Chapitre 2
De nos jours
La journée commençait de façon banale. Kiamala et moi étions dans notre café habituel, discutant des personnes que nous allions rencontrer pour le travail. Je n’étais pas pressé de faire ces rencontres, la plupart auront postulé sans connaître réellement leur sujet. Je soupirai en y pensant, intriguant Kiamala. Néanmoins, je n’ai pas eu besoin d’ouvrir la bouche pour qu’elle comprenne pourquoi ce soupir avait franchi mes lèvres.
- Combien de personnes ont postulé? lui demandai-je
- Pas tant que ça. Seulement sept candidatures. Il est possible que nous n’ayons pas tout reçu, auquel cas il y aurait plus de postulants.
Je hochais la tête, déjà désespéré à l’idée de la journée qui m’attendait. Je finis mon café rapidement, avant de me lever et de reboutonner ma veste de costume. Je fis un signe de tête à mon amie, puis je sortis du café pour me rendre au bureau.
Je traversais la ville à pied, croisant des personnes tout aussi bien apprêté que moi, en même temps nous sommes dans le quartier des affaires, lieu le plus chic de la ville. Je ne faisais pas attention où je marchais, téléphone en main pour regarder mes mails. C’est comme ça que je bousculais quelqu’un qui grogna de frustration. Je me tournai vivement et dévisagea la jeune femme. Elle allait sûrement m’insulter mais lorsqu’elle vit que je m’étais arrêter, elle se retint.
- Excusez-moi, j’aurais dû regarder où j’allais. m’excusais-je
- C’est bon, ne vous en faîtes pas, moi-même j’avais la tête ailleurs.
- Passez une bonne journée, lui souhaitais-je.
Elle me regarda, toujours avec cet air étonné avant de partir sans même me remercier. En temps normal cela ne m’aurait rien fait mais à cet instant cela m'agaçait. Elle aurait pu dire merci tout de même.
J’étais toujours en train de pester après cette jeune femme lorsque je rentrais dans mon building. Je passais devant les gars de la sécurité, puis les employés qui gèrent l’accueil pour me diriger vers les ascenseurs. Je montai dans l’un d’entre eux et appuya sur le numéro “66”. Après un petit temps de montée, j’arrivais enfin à l’étage voulu. Je me rendis au bout du corridor pour accéder à mon bureau. Les portes étaient faites d’un verre flouté pour ne pas qu’on ne me voit plus que de raison lorsque je me trouvais à l’intérieur. Mon secrétaire me salua avant de me dire que le premier candidat pour le poste vacant aurait du retard. Je ne répondis pas et passais la porte de mon office. Une fois que je pus me poser sur mon fauteuil, je me laissais choir dessus, déjà terriblement ennuyé et épuisé de la tournure que prenait ma journée.
Finalement, mon premier candidat a eu bien plus de retard que ce qu’il avait dit. Ce qui eut pour conséquence de me rendre de très mauvaise humeur pour le restant de la journée. Les personnes postulant après ce jeune homme ont dû subir ma méchanceté alors qu'elles étaient ponctuelles. Comme l’avait en quelque sorte prédit Kiamala, nous n’avions pas reçu tous les CV, ainsi au lieu d’avoir sept entretiens, j’en avais une dizaine. Dans toutes ces personnes, je retrouvais toutes sortes de profils différents. Des jeunes personnes tout juste diplômées ou alors des personnes proches de la retraite. En revanche, personne ne convenait pour le job demandé. Il ne me restait plus qu’un entretien. Une dénommée Layah Greyson. Nous avions rendez-vous dans dix minutes lorsque mon secrétaire, Oliver, me prévint qu’elle était déjà arrivée. Voulant en finir au plus vite, je dis à Oliver que j’arrivais pour l’accueillir. Je me levais, ne prenant pas la peine de reprendre ma veste de costume ou de rabaisser mes manches. Je me dirigeais vers la porte que j’ouvris pour découvrir que la jeune fille qui m’attendait n’était autre que la femme que j’avais malencontreusement bousculé ce matin-même. Un sourire en coin se dessina sur mon visage tandis que je l’approchais. Arrivé à sa hauteur, je lui tendis la main pour la saluer. C’est à ce moment qu’elle me reconnut. Je voyais la gêne dans ses yeux lorsqu’elle serra ma main en retour. D’un geste de la tête je l’invitais à entrer dans mon bureau. D’une voix posée je lui indiquais qu’elle pouvait s’asseoir sur le fauteuil en face du mien. Je m'asseyais à mon tour, l’observant sans me soucier de ma discrétion. Elle triturait nerveusement sa manche. J’allais prendre la parole mais elle commença à parler avant que je n’ai pu le faire.
- Je suis désolée pour ce matin, vraiment. D’autant plus que vous avez été poli, bien plus que je ne l’ai été. C’est pourquoi je comprendrais si vous me renvoyez sans me laisser l’occasion de vous montrer que je suis tout à fait qualifiée pour ce travail.
Un rire rauque m’échappa tandis qu’elle déblatérait.
- Je compte bien vous laisser votre chance, cependant j’avoue avoir été vexé de votre impolitesse. Ainsi, si vous le voulez bien, nous allons commencer l'entretien en bonne et dû forme Mlle Greyson. Tout d’abord, parlez moi de vous.
- J’ai été diplômée d’Harvard il y a deux ans, l’année dernière j’ai été obligée de prendre une année sabbatique. C’est pourquoi je me présente aujourd’hui sans aucun travail précédent pour vous montrer mes capacités.
- Puis-je vous demander plus de précision sur la raison de votre année d’arrêt?
- Des problèmes familiaux m’ont forcé à prendre du temps pour moi, pour guérir.
- Je vois sur votre CV que vous êtes sortie major de votre promotion. C’est un excellent parcours même si votre année de retrait ne m’aide pas à vous cerner. Bien, à moins que vous ayez des questions, j’ai tout ce qu’il me faut dans votre lettre de motivation et votre CV.
- Déjà. Et bien dans ce cas, tout est bon pour moi également. Répondit-elle, étonnée de la rapidité de cet entretien.
La jeune femme devant moi se leva. Je n’avais pas pour habitude de raccompagner les candidats jusqu’à la sortie, mais je fis une exception pour elle. Je me levais à mon tour, m’avançais jusqu’à elle, posa ma main au milieu de son dos et l’accompagna à la porte. Je l’ouvris puis tendis ma main à Mlle Greyson. Celle-ci me regarda, me sourit puis serra ma main.
- Passez une bonne fin de journée Mlle.
- Merci, vous de même. Au revoir.
Dès qu’elle fut dans l’ascenseur, je me tournais vers Oliver pour lui dire d’envoyer les mails aux candidats. Je lui précisais que c’était Mlle Greyson qui obtenait le poste puis je m’enfermais pour le reste de la journée dans mon bureau. Juste avant de quitter mon bureau à vingt heure pétante, Kiamala fit son apparition à mon étage.
- Il paraît que notre nouvel employé est une femme.
- C’est exact. Ça pose un problème ?
- Aucun ! On manque cruellement de personnel de sexe féminin. J’ai hâte de voir à quel point elle est compétente.
Je me raclais la gorge, gêné.
- À vrai dire, je ne suis sûr de rien. Elle est tout juste diplômée.
- Donc elle n’a aucune expérience et tu l’as quand même engagé ?
- Je lui laisse sa chance pour prouver qu’elle mérite son titre de major de promo. Vraiment Kiamala son dossier est excellent ! Tout comme sa lettre de motivation. La seule chose qui aurait pu me freiner est que c’est son premier travail dans le droit. Cette femme dégage une certaine aisance. Je veux voir de quoi elle est capable. Et puis, si elle ne fait pas l’affaire, on la dégage avec un coup de pied aux fesses .
- Bien. Maintenant, on va boire un coup au bar ! Ne me regarde pas avec cet air désespéré Lucifer ! Aller, bouge ce joli petit cul et viens avec moi.
Je riais avant d’accepter. La journée avait été longue alors pourquoi pas aller se détendre en allant dans un bar.
- Dans ce cas, on passe à l'appartement d’abord. J’ai besoin d’une bonne douche avant de me saouler.
Le chemin jusqu’à mon domicile fut long, à cette heure-ci, les rues de New York étaient blindées. Impossible de faire plus de cinq cent mètres sans s’arrêter. En sept ans je n’étais toujours pas habitué à la circulation. C’était donc de mauvaise humeur que j’arrivais chez moi. Sans attendre, je me dirigeais vers la salle d’eau. Je me déshabillais en vitesse puis sauta sous l’eau. La brûlure que laissait les gouttes d’eau sur ma peau apaisa ma mauvaise humeur. Je ne restais pas plus longtemps dans la douche, je sortis et enfila une serviette autour de mon bassin. La buée avait envahi la pièce, pour y remédier je choisi d’ouvrir la fenêtre. Je sortis pour me diriger vers ma chambre, et une fois dans celle-ci, j'allais choisir ma tenue pour la soirée dans mon dressing. Une simple chemise noir avec un chino gris ferait l'affaire. Je ne pris pas vraiment la peine de me coiffer, je me rendis dans l’entrée pour me chausser, prendre mes clef de voiture laissées sur le meuble placé là, attrapa au passage celles pour fermer mon loft. Je suis parti sans me retourner.
Une fois en bas de mon immeuble je me précipitais dans ma voiture et fus frustré en voyant qu’il était déjà presque vingt-deux heures. Kiamala allait me tuer pour le temps que j’avais pris pour me préparer pour cette sortie imprévue. La circulation était toujours lente mais pas autant que lorsque j’avais quitté le travail. Le trajet ne dura pas plus d’un quart d’heure mais j’avais déjà les nerfs à vif d’avoir passé autant de temps sur la route alors que ma meilleure amie devait sûrement être en train de faire des siennes, sans moi. Je prenais encore cinq bonnes minutes avant de trouver une place de parking, ce qui, là encore, n’améliorait pas mon humeur désastreuse. Je n’avais qu’une hâte, gagner enfin le bar pour prendre un bon verre de whiskey.
Devant l’entrée de notre repaire à Kiamala et moi, je ne perdis pas plus de temps et repéra sans grande difficulté mon acolyte. Uniquement grâce à sa grande gueule. Et peut-être un peu à cause de toutes les personnes qui ne se gênaient pas pour la reluquer. Elle et son corps de démon parfaitement sculpté pour plaire. La musique était assourdissante et il y avait déjà beaucoup de danseurs au milieu de la pièce. J’arrivais à sa hauteur, l’a pris par la taille et embrassa son front comme j’ai l’habitude de le faire depuis que nous sommes enfin libres sur Terre. Elle planta son regard dans le mien avant de poser ses lèvres sur les miennes. Pour ne pas changer, elle utilise ce stratagème afin que les personnes qui seraient intéressées par elle, comprennent que ce n’était pas réciproque. La première fois avait été très déstabilisante, cependant j’avais désormais l’habitude. Cela se produisait à chacune de nos sorties. Je fis signe au barman que je souhaitais commander et il arriva presque instantanément à ma hauteur, attendant de connaître la boisson que je souhaitais.
- Un whiskey s’il vous plaît.
J’allais entamer une discussion avec Kiamala mais lorsque je tournais ma tête pour la regarder comme la politesse le voulait. Je découvris que de son côté, la bienséance ne faisait pas partie de ses priorités. Elle m’avait abandonné pour aller danser avec un groupe de filles inconnues au bataillon jusqu’ici. Le barman était revenu avec mon verre que je saisis tout en observant mon amie s’amuser follement avec ces humaines. J’avais pour habitude de boire lentement mais ce soir était l’exception qui confirme la règle. Je bus cul-sec l’alcool, posa le verre vidé de son contenu sur le bar puis rejoignis ces jeunes femmes. Je repérais l’une d’elle. Je m’approchais, la saisit par la taille pour coller son dos à mon torse. Son corps se déhanchait sans vulgarité sur la musique qui passait à ce moment-là. Ma main se déplaça pour se poser sur la hanche de ma partenaire et sans crier gare le son changea du tout au tout. La mélodie était plus rythmée, plus endiablée. La femme contre moi accéléra le mouvement en se calant sur la cadence, j’en fis de même pour la suivre. Nous dansions ainsi, sans jamais se décoller d’un seul millimètre. Sans jamais croiser le regard de l’autre, elle restait obstinément dos à moi malgré mes tentatives pour la faire se retourner. Elle ne semblait pas vouloir me regarder donc je finis par respecter sa demande silencieuse.
Lorsque la musique prit fin, je n’avais qu’une envie, rester auprès de cette envoûtante jeune femme. Mais ce souhait fut de courte durée lorsqu’une de ces amies débarqua pour la tirer loin de moi. Cependant, elle tourna enfin sa tête vers moi, comme pour s’excuser. Le choque s’empara de moi lorsque je reconnus la jeune femme que je venais d’engager. Layah Greyson. Oh mon père, à quoi joues-tu? Nous restions plantés comme deux pauvres idiots, frappés par ce moment intime et intense qui venait d’avoir lieu. Je déglutis péniblement avant de voir le visage de ma meilleure amie apparaître sous mes yeux comme par enchantement. Elle sentit que j’étais ébranlé, les bras pendant le long de mon corps. Elle passa sa main devant mon visage, mes yeux se plantèrent enfin dans ceux de Kiamala.
- Tout va bien ? On dirait que tu as vu un fantôme.
- La fille avec qui je viens de danser.
- Oui, et ?
- C’est la même personne que je viens d’engager pour le cabinet. expliquai-je péniblement.
- Oh merde !
- Ouais comme tu dis…
- Tu comptes faire quoi ? me questionna-t-elle.
- J’en ai aucune putain d’idée. Je suppose que je vais mettre cet écart de côté et faire comme si cette soirée n’avait jamais existé. Et je vais commencer maintenant en rentrant chez moi. Et avant que tu ne m’en empêche pense au fait que la situation peut empirer si je reste une seule minute de plus dans ce bar.
Elle hocha la tête pour approuver mes paroles, m’embrassa une nouvelle fois avant de rire de manière adorable. Je lui souris puis embrasse son front, lui chuchotai au passage de faire attention pour le reste de la soirée.
Lorsque je repris la voiture, il n’y avait presque plus personne dans les rues. Pourtant il me semblait être arrivé il y a à peine une demie-heure. Visiblement pas. Combien de temps s’était réellement écoulé pendant que je dansais avec Mlle Greyson? Pendant que j’y pense, c’est très étrange de l’appeler par son nom de famille après ce qu’il vient de se produire. Je sentais encore son corps contre le mien. La façon qu’elle avait de vivre la musique. Cette humaine est bel et bien vivante, je peux le garantir et je le jure devant mon père.
J’essayais tant bien que mal de me concentrer sur la route pour éviter tout accident. C’est à ce moment précis qu’il décida de faire son apparition. Sa présence ne signifiait rien de bon pour moi et pour le monde humain. Lorsque les cultures se mélangeaient, cela signifiait un problème d’ordre capital qui devait être résolu de toute urgence. Bon sang, que faisait Arès ici ?!
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