Nouveau rendez-vous
Cela faisait maintenant deux mois qu’Aurore avait eu sa première expérience d’escort. Depuis elle n’avait pas voulu confirmer de nouvelles rencontres. Elle gardait en mémoire les conseils que Jean lui avait donnés en fin de soirée.
De la somme gagnée ce soir-là, il ne restait plus rien. Aujourd’hui, son compte bancaire se trouvait, à nouveau à découvert. Il devenait urgent d’accepter une nouvelle rencontre.
Elle ouvrit son ordinateur et se connecta au site. Quelle ne fut pas sa surprise de constater que sa messagerie contenait de nombreuses demandes de rendez-vous, mais aucun n'émanait de Jean.
En parcourant les diverses sollicitations, l’une d’entre elle retint son attention : « Je recherche une accompagnatrice pour un dîner d’affaires, vital pour ma société. Physiquement vous correspondez au profil que je désire. De plus, la personne doit être en capacité de tenir une conversation. Vu votre cursus universitaire, je pense que vous êtes l'escort qu'il me faut. Si vous acceptez, prière de me contacter très rapidement. Jacques Dupieu. »
Elle pouvait espérer la somme de six cents euros pour cette prestation qui consistait en un dîner qui se déroulerait le lendemain soir. L’homme souhaitait sa présence de dix-neuf heures à vingt-trois heures.
Elle restait songeuse, l’annonce ne mentionnait aucun jeu sexuel, le terme accompagnatrice et la formulation des attentes du client étaient claires ; il voulait uniquement être accompagné lors de ce dîner. Aurore valida la demande.
Après quelques échanges de mails, l’homme lui donna rendez-vous dans un grand hôtel parisien du huitième arrondissement, pour dix-neuf heures précises. Ils définiraient alors la stratégie à adopter au cours de la soirée.
Aucune exigence vestimentaire n'était requise, si ce n’est : « tenue élégante et féminine, je vous fais confiance. Pantalon proscrit. »
Le lendemain soir, elle se prépara avec soins, elle avait trouvé une robe fourreau de couleur mauve pourpre à fines bretelles avec un boléro en mousseline noire. Une paire d’escarpins finissaient de la mettre en valeur.
Elle descendit de chez elle, son taxi l’attendait en bas de l’immeuble. Direction, le huitième arrondissement.
Arrivée à destination, elle pénétra dans le hall de l’hôtel et se dirigea vers la réception, où une jeune femme l’accueillit.
– Bonsoir madame, je suis attendue au « salon Baudelaire ». Annoncez Lucie s’il vous plaît.
La réceptionniste la dévisagea puis prit le téléphone et prévint son correspondant
– S'il vous plaît, Monsieur Dupieu vous attend.
Aurore suivit la personne à travers un long couloir. Au bout de quelques mètres, la réceptionniste s’arrêta devant une superbe porte en chêne, finement sculptée sur laquelle une plaque en cuivre était apposée, on pouvait y lire : « salon Baudelaire ».
Les soubresauts du cœur d’Aurore étaient visibles sous sa robe, elle se sentait défaillir. La réceptionniste frappa. À l’intérieur, une voix grave lui intima l'ordre d'entrer.
La réceptionniste s'exécuta.
Les jambes d'Aurore flageolaient, elle pénétra dans le salon et entendit derrière elle, le bruit sourd de la porte que l’on referme.
Un homme se dirigea vers elle à grands pas.
– Bonsoir Lucie, je me présente Jacques Dupieu, je vous en prie, asseyez-vous.
Il lui tendit un fauteuil et entra dans le vif du sujet, en lui expliquant avec précisions, ce qu'il attendait d'elle lors de ce dîner :
– Si ce soir j’ai fait appel à vous, c’est qu’il est vital pour ma société que je conclue, avec les représentants de la firme japonaise avec lesquels nous allons dîner, un contrat à plusieurs millions d’euros. Je vous préviens, les discussions vont être âpres, et rudes, aussi ai-je besoin d’une présence féminine, et charmante de surcroit, pour détendre l’atmosphère et alléger la conversation. Le dîner rassemblera six convives donc cinq hommes, moi compris. Vous interviendrez lorsque je vous ferai discrètement signe.
Jacques Dupieu devait avoir la cinquantaine, mesurait, environ un mètre quatre-vingt, svelte et d’allure sportive, le cheveu poivre et sel, des yeux azur. Elle remarqua aussitôt qu’il ne portait pas d’alliance. Il était vêtu d’un costume gris foncé d'un grand couturier fait sur mesure, d’une chemise bleu pâle, une cravate gris perle harmonisait l’ensemble. À la première vision, c’était tout à fait le genre d’homme qui physiquement plaisait à Aurore et pour lequel elle succombait, il le ressentit immédiatement.
Elle l’écoutait avec attention car elle souhaitait être à la hauteur des attentes de Dupieu. Lorsque ce dernier eut terminé ses explications, il lui demanda :
– Vous sentez-vous capable de m’assister selon ce que je viens de vous indiquer ? Vous savez, ce contrat est important pour moi, j’ai vraiment besoin de vous.
Elle comprenait les enjeux qui allaient se jouer autour de cette table, elle ferait de son mieux.
– Oui, ne vous inquiétez pas, je serai à la hauteur, répondit-elle d’un ton assuré.
– Bon, alors filons, je finirai de vous coacher dans le taxi, je ne veux pas que nous soyons en retard.
Il l’aida à remettre son manteau et ils sortirent du salon. Au bas de l’hôtel, un véhicule les attendait. Jacques Dupieu indiqua au chauffeur l’adresse d’un restaurant parisien du premier arrondissement. De nouveau, Aurore partait vers son destin.
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