Chapitre 9 : Traverser la chair.
Entrant dans l'immeuble où tout avait commencé, il se souvenait encore de son père. Allait-il pouvoir être sauvé? Bordel. Jamais Etienne n'aurait pu lui dire à quel point il l'aimait. Depuis le départ de sa mère, cet homme pourtant maladroit n'avait cessé d'impressionner son fils. Et pour cela, pas besoin d'avoir la force d'un Titan. Il pensait à Lucie, à Marine, à Louis, et à tous les innocents qui avaient été tué ce jour là à cause de la folie d'un seul homme. Et cet homme, il s'apprêtait à le rencontrer à nouveau, une dernière fois avant la fin, peut-être celle de toutes choses. Il montait pas à pas les escaliers, alors que ses blessures guérissaient d'elles-même. Il finissait par atteindre l'étage 10, celui où il avait vu Céline pour la dernière fois. Et comme un spectre, elle lui apparut. Nul ne sait si la folie avait commencé à le ronger, si elle lui était apparue en rêve, ou si elle s'était vraiment présentée à lui. Toujours est-il qu'Etienne la vit, à l'endroit même où il l'avait laissée.
-Il t'attend, Etienne. Il n'attend plus que toi.
Un monstre. C'était maintenant ce qu'était Etienne, il avait refusé d'appartenir au monde des hommes. Pourtant, lorsqu'il la vit, Wendigo redevint Etienne. Celui qui aimait. Et alors qu'il s'approchait d'elle, cette dernière fit de même, avant que les deux amants ne viennent à s'embrasser tous deux. Cet instant doux, chaud, d'amour et de volupté semblait avoir duré des heures pour Etienne. Il saisit alors sa partenaire par les hanches avant de commencer à se dévêtir. A la dévêtir. Après cela, ce fut en torrent d'amour, de puissante virilité et de magnifique féminité. Il lui semblait qu'il l'avait emmené avec elle dans l'autre monde, celui qu'il était le seul à percevoir. Ils restèrent allongés côte à côté, sans un mot, jusqu'à ce que Céline ne l'interrompe.
-Etienne, sauve-les à présent, dit-elle froidement.
Et puis, le rêve s'éteint. Etienne était seul. Non, il ne l'avait pas rêvée ? Si ? Toujours est-il qu'il était venu ici pour une bonne raison, et qu'il allait enfin mettre un terme aux agissements de celui qu'on appelait Louis Gatignol. Il entra dans la pièce et le découvrit, alors qu'il contemplait les ravages qu'il avait accompli.
-N'est-ce pas magnifique, Etienne ? Les hommes brûlent, les hommes brûlent enfin pour leurs péchés, justice est rendue.
-Pourquoi ? Pourquoi est-ce que vous avez fait ça ? Pourquoi avez-vous créé des Titans ? Vous êtes allé jusqu'à endoctriner votre neveu, peut-être même toute votre famille.
-Il n'y avait pas d'autre issue.
-D'issue pour quoi ? Quelle issue peut représenter un tel massacre ? Hurla-t-il
-Pourquoi? Mais pour les punir bien sûr. N'est-ce pas pour ça que tu es ici, me punir ? Le monde est d'une cruauté sans pareille, je ne fais que libérer l'humanité de son propre joug. Je pensais que tu comprendrais Etienne. Tu les vois, toi aussi. Tu les vois se battre. Tu les vois ignorer. Tu les vois mépriser. Je sais que tu les a vu, c'est pour ça que je t'ai choisi. Cette humanité pourrie est vouée à disparaître, je n'ai fait qu'accélerer le châtiment des pêcheurs.
- Gatignol, dites-moi comment arrêter les titans, et nous pourrons trouver un accord. Il doit sûrement y avoir un autre moyen de changer l'humanité sans la détruire. Regardez autour de vous Gatignol, il n'y a pas que haine et péché dans ce monde, certains le font avancer vers le bon côté. Vous pourriez être l'un d'entre eux, alors cessez cette folie, je vous en prie.
-Je regrette, mais une fois créés, les titans ne peuvent retourner à leur état d'origine.
En cet instant, un titan sortit de derrière l'une des étagères. Un grand titan aux bois de cerfs: Georges.
-C'est en quelque sorte notre état primaire. Notre vraie nature. Regarde comme l'homme peut devenir monstrueux. Même l'homme le plus aimable et raisonnable peut se transformer en une immonde créature assoiffée de sang.
Le titan était pieds et poings liés, il ne regardait pas Etienne agressivement, mais semblait plutôt désolé de ce qui arrivait.
-Qu'avez-vous fait, Louis...? Qu'avez-vous fait...? dit-il en serrant les poings
-Ne t'en fais pas, comme tous les autres, je lui rendrais sa liberté, dit-il en sortant une arme à feu de sous son bureau.
-Non, Louis, ne faites pas ça.
Il tira alors un violent coup de feu dans la tête du Titan, qui alla s'écraser sur le sol. C'en était fini de Georges Gaillard. Le coeur d'Etienne cessa de battre un instant. Il ne réalisait pas que cet homme venait de supprimer une vie, celle de son père, sans aucun remord ni état d'âme.
-Tu l'as tué...
Gatignol souriait, se préparant à expliquer son plan, et toutes les motivations qui l’avaient poussé à créer ce monde.
-Non, je lui ai simplement...
Etienne, fou de rage et dont la voix devenant éxtrêmement grave et caverneuse venait de sauter sur Louis avant de lui asséner un violent coup de poing.
-TU L'AS TUE ! hurla-t-il du plus profond de ses entrailles avant d'envoyer un nouveau coup de poing qui vint transpercer le torse du vieil homme.
-ASSASSIN ! MEURTRIER ! Hurlait-il à pleins poumouns, alors qu'il rouait de coups son adversaire qui devenait vite un tas de chair difforme.
-MONSTRE ! MONSTRE ! MONSTRE ! MONSTRE !
Et puis, plus un son. Plus une parole. Le vent lui même n'osait plus souffler au sommet de la grande tour grisâtre.
Longtemps après on parla des titans, et de la mort mystérieuse de Louis Gatignol, président de DireCo. Les Titans disparurent peu à peu en quelques jours, retrouvés pour la plupart décapités. Pour ce qui est d'Etienne, il disparut complètement juste après cet épisode et compta officiellement parmi les victimes. Lucie retrouva ses parents qui pleurèrent longtemps la mort de leur frère et de leur neveu. Cette dernière se remit à écrire, lueur d'espoir, car elle savait que quelque part dans ce monde, d'autres forces maléfiques étaient à l'oeuvre.
Que le monde dans lequel elle vivait était désormais un terrain hostile dans lequel il faudrait se battre pour survivre. Mais elle savait aussi qu'un homme se lèverait contre ces forces. Un homme rêvetissant la tenue du Shaman, portant un crâne de cerf sur la tête. Elle savait que quelque part, Etienne la protégeait encore, elle savait que le monde était maintenant sous la tutelle du Wendigo.
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