...Vincent

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Tout en fredonnant l'air d'une chanson qu'il avait récemment entendu à la radio, Tom nettoyait sa vaisselle, n'ayant pas la chance de posséder un lave-vaisselle pour s'en occuper. Il frottait avec vivacité les assiettes de son éponge moussante, lorsque... il crut voir dans le reflet de la fenêtre qui lui faisait face une ombre passer derrière lui. Il se retourna un instant, mais ne vit rien d'autre que sa petite cuisine, et au sol, sa propre ombre se découpant à la lumière jaune de la pièce. Il ne s'en préoccupa pas plus que cela et se remit au travail : il lui restait encore une grande pile d'assiette, mêlée à des couverts dépassant de ci et de là, et Tom voulait vite en finir avec cette pénible corvée ! De plus, il devait se coucher tôt en raison de la grosse journée de cours qui l'attendait le lendemain.

Sa soirée se déroula ainsi, toujours aussi paisiblement. Lorsque l'étudiant eut enfin fini, il ferma le robinet. Le bruit de cette eau qui coulait en masquait apparemment un autre ; il entendit un grattement régulier et sec venant toujours de derrière lui. Mais, avant même qu'il n'ai eu le temps de faire quoi que soit, le bruit cessa. Tom, toujours devant son évier et les mains encore dégoulinantes d'eau savoneuse, demeura immobile quelque seconde de plus, perplexe. Un frisson le parcourut à la nuque. Pendant un instant, il se sentit épier. Puis il secoua la tête et se reprit. Après tout, il y a toujours des bruits dans les maisons, non ? Il haussa les épaules avec dédain, se moquant de lui-même ("qu'est-ce que je peux être parano !"), et s'essuiya les mains sur le torchon accroché à la poignée de son four.

Il s'apprêtait ensuite à aller se doucher, lorsque son téléphone vibra sur la table du salon. C'était peut-être Louise, la fille dont il était fou amoureux ! Il fallait qu'il aille voir. Mais, il fut aussitôt déçu en s'appercevant que ce n'était qu'un stupide numéro inconnu. "pff ! 'font chier à toujours nous contacter à des heures pareilles, ces maudites publicités à la con...." Cependant, un étrange détail attira son attention : ledit numéro n'avait pas appelé comme ils le faisaient habituellement, mais avait envoyé un message, qui plus est une image ! Intrigué, le jeune homme ne put s'empêcher de déverouiller son téléphone portable afin d'ouvrir ce mystérieux message. D'abord juste agacé, une peur bleue le submergea lorsqu'il vit la photo. Car oui, c'était une photo, et pas n'importe laquelle : sur l'écran de son portable, Tom se vit lui-même dans sa cuisine, haussant les épaule devant son four, s'apprêtant sûrement à se sécher les mains comme il l'avait fait il y a à peine cinq minutes ! Mais sa terreur redoubla d'intensité lorsqu'il vit à quel message était joint la photo :

" - Qu'est-ce que je peux être parano !

- Oui, soit-le, Tom. "

Maintenant gagné par la panique, Tom regarda partout autour de lui, se sentant observé par tous les côtés, tous les recoins. Il essaya malgré tout de garder son calme. Il alla dans sa salle de bain et s'enferma, gardant son téléphone avec lui. Décontenancé par l'horreur de se qui venait d'arriver, il réfléchit tout en analysant l'image : d'où avait été prise la photo ? est-ce depuis l'intérieur ou l'extérieur de chez lui ? Et c'est à ce moment qu'une nouvelle image apparut dans le fil de discussion. Cela sembla tellement iréel aux yeux de Tom qu'il ne comprit pas tout de suite ce qu'il voyait. Un homme aux cheveux noirs et gras, ayant les yeux vide comme des trous et un visage pâle, beaucoup trop pâle pour être normal, semblait s'être pris en photo... dans sa douche ! Oui, il reconnut bien chaque gel douche, chacun parfaitement aligné derrière cet inconnu. Soudain, presque en même temps que le message suivant, une pensée traversa l'esprit de Tom : "c'est le gars chelou de la Fac qui est toujours tout seul, Vincent !". Et, aussi étrange que cela puisse paraître, le message qu'il reçut fut mot pour mot cette pensée. Alors, tétanisé par la peur comme jamais il ne l'avait été dans sa vie, le pauvre étudiant impuissant leva lentement la tête vers sa cabine de douche, légèrement à la droite mais en face de la porte où il était resté collé. Malgré les paroies floutées de la cabine, il distingua sans difficulté la silouhette de Vincent. Ce dernier plaqua tout à coup ses mains et son visage contre la paroie, arrachant son premier cri à Tom.

***

La jeune femme décida de rentrer en cours, étonné de ne pas voir Tom. Certes, lui et elle n'avait jamais parlé de rendez-vous ou quoi que soit, mais elle sentait une bonne alchimie entre eux deux. Elle était exprès arrivée plus tôt à la Fac pour espérer le retrouver, mais il ne semblait pas là.

En cette matinée d'hiver, la ville était encore plongée dans la pénombre, et elle ne distingua pas l'étrange jeune homme qui la suivit dans les couloirs de l'établissement. Pourtant, Louise dut jeter deux ou trois regards en arrière, habitée par le sentiment désagréable d'être observée. C'est alors qu'elle s'arrêta net, entraînant avec elle l'arrêt trop tardif de son suiveur qui la heurta de plein fouet. Dans sa surprise, elle se retourna et s'écria :

- Vincent ! Je ne t'avais pas remarqué !

- Désolé... balbutia-t-il en guise de réponse.

- Oh, ne t'en fait pas pour ça ! le rassura Louise en agitant la mains d'un air de dire "oublions ça". Est-ce que tu aurais vu Tom, par hasard ? ("Non, je ne l'aime pas, il est juste sympa. Je ne m'inquiète pas du tout pour lui, je ne m'inquiète pas...")

- Tom ? fit Vincent d'une voix faussement interrogative. Jamais entendu parler !

- Mais si ! Tu sais : le grand bruns aux yeux verts, ("carrément beau gosse !!") à côté de qui j'étais assise la semaine dernière !?

Mais Vincent ne répondit pas ; son expression faciale d'abord normal se transforma en une véritable haine.

- Vincent ? Est-ce que tu vas bi...

Louise ne put même pas finir sa phrase qu'elle se prit un violent coup de poing au visage.

- Aïe ! Mais enfin qu'est-ce qui te pr...

Un autre coup. Or cette fois du sang gicla de son nez et elle s'effondra au sol.

- Tu veux savoir où il est, ton Tommy chéri ??! Eh bien il est mort, et tu vas subir le même sort, espèce de sale pute !!

Puis des violents coups s'abattirent sur elle à répitions, jusqu'à ce que ses cris cessent de résonner dans l'obscurité du couloir.

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