Chapitre 2 : Atterrissage

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C’était un jour banal, quelques parts sur la face cachée de la Lune, au cœur de Noctapolis. La ville où le jour ne se lève jamais, là où la débauche et la norme et l’anonymat presque une religion, pour les locaux comme pour les touristes. Mais pas pour tous.

Effectivement, cette nuit-là, un vaisseau de transport urbain qui frôlait les gratte-ciels détenait un bien étrange personnage. Si la plupart des passagers regardaient par les fenêtres du véhicule les paysages urbains recouvert d’affichage publicitaire holographique et de décoration aux couleurs vive et agressive, ce n’était pas son cas. Non, pour ce passager, le « sol » du vaisseau était la seule chose qu’il pouvait fixer. Il n’était pas téméraire, son cerveau et son estomac s’était mis d’accord sur le fait qu’au moindre mouvement brusque, il recracherait ce qu’il avait avalé ce matin.

La descente du vaisseau était ce qu’il détestait le plus. Bon, ça restait supportable même s’il était tout crisper sur son siège et suait à grosse goutte, cela n’avait rien à voir avec les spatioports. Parce que là-bas si on ne l’endormait avant le voyage il s’évanouissait dès le début.

Puis qu’elle idée d’aller dans l’espace ?

Franchement, il se serait bien passé de ça. Après avoir traversé la moitié du système solaire, il était sûr d’être constipé pour un bon moment.

L’atterrissage le libéra de sa phobie et il put se calmer en sentant que le vaisseau touchait terre ferme. Les portes blindées de la carlingue s’ouvrirent sous un crissement mécanique et déroulant bien vite devant la sortie une rampe de descente. Après avoir repris son souffle, l’étranger se leva et suivit le courant des autres passagers. Une fois sur terre ferme, il sentit la familière sensation de soulagement l’envahir.

Le voyageur tapota les poches de son manteau à la recherche de ses cigarettes, en sortant son paquet, il remarqua à quel point celui-ci était léger : seul une douzaine de bâtonnets cylindriques se tenait là. Intérieurement, il hésita à en fumer une... Et puis merde, ça fera peut-être partir ce goût de bile acide coincé dans sa gorge.

Il sortit l’une des cigarettes et la plia en deux, le bâtonnet émit une couleur rouge grenat et après quelques secondes le bout de sa clope s’alluma, dégageant une légère fumée. Une longue bouffée plus tard et l’harmonie fut restaurée.

Noctapolis n’avait pas changé, ce n’était pas sa première fois ici. Si cela avait été le cas, les couleurs, les bruits et même les odeurs agressives de la ville l’auraient grandement perturbé. D’ici, il pouvait voir non loin les quelques passants qui venaient de prendre le même bus aérien que lui, le visage tournait vers le ciel pour observer la vie de la ville. De parfaits pigeons : ça se voyait rien qu’à leur figure qu’ils étaient totalement perdus, le genre de personnes qui dans moins de vingt-quatre heures seront dépouillées soit par des larcins soit par des escroqueries.

Mais bon, ça, ce n’était pas son problème.

Son problème, c’était de régler son affaire ici le plus vite possible, retourner chez lui, se poser dans le bar de son ami Stan, rajouter une commande à son ardoise et mater la finale de la coupe solaire.

« Pour une fois que les Mercuriens sont qualifiés en plus… fallait vraiment que le boss m’envoie ici.

L’étranger grommela, il se rappela très bien pourquoi il l’avait envoyé, mais n’approuvait pas du tout. En marchant, il repensa avec quel banalité le chef l’avait envoyé à presque trois planètes de chez lui.

Bon, la Lune, cela aurait bien pu être Neptune ou Pluton, et ici ça ne pue pas l’hydrocarbure même dans les toilettes comme sur Titan. Mais pour avoir vécu la grande partie de sa vie sous terre, la vision du ciel le perturbera toujours.

Franchement, il ne savait pas ce que les gens pouvaient trouver aux étoiles.

La vue d’une femme nue le ramena à la réalité. Jeune, assez petite, la peau noire comme lui mais plus proche du café au lait dans son cas. Son visage aurait pu être beau, si elle n’avait pas un nez crochu ni des lèvres gercées. À peine adulte mais pleine d’entrain, elle lança un sourire aguicheur au touriste et se lança sur lui, l’enlaçant sa vergogne.

  • Salut mon coquin. T’as envie de t’amuser ?

Il arqua un sourcil et repoussa légèrement la travailleuse, celle-ci le regarda avec incompréhension.

  • Gamine, tu dois avoir le même âge que ma fille, trouves quelqu’un d’autres pour te payer.

Sous son refus brut, elle tourna les talons pour partir, mais il la retenue par le bras.

  • Et rend moi mon portefeuille.

La dame fit mine d’innocence néanmoinsle regard inquisiteur de l’homme qui la toisait n’était pas dupe. Elle soupira et passa sa main dans sa culotte, en sortant le portefeuille marron volait.

  • Gracieux. Grommela-t-il en récupérant son bien, mimant une grimace de dégoût.
  • Bon si t’es pas là pour consommer mais pour te foutre de moi, tu peux repartir. Ici c’est le quartier rose papy. Rétorqua la jeune femme, croisant les bras de manière défensive.
  • Je sais très bien où je suis, gamine, je recherche l’hôtel qui s’appelle la « bergerie », tu travail pas pour ce bordel par hasard ?

Elle plissa les yeux et ne répondit pas. Peut-être car elle trouvait bizarre qu’un étranger connaisse le nom d’un bordel, ou peut être car il lui a demandé si elle y travaillait alors que les filles là-bas ne bossent pas en pleine aire. Elle hocha les épaules, évasive.

  • Peut-être que oui, peut-être que non. Et puis qu’est-ce que tu peux bien vouloir y faire là-bas ? Ils prennent qu’une clientèle pleine aux as.
  • Et alors ?
  • Et alors t’es habillé comme un clodo et t’as des grosses poches sous les yeux. T'aurais pas dormi dehors.

Le ton incisif de son interlocutrice l’agaça mais il ne répliqua pas. Sa fille l’adorerait. Enfin elle avait surement raison, deux semaines dans l’espace à dormir quatre heures par nuit. Il devait être plus proche d’un cadavre ambulant que de ses vingt ans.

  • Bref, petite, t’as l’air très sympathique mais il faut que je sache où c’est cette… bergerie. Tu dois bien savoir où c’est.

Elle posa son menton entre ses doigts, l’aire pensive. Soudain, une idée lui traversa l’esprit et elle se mit à sourire.

  • D’accord, mais je veux ton paquet de cigarette. Réclama la jeune femme, pointant du doigt la poche du blouson de l’inconnue.
  • Non
  • C’est ça ou je ne dirai rien et ne penses pas que mes collègues te demanderont moins que moi ou que les touristes t'aiguilleront.

La remarque était pertinente, il réfléchit un instant et reprit.

  • Une cigarette.
  • Deux. Négocia-t-elle.
  • Une et pas plus, ce sont des mercuriennes.

Ce simple mot sembla la convaincre car elle tendit sa main. Il regarda sa main tendue avec indécision, mais finit par donner à contrecœur l’une de ses précieuses cigarette en faisant la moue. En voyant cette femmes craquer la cigarette de ses ongles longs il regrettait déjà sa décision.

  • Merci papy ! S’exclama-t-elle triomphante
  • Ouais, bon dis moi vers où ça se trouve avant que je regrette.
  • Oui tout de suite ! Tu dois juste continuer…
  • Hé toi! arrête toi ! S’écria une voix derrière eux.

Les yeux de la prostituée s’écarquillèrent en voyant quelques choses derrière l’épaule de l’étranger.

  • Bon bah, c’était un plaisir mais je dois filer. À plus !

Il n’eut pas le temps de protester que la dame a prit ses jambes à son cou. Habile et rapide, sa tignasse disparut en quelques instants dans la petite foule. Comme si elle s’était volatilisée. À contrario, il pouvait entendre la course bruyante de celui qui avait crié s’approcher. Il s’arrêta à côté de L’homme, et lâcha un soupir exaspéré et passant ses mains dans ses cheveux.

  • Mais où est-ce qu’elle est passée. Et dire que j’étais à deux doigts de l’attraper.
  • Crier de l’autre bout de la rue, ce n’était pas très malin de l’avertir que tu arrivais si tu veux mon avis.

En entendant sa voix, le coureur se retourna, il dévisagea son interlocuteur mais le reconnue en peu de temps, un grand sourire se grava sur sa mine surprise.

  • Inspecteur Iakov ! Quelle surprise j’étais justement à votre recherche.
  • Et, je peux savoir qui tu es ?
  • Sergent Marc à votre service !

À ses mots, il se mit au garde-à-vous face à son ainée. Il en faisait trop, mais bon les jeunots sont toujours les plus optimistes et les plus en forme: un véritable athlète en habits neufs à côté de Iakov au dos courbé.

Pourtant, la nouvelle n’emballa pas Iakov, le quinquagénaire ferma les yeux et se pinça l’arrête du nez. À vrai dire, il n’était pas du genre à travailler en équipe, même à l’agence la plupart ignoraient son nom. Et maintenant il devait se trimballer un bleu avec lui. Étrangement , le visage de l’acolyte lui disait quelques choses.

  • Eh bien, Marc, ce fut un plaisir mais je travaille en solo. Donc tu peux rentrer chez toi, je t’enverrai le rapport une fois l’affaire classé.

Malgré l’attitude fermée de son supérieur, le cadet ne se démonta pas, un sourire optimiste gravant toujours sa face.

  • Le chef de Brigade m’a prévenue que vous diriez ça. Il a aussi affirmé que c’était un ordre.
  • C’est Vincent qui t’envoie ? Il m’aurait prévenue si j’avais un équipier. Rétorqua Iakov, sceptique.
  • Non ce n’est pas lui. Enfin pas directement… C’est mon labo qui m’envoie et le chef a accepté de me mettre sous votre supervision.
  • Ton labo ? Demanda Iakov en plissant les yeux. Attends voir... tu serais pas un clone par hasard ?

Marc déglutit et se gratta l’arrière du crâne nerveusement. D’après le ton de l’inspecteur et ses sourcils froncés, il ne semblait pas ravi de la nouvelle. Cela confirmait bien ce que Vincent lui avait dit : « S’il apprend que tu n'es pas né de deux parents qui se rentrent dedans, alors c’est ton problème s’il ne veut pas travailler avec toi. Et que ton agence ne me fasse pas chier ». Malgré tout, il acquiesça honteusement en baissant les yeux. Iakov secoua la tête négativement et le dépassa tranquillement.

  • Le jour où je travaillerai avec un rat de laboratoire n’est pas encore arrivé. Rentre-toi bien ça dans le crâne et retournes dans ton labo.
  • Je dois vous accompagner. C’est ce que m’a demandé mon créateur.

En entendant la notion de « créateur », Iakov mima une grimace puis cracha hostilement par terre. Même si le clone devant lui devait faire trois têtes de plus que lui, il s’en fichait royalement. Le détective ne travaillerait pas avec autres choses qu'un Humain.

  • Ça c’est pas mon problème. T’as qu’à dire à ton créateur de trouver quelqu’un d’autre pour sa petite expérience. Moi, je suis là pour travailler. Alors maintenant lâche moi la grappe. Termina le détective en partant
  • Mais…
  • Pas de mais avec moi donc déguerpit avant que je m’énerve. Menaça Iakov.
  • Vous allez dans la mauvaise direction détective. L’hôtel se trouve par là.

Marc désigna timidement du doigt la direction opposée, le détective l’observa pour voir s'il mentait, mais le visage du cadet empestait l’honnêteté candide. Finalement, il prit la route que le clone lui indiqua et précisa en le dépassant.

- Me suis pas.

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