Je ne suis jamais sortie avec un garçon que j’aimais. Je sortais avec des garçons pour m’amuser. Comme Peter, ou Maxime. Franchement, quelle fille branchée pourrait sortir avec un intello comme lui ? J’imagine que – à mon âge – l’apparence est très importante. La fille populaire ne peut pas sortir avec l’intello solitaire. C’est évident. C’est comme ça dans tous les films et livres. La fille populaire est destinée au bad boy. Seul problème, le bad boy du lycée ne me plait absolument pas. Il se nomme Steve, il fait de la guitare électrique, il roule en moto, il a le style de littéralement tous les bads boys des films, genre veste en cuir et jean skinny, il fume et il se bat. Je veux bien passer pour la fille hyper cool, mais y a des limites. Je ne sortirai pas avec Steve juste pour mon image.

- Brook’ !

Je me lève et époussette la jupe de l’uniforme, une jupe plissée à carreaux bleus et noirs. Holly court jusqu’à moi.

- Ok, oh la, la. (Elle claque son dernier la avec exagération. Elle prend une énorme inspiration.) Scoop. De. Ma-lade.

Holly secoue la tête, ses grands anneaux pendant à ses oreilles se balançant. Elle s’assoit sur le même banc que moi et balance ses jambes. J’attends toujours le «scoop de malade» dont doit me parler ma meilleure amie.

- Steve, aperçue dans la rue avec une fille, une bad girl.

Elle me tend son téléphone où on peut distinguer le garçon avec une fille tatouée, des piercings partout, une tonne d’eye-liner autour de ses yeux et le même look que lui.

- Non mais t’y crois, toi ? s’écrie-t’elle, comme si c’était le drame de sa vie.

- Bah, dans deux jours elle est remplacée par une autre. (Je lui rends son smartphone.) Et on s’en fout. On s’est promis que cette année, pas de mecs à l’horizon avec nous.

- À part Jason.

- Jason est gay, maugrée-je en me rappelant la fois où il m’a embrassé avant de me révéler son identité sexuelle.

- Bref. Je dois y aller, j’ai, genre, anglais, enfin j’crois.

Holly se relève, remonte d’un cran sa jupe histoire de la transformer en mini-jupe et s’en va en courant.

Personnellement, j’ai physique. Et j’ai franchement pas envie. Sauf que derrière mes aspects de Miss Ultra Cool, je suis aussi une élève modèle. Surtout que je ne suis pas vraiment celle que les gens croient. Je ne suis pas «hyper cool tout le temps».

Le soir, je sors du lycée avec comme seule envie de sortir avec Holly. Sauf qu’elle rentre chez elle pour bosser les maths, sinon elle risque de se prendre une très mauvaise note. Au final, ça me rassure. Je vais enfin pouvoir être moi-même.

J’ouvre la porte de la maison. Une odeur de cupcake et de brownie flotte dans l’air. Je jette un coup d’oeil dans la cuisine. Équipée de son tablier Super Maman que j’ai fait en maternelle, ma mère sort une fournée de cupcakes du four. J’en attrape un encore fumant.

- Ils sont à la vanille fourré à la crème de noisettes, surmontés d’un glaçage simple saupoudrés de guimauve.

- Mes préférés.

Je récupère dans le frigo une cerise que je pose au dessus du glaçage, entre tous les Chamallows.

- Maintenant, il est encore mieux.

J’embrasse ma mère pour la remercier d’avoir fait mon goûter préféré et je monte dans ma chambre.

Assise à mon bureau, je fais défiler les contacts de mon téléphone. Holly, Jason, Maman, Papa, Clara, Simon… Mon regard s’attarde sur celui de Maxime.

Le seul ex que j’ai vraiment aimé, même si je ne l’avoue à personne.

Et je fais ce que je fais chaque fois que j’ai besoin d’exprimer mes sentiments. J’attrape une feuille et j’écris une chanson (enfin, aucune n’est finie et je ne veux pas les finir. Elles font partie de moi, je ressens ses émotions à un instant donné. Les finir gâcherait le ressenti).

Sauf que pour la première fois de ma vie, je la termine.