sur place. Pour aller où ?
Dans le seul endroit qui n’avait subi les requêtes de tous ces gens. L’arrière-boutique.
Tu imaginais déjà ce qu’ils allaient tous se dire : que fait-elle, à se cacher là-bas ? À se réfugier, se dissimuler de nous ? N’a-t-elle pas mieux à faire ? Cette boutique est sur le point de devenir la meilleure de la ville !
Sauf que, pour la première fois depuis des mois, non, des années, tu t’en fichais. Oui, tu te fichais de tous ces clients qui gâchaient ta sérénité, qui t’empêchaient de t’épanouir comme toi, tu le souhaitais et le désirais.
Tout ce que tu voulais, en ce moment, c’était retrouvé la sécurité des pages blanches emplies de texte de ton arrière-boutique.
Et c’est pour cela que, des perles d’eau salée aux yeux, tu ouvris la porte, déterminée.
Pour découvrir qu’il n’y avait plus rien.
Rien.
Puisque tout ce qui se retrouvait autrefois ici avait été utilisé pour satisfaire tous ces monstres, ces imbéciles dans la boutique.
Qui étais-tu ? Tu ne le savais même plus.
Non, puisqu’il n’y avait plus rien. Rien du tout.
Sauf peut-être l’excellence, but impossible à atteindre.
Et le pire, ce fut peut-être que lorsque tu t’effondras au sol, perdue, désorientée comme jamais, tu les remarquas. Les bords des murs, près du plancher.
Tu avais oublié de les épousseter.
FIN.
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Cette nouvelle parle surtout de l'influence d'autrui et des commentaires, requêtes et reproches reçus sur notre propre vie. Parfois, nous sommes prêts à tout pour faire plaisir aux autres et les rendre fiers... jusqu'à en oublier ce qui est important pour nous, à un point où il est même difficile de savoir avec certitude ce qui est justement réellement important pour nous. Le sujet d'avoir nous-mêmes des attentes trop élevées est aussi abordé, tout comme quelques autres thèmes secondaires... En espérant que le tout vous a fait réfléchir ^^
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