Ma fouine
Petit garçon, il provoquait la sympathie des adultes avec sa gueule d'ange. Des traits fins, des cheveux et sourcils épais, presque noirs, des yeux foncés, en forme d'amande, qui vous épiaient. Je le surnommais Petite Fouine à l'époque.
Assise dans ma voiture, je le regardais, amusée, tandis qu'il se pavanait avec fierté, tel un coq au milieu de sa basse-cour, alors qu'il saluait ses amis. Plus précisément ses amies. Quelquefois, le petit copain de l'une d'entre elles se joignait à ce harem qui entourait mon garçon, mais depuis quelques mois, il délaissait les copains, au profit des copines.
C'est son visage halé qui séduisait les adolescentes, car d'une nature discrète et taquine, il jouait de son regard sombre et mystérieux pour gagner leur curiosité et leur fascination. Avides de découvrir ce que cachait cette formidable assurance, elles plongeaient dans ces iris marrons. Et lorsqu'un sourire venait creuser deux fossettes sur ses joues, ses paupières se rapprochaient au point de former un épais trait de charbon.
Que de changement en tout juste un an ! En pleine rencontre sportive, ses yeux plissés ne quittaient pas le ballon, et concentrés, observateurs, ils viraient vivement à droite, à gauche, pour évaluer les risques et les chances au moment de l'action. Lorsque celle-ci se révélait fructueuse, ses paupières s'ouvraient en grand vers le ciel, les iris emplis de joie et de bonheur. Mais lorsqu'il n'obtenait pas l'effet escompté, ses traits se durcissaient et son regard prenait cette teinte sombre marquant la détermination du gagnant.
Un petit quart d'heure plus tard, il prenait place à mes côté, dans la voiture.
- Salut, maman.
- Bonjour, mon chéri. Ta journée s'est bien passée ?
- Oui.
Changement d'attitude. Réponses laconiques, regard fixe, droit devant, indéchiffrable, impénétrable. Je persistai à tenter un dialogue, un échange.
- Tu as eu des notes aujourd'hui ? As-tu des devoirs pour demain ? Que faîtes-vous en sport, en ce moment ?
Je me résignai à n'obtenir qu'un mot à la fois, avec pour seule vision, son profil et le coin de son œil gauche. Je savais que les seuls regards auxquels j'aurai droit ne refléteraient qu'indifférence et transparence, mais j'étais confiante, adulte, ses yeux me reconnaîtraient.
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