14. Question existentielle
Depuis quelque temps, le doute emplissait l’esprit du Père Gabriel et l’amertume imprégnait son cœur. Ils devraient reprendre leur route dans deux jours. Juste le temps pour lui de régler les préparatifs avant ce nouveau départ, qui faisait écho avec celui du couvent. Les mêmes doutes, les mêmes questions, les mêmes peurs. Cette fois-ci néanmoins, il ne pouvait se rasséréner avec la pensée d'offrir une possibilité meilleure à Lilith. Il le savait, c’était faux.
Cependant, l’omniprésence de l'enfant l’empêchait de réfléchir avec discernement. Il projeta de passer la journée, seul, en ville afin de retrouver le calme à l’écart de cette ruche pleine de vie qui était loin de son habituelle solitude religieuse, déjà bousculée par l’arrivée de la petite.
Il dédia la matinée à organiser le réapprovisionnement pour le reste du voyage. Quand le soleil se trouva à son zénith, il se posa pour manger et entama les réflexions qu’il avait jusqu’ici repoussées à plus tard : Lilith.
Il fallait prendre une décision et celle-ci influencera le reste de la vie de l’enfant. Essayant de réprimer son attachement, il laissa revenir à son esprit une pensée qu’il avait éloignée à l’instant même où elle lui avait effleuré l’esprit ; laisser Lilith avec la famille, au bon soin de Ronan et Katelle. Il passa en revue tous les aspects de la question. Il était évident qu’ils sauraient l’élever et prendre soin d’elle ; ils n’en n'étaient pas à leur premier enfant, contrairement à lui. La question financière ne représentait pas un problème non plus, il pouvait les aider si besoin. L’entente entre les enfants ne posait aucun doute, de même que l’attachement des parents envers Lilith. Mais l’éducation de Lilith, qui s’en chargerait ? L’école de la ville, bien entendu ! Cette question n’avait aucun sens.
Comprenant tout à coup qu’il cherchait, non pas à savoir quelle décision était à prendre, mais comment l’éviter, il referma son cœur.
Demain, il parlerait à Lilith.
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