40. Introversion
« Une démone ». Le mot, planté dans son cœur, retentissait encore à ses oreilles. Elle tenta de fuir. Fuir cette réalité par trop douloureuse. Fuir ces paroles qui la prenaient en étau, lui ôtant le souffle. Fuir, peu importe où. Elle sortit de ce camp qui l’étouffait, laissant ses jambes l’emmener loin de son échafaud, l’enfonçant toujours plus dans les bras protecteurs de la nuit qui cachaient ses larmes brûlantes et restaient les seuls témoins de son passage douloureux. Les jambes fatiguées, les pieds écorchés, Lilith tomba à terre et rendit les armes. Laissant sa peine s’emparer d’elle, elle se recroquevilla, luttant contre le froid qui lui brûlait la peau. Luttant contre les souvenirs qui s’imposaient à sa mémoire. En vain.
Il y avait eu cet évènement tragique qui avait fait grand bruit dans le couvent. On avait porté un nourrisson dont la mère venait de mourir en couche. Il avait été confié aux sœurs en attendant que la famille fasse le voyage pour le chercher. En hommage à la femme qui l’avait porté, le couffin fut baptisé du même nom. Cette tragédie, en écho à son propre sort, avait profondément marqué Lilith. Elle avait un jour osé demander à la Mère supérieure si elle aussi portait le prénom de sa mère. Ce jour, elle le garderait à jamais dans sa mémoire. La Mère supérieure avait déversé sur elle toute sa rancœur, sa colère et sa haine. Le venin, insufflé par ses paroles, était remonté des veines à son cœur.
"Tu crois que c’est ta mère qui s’est donnée la peine de te donner un nom. Tu es bien naïve mon enfant. C’est moi qui te l’ai donné. Parce que c’est ce que tu es. Lilith, la démone ! Ta mère, elle, ne t’a pas laissé grand-chose. Seulement les yeux pour pleurer."
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