Maman

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Monsieur Binsse avait oublié son ordinateur portable au magasin. Il décida de faire un crochet par son bureau avant de rentrer chez lui. Le réveillon n'en finissait plus et en prenant de l'âge, il avait de plus en plus de mal à supporter la nourriture riche et abondante ingurgitée tout au long de la soirée.

Quand il arriva devant la porte en bois de l'entrepôt, la serrure avait été fracturée et quelqu'un s'était introduit dans le magasin.

Silencieusement, il traversa l'arrière salle du mégastore avant de découvrir ébahi une table dressée contenant des restes de repas de fête. Une multitude de jouets jonchait le sol et dans le traineau, le père noël avait disparu, le magasin était saccagé.

Mais monsieur Binsse n'était pas au bout de ses surprises. À l'étage, il découvrit une minuscule fée, dormant dans un lit à baldaquin. C'était une toute petite fille serrant dans ces bras un lapin en peluche. Que faisait-elle là et surtout, comment avait-elle pu mettre autant de pagaille à elle toute seule ?

Le bruit de ces pas réveillèrent l'enfant qui le regarda avec de grands yeux tout ronds.

- Il est où le père noël ?

- Je ne sais pas, je ne l'ai pas vu.

- Tu es qui alors toi ?

- Je suis le directeur du magasin.

- Ha ! C'est à toi tout ça ?

- Oui.

- Tu en as de la chance ! Il y a tant de choses ici .

- Et toi, qu'est-ce que tu fais là ?

- Je me suis perdue dans la neige, le père noël m'a retrouvé et m'a emmené ici. On a passé une super soirée. Il est très sympa le père noël.

- Où sont tes parents ?

- Ma maman est à son bureau.

- Je ne crois pas, non. Tu sais il est vraiment très tard. Je pense plutôt qu'elle doit terriblement s'inquiéter. Je vais devoir l'appeler pour qu'elle vienne te chercher. Ce n'est pas autorisé de dormir là. Tu connais son numéro de téléphone ?

- Non.

- Je vais contacter le commissariat, ils doivent te chercher partout.

Quelques heures plus tard, deux agents de police suivis d'une jeune femme s'engouffrèrent dans le magasin, faisant virevolter la neige sous leurs chaussures.

Maya se précipita dans les bras de sa mère, heureuse de la retrouver.

- Ma chérie, qu'est-ce qui t'a pris de quitter l'école toute seule et de sortir dans cette tempête ? J'ai eu si peur.

- C'est parce que Valerian n'est pas venu me chercher, j'étais la dernière à l'école et je voulais rentrer.

- Valerian a eu un accident, il a glissé sur le trottoir et s'est fracturé la cheville. Actuellement, il est aux urgences à l'hôpital. Il a appelé ton institutrice qui devait te ramener à la maison. Mais quand elle est revenue dans la classe, tu n'imagines pas la terreur qu'elle a éprouvé lorsqu'elle s'est aperçue de ton absence. J'ai passé la pire soirée de ma vie et elle encore plus.

- Pardon maman, souffla Maya dans un murmure.

- Et toi, comment es-tu arrivée là ?

- C'est le père noël qui m'a trouvé dans la neige. Nous sommes arrivés en traineau avec ses rennes, en passant par la cheminée. Mais ça, je ne m’en souviens plus très bien.

- Le père noël ?

- Oui, tu sais bien le monsieur avec une grande barbe blanche, des habits rouges et des bottes noires. Regarde, il a même laissé ce cadeau pour moi.

La fillette saisit le paquet sur lequel était inscrit son nom, c'était un de ceux qu'elle avait vu dans le traineau qui décorait le magasin.

Le papier avait été décollé puis remis maladroitement.

- Madame, l’interrompit le policier, j’aimerai vous parler un instant.

Pendant que sa mère suivait l’homme dans l’entrepôt, Maya déchira le papier pour découvrir son cadeau.

- Votre fille n'était pas seule ce soir dans le magasin, nous avons trouvé cette trousse à outils à côté de la porte fracturée. Et sur la table, le couvert était mis pour deux personnes. Notre équipe de la police scientifique doit arriver d’une minute à l’autre afin de faire des relevés et les comparer à notre Fichier Automatisé des Empreintes Digitales. Ne vous inquiétez pas, nous retrouverons rapidement cet homme.

- Je ne pense pas qu’il ait fait de mal à ma fille, je crois plutôt qu’il lui a sauvé la vie.

- Quoi qu’il ait fait, cela ne lui donnait pas le droit de saccager le magasin. Nous allons le coincer ce salaud.

La jeune femme semblait pensive lorsqu'elle rejoint Maya assise au bord du lit.

- Maman, regarde ce que le père noël m'a offert. Elle est belle, tu ne trouves pas ?

La fillette tenait à la main une veilleuse en forme de petit chien endormi. C'était un objet usé, patiné par le temps. Il avait dû appartenir à un jeune enfant plusieurs années auparavant.

- Oui, répondit la jeune femme d'un air distrait. Je crois que nous devons retrouver ton père noël.

- Mais, ce n'est pas possible, il a fini son travail pour cette année, pour le chercher, nous devrons aller au pôle Nord.

- Je t'assure ma chérie, ce ne sera pas la peine. Je dois aussi parler à monsieur Binsse.

Le directeur fut compréhensif et ne porta pas plainte. Le magasin était juste en désordre et la jeune maman proposa de payer les aliments consommés, le costume de père noël dérobé au mannequin du traineau et la serrure fracturée.

Maya dressa un « portrait robot » du père noël en choisissant avec soin un rouge vif pour les habits et le bonnet.

Elle joignit au dessin le message suivant :

« Cher père noël, j'ai vraiment passé une super soirée avec toi. Maman voudrait te remercier pour m'avoir sauvé la vie. Je mets notre numéro de téléphone. Appelle-nous. A très bientôt.

Maya »

Puis avec l'aide de sa mère, la fillette posa des centaines de ces affiches aux quatre coins de la ville.

La première semaine, le téléphone n'arrêta pas de sonner, tout le monde avait vu l'individu recherché, dans un bus, dans un train, au cinéma… Certains affirmèrent que c'était eux qui avaient sauvé la fillette.

Mais chaque rencontre avec ces imposteurs augmentait la déception de l’enfant.

Je ne le retrouverais jamais fini-t-elle par se lamenter en se confiant à sa mère.

Les jours passèrent sans que la bonne nouvelle attendue n'arrive.

Les policiers avaient comparé les empreintes relevées dans le magasin à celles du fichier informatique et mis un nom sur l’homme recherché. Il s'agissait d’Henri Coutela, un repris de justice, au casier judiciaire bien rempli. Il avait été arrêté pour vol avec effraction, recel, enlèvement avec séquestration d'un mineur de moins de quinze ans. Il avait fait plusieurs années de prison avant d'être libéré au début du mois de décembre.

À la lecture des méfaits commis par le sauveur de sa fille, la jeune maman blêmit. Mais quelque chose ne collait pas.

- Je peux lire son dossier ? demanda-t-elle au policier, je suis avocate, voici ma carte.

L'homme tendit une pochette à la jeune femme.

Le dossier contenait des dépositions et divers avis de psychiatres.

La vie n'avait pas été tendre pour Henri Coutela, accusé de vol avec effraction sans vraiment de preuves tangibles, il avait perdu sa femme puis la garde de sa fille, Nathalia alors âgée de de six ans.

Henri, qui adorait son enfant avait commis l’irréparable. Il avait enlevé la fillette, confiée à une famille d'accueil, à sa sortie de l'école.

La police avait vite rattrapé le fugitif dans une fête foraine où l'homme avait emmené son enfant.

Henri avait fait de la prison, perdu son emploi puis ça avait été pour lui, la descente aux enfers, l’alcool, les petits larcins, la prison plusieurs fois.

La jeune avocate compris rapidement à la lecture du dossier qu’Henri était innocent, cela crevait les yeux. Elle se promit de le retrouver, même si elle devait ratisser toute la ville pour y arriver.

Puis, à la fin du mois de décembre, un soir de pluie, au détour d'un chemin, alors qu’elle rentrait avec Maya d'un restaurant où elles venaient de passer une soirée festive. Elles le virent, assis sous un porche, il portait un habit de père noël, défraichi, élimé par le temps, décoloré par le soleil.

Le destin venait à nouveau d'entremêler les fils de leurs vies. Parfois, les événements se déroulent mystérieusement, avec un sens caché au commun des mortels.

Mais la fillette l'avait reconnu, sans réfléchir, elle se précipita dans ses bras, surprenant le vieil homme qui n'attendait plus rien de la vie.

- Père noël ! Pourquoi ne m'as-tu pas appelé ?

Henri ne reconnu pas immédiatement l'enfant, il eu un mouvement de surprise.

- Maya ?

- Oooooooouuuuuuuuuuiiiiiiiii !

- Bonsoir, Merci pour avoir sauvé la vie de ma fille…Papa.

- Papa ?

- Papa ?

Maya et le Veil homme s’étaient exclamés en même temps.

- Oui, je suis Nathalia, j'ai reconnu la veilleuse que tu as offerte à Maya, elle m'appartenait quand j'étais enfant. Je ne peux pas te laisser plus longtemps dans la rue, tu es quelqu'un de bien pour avoir sauvé ma fille, tu ne mérites pas ce qu'il t'arrive.

- Nathalia ! S'exclama Henry, sa voix tremblait d'émotion.

Des larmes roulèrent le long de ses joues, torrent de joie et de frustration longtemps retenues. Creusant un sillon dans la crasse de son visage buriné.

La pluie se transforma en flocons de neige qui tourbillonnèrent doucement avant de se poser sur son bonnet de coton. Maya leva la tête pour admirer la neige, cadeau inattendu en cette fin cette période de l'année. Dans le ciel, éclairé par la pleine lune elle aperçut un traineau emporté par des rennes. A l'intérieur, un vieil homme tout de rouge vêtu lui adressait un petit signe de la main. C'était le père noël ! Maya se frotta les yeux, elle ne rêvait pas, c'était bien lui !

- Maman, maman, maman !

- Oui, qu'est-ce qu'il y a ma chérie ?

- Regarde dans le ciel, là-bas

- Quoi ?

Mais quand la jeune femme regarda dans la direction indiquée, il n’y avait que la lune, dardant ses rayons argentés sur la ville endormie.

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