Mama

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Galata entra dans la cabine de douche du vestiaire des filles. Elle enleva son armure en metaplast et ses vêtements, se regarda dans le miroir, fit quelques grimaces puis tourna les robinets. Arrivée à la bonne température, elle se plaça sous le jet avec un soupir de soulagement. L'eau chaude fit du bien à ses muscles tendus, en particulier ceux des bras après l'étreinte reçue précédemment. Elle frictionna ses biceps pour les détendre puis frotta sa peau avec le savon. Après cela, elle laissa l'eau couler un moment. Cela lui permettait de méditer un peu et d'éloigner ses pensées négatives. Elle sortit ensuite du carré de douche, attrapa sa serviette et s'essuya avant de faire quelques étirements comme le lui avait appris son maître, le mystérieux Rayzen. Elle se sentait enfin mieux, propre et détendue. Son estomac grogna pour lui rappeler qu'elle n'avait que très peu mangé à midi afin de ne pas être brassée après le match. Elle s'habilla en vitesse sans prendre le temps de coiffer ses cheveux et sortit. A vrai dire, c'était même une perte de temps que d'essayer de faire quelque chose à cette tignasse récalcitrante qui partait en de multiples épis désordonnés.

Les combats de la journée étaient déjà terminés et les spectateurs avaient envahis les couloirs pour sortir. Galata se fraya un chemin parmi la foule et parvint à retrouver l'extérieur. Quel soulagement que de se retrouver à l'air libre ! L'air était chaud et le ciel ensoleillé. Comme toujours sous le dôme climatique d'Energy City, principale mégalopole de la planète Faith, située dans le système d'Ancton. Faith était une planète invivable pour des êtres humains d'ordinaire mais possédait d'importantes ressources pour les autres planètes du système. Dû à une croissance explosive d'activités minières, les familles des employés emménagèrent dans des cités aménagées sous les dômes climatiques permettant de vivre comme sur une planète à l'atmosphère propice. Energy City était la plus grande d'entre elle de par sa taille, sa population et son activité industrielle très dense. Elle abritait également le quartier général des Space Rangers, une police intergalactique qui assurait la sécurité dans l'univers en défendant les planètes contre des démons obscurs, des créatures dépourvues de lumière qui ne cherchaient qu'à instaurer le chaos là où ils allaient. Maître Rayzen avait expliqué à Galata lorsqu'elle n'était qu'une enfant qu'elle irait un jour rejoindre les rangs des Space Rangers et défendre les humains contre les "sans lumières" comme ils étaient appelés.

Galata était orpheline depuis sa naissance. C'était maître Rayzen qui l'avait ramené un jour sur Faith et l'avait confié à une nourrice nommée communément Mama. C'était une femme rondelette, joviale et attendrissante qui savait entretenir un foyer et comment élever une jeune fille comme il se devait. Cependant, lorsque la petite Galata eut cinq ans, Rayzen la prit en partie sous son aile afin de lui apprendre les rudiments du combat au corps-à-corps sous l'œil désapprobateur de Mama. Et même si Galata devint une experte dans les arts martiaux, la tendre mais implacable nourrisse persistait à dire qu'une jeune fille de son âge devrait se préoccuper de son avenir en étudiant et en apprenant à s'occuper d'un foyer. Galata était alors ballotée des deux côtés. Il est vrai qu'elle aimait tout ce qui avait trait à la gente féminine et prenait plaisir à cuisiner avec Mama, faire de la couture ou apprendre le maintien. Mais elle adorait également les entrainements de maître Rayzen et devenir un ranger était devenu son rêve le plus cher. Au final, elle finit par décider de pouvoir concilier les deux : défendre l'univers et devenir une femme modèle. Bien qu'elle fut plus douée pour le combat que pour la confection de tartes maisons.

En sortant de l'enceinte du gymnase, Galata entra dans le parc qui entourait l'imposant bâtiment sportif. Elle devait le traverser pour se rendre chez elle ce qui rendait la ballade agréable. Tandis qu'elle marchait avec son sac de sport sur l'épaule, elle entendit quelqu'un l'appeler au loin.

— Galata ! Youhou !

Elle espérait que ce ne soit pas les pestes de la bande à Bérine mais en voyant un garçon de son âge accourir dans sa direction, elle fut soulagée. C'était Mayt, son camarade de classe le plus proche. Derrière lui trottinait timidement son autre camarade de classe, Lailah. Mayt était un garçon brun, maigrichon et enjoué qui préférait monter ses scores aux jeux vidéo que de réviser ses cours le soir. Grand dadais un peu excentrique, il était devenu ami avec Galata dès leur premier jour d'école au lycée Blue Star. Ensemble, ils furent souvent réprimandés pour les retards en cours, les discussions en classe ou les chahuts provoqués dans les couloirs de l'école.

Lailah, elle, était une petite blonde discrète qui ne cherchait jamais à faire le moindre scandale. Galata lui avait déjà reproché plusieurs fois d'être trop renfermée sur elle-même et qu'elle devait s'exprimer plus souvent. Elle était souvent la cible de Bérine et de ses "sbires" et se laissait souvent faire car elle ne savait jamais comment réagir. Son amitié avec Galata était dû au fait qu'elle l'avait défendu plus d'une fois contre ces pimbêches sans cervelle. En contrepartie, Lailah l'avait souvent aidé, si ce n'était tout le temps, pour ses devoirs.

— Galata ! s'écria Mayt en saluant son amie le bras en l'air. C'était un combat magnifique ! Tu as été extraordinaire ! C'était magistral ! Epique !

— Merci, Mayt ! remercia Galata en tapant dans la main du garçon. C'était gentil d'être venu m'encourager tout à l'heure.

— Je ne tenais plus en place ! continua Mayt tout excité. Lailah était terrorisée en te voyant écrasé par ce gros lard de Borjac mais moi je criais : "Vas-y, écrase-le ! Frappe-le !" Hein, Lailah ?

— C'était affreux ! s'exclama cette dernière. J'ai cru que tu allais te faire tuer ! Tu as mal ? Il faut peut-être aller à l'hôpital ?

— Je vais bien, Lailah, assura Galata gênée de la voir si inquiète. J'en ai vu des plus coriaces, tu sais ?

— Quoi ? Mais comment fais-tu pour rester indemne ? Un jour tu vas te retrouver contre quelqu'un de plus fort que toi et il va te massacrer, t'écrabouiller, te réduire en miette ! Ton sang va couler et gicler de partout, on ne pourra même plus te reconnaitre et…. AAAAH !

Lailah devint blême et manqua de s'évanouir.

— Je crois qu'elle s'est fait peur toute seule en t'imaginant défigurée, souffla Mayt.

Galata soupira et s'avança vers la malheureuse qui s'était mise à trembler de tout son corps.

— Ma petite Lailah, lui dit-elle, comment peux-tu être aussi glauque en pensant des choses pareilles, toi qui est si douce et gentille d'habitude ?

— Je… je… je suis désolée…

— Et si on allait manger ? proposa Mayt. Je prendrais bien un méga tacos de chez Planet'Food. Qu'en pensez-vous ?

— Avec tout ce que j'ai dépensé en énergie j'en prendrais bien deux, approuva Galata. Je suis partante !

— Encore du fast-food ? déplora Lailah qui était une adepte de la nourriture saine. On a mangé des hamburgers ce midi, c'est suffisant, non ?

— Oui mais ça ne vaut pas un tacos, répliqua Mayt. Et j'ai faim !

— Tu prendras une salade, proposa Galata.

— Je n'aime pas leur salade, rétorqua Lailah. On dirait du caoutchouc et elle n'a aucun goût ! En plus, ils rajoutent des tas de trucs mauvais pour la santé dedans !

— Mais où veux-tu manger, alors ?

— Pas ce restaurant végétarien de la dernière fois au moins ? demanda Mayt. Leur tofu était plus que dégueulasse et merci bien leur boisson au concombre…

— Mais c'est pourtant parfait pour une alimentation saine et équilibrée ! affirma la pauvre jeune fille.

— Moi j'ai besoin de gras et de viande ! Je suis comme ça, c'est pour mon équilibre alimentaire à moi !

— Tu vas finir gros et gras ! lança Lailah, outrée.

— Et toi tu vas ressembler à un squelette. A tel point que tous les chiens te courront après pour t'attraper !

— Humpf !

Chacun se tourna de son côté pour bouder.

— On se calme tous les deux ! lança Galata qui se trouvait entre deux feux. Et si je vous proposais de venir manger chez moi ? Mama fait toujours beaucoup à manger.

— Woah ! s'exclama Mayt. La cuisine de Mama est au top niveau ! Je suis partant !

— Et elle est beaucoup moins grasse qu'un tacos, dit Lailah, ravie. Je suis partante moi aussi.

— Et voilà qui est réglé !

Galata soupira, soulagée d'avoir évité encore un conflit culinaire entre ses deux amis. Elle appela Mama avec son mobile pour la prévenir et se rendirent tous les trois chez elle.

C'était une petite maison coquette et bien entretenue avec son petit potager et ses fleurs colorées en abondance. En arrivant devant la porte, ils purent sentir la douce odeur qui s'échappait de la cuisine par la fenêtre ouverte. Mayt se mit à saliver en imaginant les plats succulents qui l'attendaient. Lailah lui fit ce reproche :

— Tiens-toi bien ! Ce n'est pas chez toi ici…

— Je le sais bien ! Mais je suis déjà venu plusieurs fois, je ne vois pas où est le mal…

— Quel malpoli, celui-là…

— Mama ! appela Galata. C'est nous !

La petite femme sortit de la cuisine pour les accueillir.

— Comment allez-vous mes petits ? demanda-t-elle avec tendresse. Le combat s'est bien passé ?

— J'ai gagné mon premier match ! annonça Galata fièrement. Le prochain c'est demain.

Mama la prit par les épaules et se mit à l'examiner sous toutes les coutures.

— Mama, mais… ? Qu'est-ce que tu fais ?

— Je m'assure que tu n'as pas de bleu ou de blessure…

— Je n'ai rien Mama, tout va bien.

— Tu es sûre ?

Elle lui toucha le bras. Galata eut un sursaut en ressentant un élancement au niveau de l'étreinte.

— Vraiment ? ironisa Mama. On ne dirait pas…

— Mais oui, juste une mauvaise chute.

— Ne me mentez pas, jeune fille ! gronda la nourrice.

Elle lançait des éclairs de fureur à travers ses yeux. Galata sembla rétrécir à vue d'œil.

— Oui, bon… en fait mon adversaire a été un peu brutal avec moi… Mais je l'ai mis au tapis et…

— Ce n'est pas une excuse, répliqua Mama. J'ai déjà dit que ce genre de sport violent n'était pas correct pour une jeune fille de ton âge ! Si j'attrape ce Rayzen qui t'a mis ces idées saugrenues dans la tête je lui… je lui....

Elle brisa sa cuillère en métal de ses deux poings sous les yeux terrifiés des lycéens. Puis elle retrouva son calme et convia les jeunes à se mettre à table.

— J'espère que vous avez faim, leur dit-elle avec gentillesse. J'ai fait des lasagnes…

— Avec de la viande ? demanda Mayt avec espoir.

— Mayt..., soupira Lailah.

— Bien sûr, répondit Mama. Et j'ai même fait une portion spéciale avec des légumes pour la jeune demoiselle qui sait faire attention à sa ligne.

— Oh, c'est vraiment très aimable à vous Mama, dit lailah, gênée d'autant d'attention. Il ne fallait pas vous donner cette peine…

— Mais c'est tout naturel, voyons ! Ça ne me dérange absolument pas. Cela me fait très plaisir de vous avoir à manger.

— Merci beaucoup, en tout cas.

— Oui, ch'est très chympa de vot' part ! ajouta Mayt, la bouche déjà pleine.

Il reçut un coup de pied sous la table de la part de Galata. Elle lui jeta ensuite un regard noir de reproche lui intimant de se tenir correctement. Mama sourit et repartit déposer son plat dans la cuisine avant de revenir s'asseoir. Elle baissa ensuite la tête et joignit ses mains. Galata fit de même suivit de Lailah. Mayt mit un temps avant de comprendre et baissa la tête à son tour. Mama marmonna alors ces mots :

— Père du ciel, nous te rendons grâce ce soir pour tous les bienfaits que tu nous accordes. Nous te remercions pour ce repas et de la visite de Lailah et Mayt. Merci de protéger ma petite Galata dans ces affreux combats que je n'apprécie guère et de lui faire entendre raison à ce sujet.

Galata souffla de dépit.

— Que la bénédiction de ta lumière soit sur ces enfants et sur nous tous. Amen.

— Amen, renchérit les jeunes.

— Bon appétit les enfants, dit Mama.

— Merci Mama, remercia Galata.

— Merci madame, suivit Lailah.

— Pas de madame avec moi ma chérie, corrigea la vieille dame. Tu m'appelle "Mama", comme tout le monde.

— Bien Mama, répondit la petite blonde, rouge de confusion.

— Alors, c'est enfin la fin de l'année ?

— Oui, Mama. On va enfin pouvoir se reposer.

— Cette année n'a pas été trop difficile, dit Mayt nonchalamment.

Galata réprima un rire tandis que Lailah se renfrogna. Cette dernière avait passé toute l'année à les reprendre sur leurs devoirs et à les corriger.

— Au fait Galata, continua le jeune garçon, tu vas pouvoir entrer chez les Space Rangers comme tu voulais ?

— Maitre Rayzen m'a dit qu'il fallait que je gagne la finale du tournoi pour pouvoir y entrer. Ça me laisse moins de chance pour y arriver…

— Comment ça ? s'étonna Mama. Tu comptes y rentrer dès cette année ? Tu es bien trop jeune voyons !

— J'y entrerais comme simple scout, répondit Galata. Je ne serais en mission que les week-ends et les vacances. Et parfois un peu sur les cours mais c'est très exceptionnel…

— Il serait préférable que tu te concentre sur les cours ! Tes notes de cette année sont très moyennes, tu as même baissé dans certaines matières.

— Mais c'est ennuyeux, se plaignit la jeune fille. Les profs sont ennuyeux, les cours sont ennuyeux et… et les livres encore plus !

— Une jeune fille bien correcte se doit de faire des efforts pour avoir une bonne place dans la société.

— Quelle place dans la société ? se défendit Galata. Je veux rejoindre les rangers, voir d'autres planètes, d'autres gens à travers l'univers et me battre contre les démons, les sans-lumières !

— Je ne suis pas pour cette idée, continua Mama. C'est encore Rayzen qui t'a mis ça dans la tête ! Si je l'attrape celui-là je le…

Elle cassa sa fourchette comme la cuillère de tout à l'heure. Sans rien dire elle alla en chercher une autre dans la cuisine.

— C'est comme ça tous les jours, soupira Galata.

— Elle s'inquiète pour toi, dit Lailah. Tu n'imagines pas ce que les rangers peuvent endurer pendant leurs missions.

— Je sais parfaitement ce qu'il se passe durant leurs missions ! répliqua-t-elle. Et j'ai déjà combattu des sans-lumières.

— C'est vrai ? s'exclama Mayt. Mais tu…

— Chut ! coupa Galata. Mama ne doit pas le savoir…

— De quoi parlez-vous, les jeunes ? demanda la nourrice en revenant de la cuisine.

— Oh, de… du prochain adversaire de Galata. C'est bien contre Janess que tu te bats demain, c'est ça ?

— Ouais ! ça va être facile, elle ne tient pas sur ses jambes…

— Cessons de parler de violence, ordonna Mama fermement. Nous sommes dans une maison de paix, pas de guerre !

— Mais nous ne faisons pas la guerre, fit remarquer Galata. Quoiqu'avec la bande de Bérine, c'est tout comme…

— Frapper quelqu'un, peu importe qui ni comment, est un acte de violence ! Il y a d'autres solutions existantes…

— Pas avec les sans-lumières…

— Je ne veux pas le savoir ! s'emporta Mama. Ce ne sont pas des sans-lumières que tu combats demain, que je sache ?

— Oui, Mama…

— Bien ! Alors cessons de parler de cela pour aujourd'hui.

Après le repas, Lailah et Mayt prirent congé pour rentrer chez eux. Galata les accompagna jusqu'au petit portillon qui donnait sur la rue.

— Je suis désolée de la discussion de tout à l'heure, s'excusa-t-elle à ses amis. Mama n'aime pas que je me batte contre des gens…

— Je n'ose imaginer contre des sans-lumières…, soupira Mayt.

— C'est un peu différent contre eux, expliqua-t-elle. Mais elle préférerait que je ne me batte pas du tout.

— Elle a raison tu sais, dit Lailah. Nous sommes tous inquiets quand tu dois te battre.

— Mais non, vous n'avez pas à vous inquiéter pour ça, rassura Galata. Je sais ce que je fais. Je dois juste rester concentrée.

— Mais si tu rencontres quelqu'un de plus fort que toi ? gémit Lailah. Tu imagines ce qui pourrait t'arriver ?

— Oh que oui je l'imagine. C'est pour ça que je m'entraine, pour être plus forte que tout le monde.

— Ça c'est parlé ! dit Mayt en levant le poing. Allez, il faut rentrer maintenant. Bonsoir Galata et merci pour l'invitation.

— Remercie Mama pour ce repas délicieux, ajouta Lailah. A demain, repose-toi bien.

— A demain les amis, salua Galata en secouant le bras en l'air.

Elle rentra dans la maison et vit Mama qui commençait à débarrasser la table.

— Laisse Mama, lui dit-elle. Je vais le faire.

— Comme tu voudras, ma chérie. Tes amis n'habitent pas trop loin, j'espère ? Nous aurions pu les loger pour cette nuit…

— Ne t'inquiète pas pour eux, ils ne sont pas loin d'ici.

Elle bailla fortement en mettant sa main devant sa bouche.

— Je suis exténuée, dit-elle. Je ne vais pas mettre longtemps à m'endormir.

— Mets juste les assiettes dans la machine dans ce cas et vas te coucher. Je m'occuperais du reste demain.

— Bien Mama. Bonne nuit à toi.

Elle l'embrassa sur la joue avant de monter dans sa chambre à l'étage.

— Bonne nuit, ma puce à demain.

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