Chapitre 3
Marielle ouvre la bouche pour puiser de l'air, exhale un profond soupir. Elle est sur le point de succomber aux piquantes tentations du plaisir qui s'insinue là où l'homme intervient avec douceur et assurance :
- « Voilà... c'est très bien ainsi... laissez-vous faire... ça va ? »
- « Oui. » Réussit-elle à lui répondre, dans une expiration haletante, qu'il aurait pu prendre pour un râle.
- « On continue ? »
- « oui... » En sa réponse, elle aimerait bien ne pas tenir compte de l'éventualité d'une question à double sens, mais dans quelle voie, en vérité, vient-elle de l'autoriser à continuer ?
Les éclairs se raréfient, ainsi que les coups de tonnerre. Le vent et la pluie, par contre, poursuivent leur sérénade, distribuant des gifles crépitantes sur les vitres. La clair-obscur règne toujours dans la pièce.
Doucement, sans à-coups, il retire la main plaquée dans le dos de Marielle. Elle lui facilite la manœuvre en se cambrant. Au cours de cette lente retraite, deux doigts suivent la colonne sacrée, s'attardent sur le coccyx, tandis que les autres, largement écartés, s'enfoncent dans la partie charnue des fesses, à la recherche des os du bassin. Elle halète. Sa respiration devient de plus en plus saccadée, sa poitrine se soulève et s'abaisse à un rythme accéléré. Un râle s'échappe de sa bouche entrouverte. Elle se passe la langue sur les lèvres et remue, à plusieurs reprises, la tête en un mouvement pendulaire.
Enfin, il se redresse, recule d'un pas et contemple ce corps qui l'incite à passer outre le registre professionnel, à Franchir le Rubicon. Il contourne la table de manipulations, se place derrière sa patiente, lui touche le cuir chevelu dans un geste qui s'apparente plus à un massage qu'à un exercice d'ostéopathie crânienne.
Les mains abandonnent la tête pour se poser sur les épaules de Marielle, vont se rejoindre au niveau du sternum en évitant ostensiblement les seins, dont les pointes se tendent et se durcissent à l'extrême. La jeune femme n'en peut plus. Elle sent mouiller son sexe au point de laisser des traces visibles sur le slip. Recevant ces attouchements comme autant de préliminaires à l'acte sexuel, elle ignore encore tout des intentions de celui qu'elle a, presque malgré elle, choisi comme partenaire. Elle ne peut ni lui demander de passer à l'acte ni imaginer qu'il n'ait pas un désir réciproque.
L'orage faiblit, le vent s'est calmé, la pluie reste maintenant seule en lice. Quelque part retentit la sirène d'une voiture de pompiers.
- « Mettez-vous à plat ventre. » Sur le coup Marielle n'a pas de réaction. Il doit répéter son injonction d'une voix plus assurée et plus forte. Dans le timbre de sa voix, elle croit percevoir certaines tonalités un peu rauques. Elle se retourne pour s'allonger à plat-ventre ainsi qu'il le lui a demandé, un côté du visage posé sur le divan, les bras repliés au-dessus de la tête et les jambes se touchant.
« Cette position-là sort du cadre habituel des séances ». Avant qu'elle ne fixe vraiment cette pensée dans son esprit et qu'elle n'en tire des conclusions, deux mains chaudes et humides lui caressent les épaules. Ce contact est déjà une jouissance. Les mains se déplacent doucement en balayant toute la surface du dos, puis les pouces suivent les vertèbres, tandis que les doigts glissent sur les côtés sur les flancs. Les paumes poussent alors la progression jusqu'au sommet des fesses, les doigts se faufilant jusqu'aux plis de l'aine. Marielle réagit instinctivement par un mouvement d'élévation du bassin qui la conduit à écarter les cuisses. Elle offre ainsi spontanément son sexe à l'aventure, s'adonne sans équivoque au bon plaisir d'un inconnu qui, avec l'aide de l'orage, a fait disjoncter les circuits de sa volonté.
Au-dehors les éléments se sont apaisés. Elle éprouve une sorte de bien-être intérieur. Le ruissellement de la pluie lui procure à présent un confort supplémentaire. Le temps vient de suspendre son vol. Soudain, comme pour jouer avec son anxiété, une assourdissante déflagration claque dans le ciel et ébranle l'immeuble. La foudre n'est pas tombée loin. On atteint la queue de l'orage, Marielle se sent à nouveau oppressée.
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