Chapitre 7

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J’en reviens pas. Je viens de déballer ma vie à Steve. Je vais avoir le droit à de la pitié… Argh, j’ai déjà envie de le taper.

- Ah ok. C’est ça qui te rend si triste.

Ok. De l’indifférence. À votre avis, c’est pire ou mieux que de la pitié ?

- T’as pas encore écrit sur ta noyade. Pourquoi tu ne ferais pas ça ?

- Parce que c’est beaucoup trop personnel.

Il hausse les épaules et gratte sa guitare.

- Ça te ferait rien de raconter ta vie à n’importe qui ?

- Ben, c’est qu’ma vie est pas hyper intéressante. Donc non, lâche-t’il.

- Tu aimerais que tout le monde sache que t’es un coureur de jupons ? Qu’ils pensent que tu dragues tout le monde ?

- Les gens peuvent bien penser ce qu’ils veulent. Je connais la vérité. Et elle est tout autre.

Son regard est intense.

- J’ai envie de la connaître, maintenant, dis-je en jouant avec une herbe.

Il s’approche.

- Ah ouais ? T’es sûre ?

Je saute sur mes deux pieds.

- Non. En fait, je m’en fous pas mal.

Il hausse les sourcils et joue un petit air sur sa guitare. Je m’en vais et il crie :

- Hé Taylor Swift ! Oublie pas d’écrire une chanson !

Il rêve.

Je décide de ne pas rentrer tout de suite et de traîner dans Glasgow. Je passe devant un magasin de vêtements et entre. Il y a une jupe plissée grise que je décide d’acheter.

Il est 18 heures. Le soleil décline à l’horizon, et les rues sont vides. Je rejoins le parc avant de rentrer. Une ombre est assise sur le tourniquet.

- Steve ? Qu’est-ce que tu fais là ?

Il hausse les épaules. Je pousse le sol avec mon pied pour faire tourner le tourniquet. On se prend le vent frais, et il se glisse dans mes mèches châtains qui s’envolent. Je jette un œil à Steve. Il me semble différent. Avec le crépuscule en fond, ça lui donne une aura. Je m’assois à ses côtés, tandis que le tourniquet continue de tournoyer.

- Et toi, alors ? Tu ne me racontes pas ta vie ?

- Je n’ai rien à raconter. J’ai eu une vie banale.

Je jette un œil à l’espace qui le sépare de moi. Nos épaules se frôlent presque. Une immense chaleur m’envahit. Je saute du tourniquet et grimpe l’échelle du toboggan. Je m’assois contre les barreaux en bois. Des choses ont été griffonnées : des coeurs, des prénoms, des trucs du genre «A+M = amour infini»…

Steve est toujours sur le tourniquet qui ne tourne plus. Je le fixe. Ses cheveux bruns qui lui tombent sur le front, sa mâchoire carrée, ses yeux bleus… Il tourne la tête vers moi et nos regards se croisent. Une lueur d’amusement apparaît dans ses yeux.

Il se lève et me rejoint.

- Il faudrait programmer la prochaine répétition, dit-il.

- Ouais.

S’ensuit un gros blanc, où je tripote mes ongles et où Steve fixe le vague.

- Hé, Brooklyn.

Je tourne la tête vers lui.

- Tu t’es jamais demandée pourquoi ta meilleure amie s’en était prise à toi ?

- Heu… ben non… Je me suis juste dit qu’elle était triste et énervée contre tout le monde.

Un ricanement s’échappe de la bouche de Steve.

- Et si elle était juste jalouse ? propose-t’il.

- Jalouse de qui ? (Je glisse au toboggan). De moi ?

- Ben ouais.

Il descend à son tour.

- Elle n’avait aucune raison d’être jalouse de moi. Elle était parfaite en tout point de vue. À la mode, riche, belle, intelligente…

- Ce n’est pas ce que j’appelle être parfait.

Il souffle.

- Eh bien moi si, réponds-je.

La pluie commence à tomber. Je fixe les gouttes dégouliner sur moi et détremper mes vêtements, mes cheveux, mon visage. Une d’elles s’écrase sur mes lèvres. Je passe ma langue dessus. Elle est salée.

Je me rends vite compte que la pluie n’est pas la seule à me mouiller. Mes larmes inondent mon visage. Steve me lance un regard perplexe avant de s’abriter en-dessous de la structure de jeu.

- Tu viens, Brooklyn ?

Je le rejoins et glisse contre le mur pour m’asseoir.

- Quand il pleut ou que je me douche, j’ai parfois l’impression d’être de retour dans le lac. J’ai l’impression d’être noyée. Submergée par le passé. C’est ça, en fait. Je suis noyée par le passé.

Le sourire de Steve m’arrache un grognement.

- Tu te moques de moi, là ?

- Non. Mais j’arrête pas de me dire que tu devrais vraiment écrire une chanson là-dessus.

Je lève les yeux au ciel.

- C’est bon, je l’écrirai, ta chanson.

Quand la pluie se calme, on sort du parc.

- Bon bah salut. On se voit au lycée demain, de toute façon, dis-je.

- Ouais. Salut, Taylor Swift.

- Tss…

Il est vingt-deux heures. Éclairée avec ma lampe de chevet, j’écris une nouvelle chanson qui est une partie de mon âme.

Mais je fais ça pour les Modern Black. Et aussi pour Steve.

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