Chapitre 2 : Prise de conscience
Sur le chemin du retour, je songe à ces deux hommes qui nous ont affranchis sur le clonage humain et nous ont proposé d’en être les premiers bénéficiaires. J’ai encore du mal à croire que quelqu’un d’identique à moi, qui serait moi sans l’être vraiment, puisse exister ! C’est hallucinant ! Ça me paraît tellement dingue qu’il m’est impossible de me concentrer sur autre chose. Toutes mes pensées vont vers ce futur « moi » qui permettrais peut-être à l’humanité de survivre à ANDROMEDE...
Nathan et Aline ont eux aussi signé positivement. Ils me l’ont confié en secret. Jodie, elle, n’a pas adhéré à l’offre du Gouvernement. Sur le coup, j’ai été un peu déçue, puis je me suis dit qu’elle avait sans doute eu peur de cette pratique inédite, entourée d’équations inconnues. Je n’ai pas voulu juger son choix. En revanche, ce qu’elle m’a partagé lorsqu’on s’est retrouvées seules toutes les deux, m’a littéralement désarçonnée. Le fait d’apprendre que le clonage humain était rendu possible, lui a inspiré une réflexion que j’ai trouvée absurde et immature.
— J'espère qu'ils vont cloner Liam Turner, m’a-t-elle dit dans le couloir en riant comme une bécasse. Comme ça, je pourrai m’en commander un exemplaire et le garder près de moi !
J’ai souri sur le moment, mais au fond je n’en avais pas du tout envie. J’avais plutôt envie de lui dire qu’elle était ridicule à s’enfiévrer pour son chanteur à minettes au lieu de s’émerveiller de ce pas-de-géant médical. À cet instant, j’ai compris qu’il y avait un fossé entre moi et Jodie. Décidemment, nous n’avions pas les mêmes valeurs...
J’arrive bientôt chez moi. Ça se bouscule dans ma tête. Sentiments et questions se mélangent et j’ai du mal à atterrir. LE CLONAGE HUMAIN EXISTE ! Moi, qui jusqu’à présent ne connaissais les clones qu’au travers des livres de SF ou dans les films futuristes comme Star-Wars où ils étaient majoritairement utilisés en tant qu’armée, voilà que j’allais bientôt les côtoyer dans la réalité. La chose m’est difficilement croyable ! Ça me parait fou ! Et puis savoir que ces clones vont servir au bien commun plutôt qu’être utilisés comme de vulgaires combattants, me procure de la joie. Je jubile ! J’imagine, je rêve, puis je doute et j’appréhende... Je me questionne sur la dangerosité de ce photo-copiage de l’homme. Se pourrait-il, comme j’ai pu le lire dans des romans, que les clones se rebellent et deviennent incontrôlable ? Après tout, si le « Sujet A » est de nature instable, en toute logique, son double devrait avoir cette même fragilité.
Je m’interroge aussi sur la période. Quand est-ce que cette duplication se fera ? Et comment Vic va-t-elle réagir ? Son avis est obligatoire et il compte aussi pour moi. Si maman et papa étaient encore de ce monde, ils n’auraient pas agréé ma démarche ni confirmé mon engagement. Jamais ils ne m’auraient permis de le faire sans connaître tous les tenants et les aboutissants de ce type d’expérience. Toujours, ils nous ont protégé Vic et moi du mieux qu’ils le pouvaient. Ils ont fait leur maximum pour nous. Malheureusement, eux, ils n'ont pas su se protéger.
La maison est vide. Ma sœur doit être avec son idiot de petit copain. Il s’appelle Jean et c’est un baratineur de première. Hyper amoureuse, elle est aveuglée par ce beau parleur qui la manipule et profite d’elle. Qu’est-ce que ça m’agace ! Il m’horripile ! Je ne le supporte pas et je me méfie de lui comme d’une teigne. J’adore ma sœur, mais je me demande comment elle peut rester avec ce type. Bref, je dégage l’image de ce con de ma tête, et je vais me préparer un truc à grignoter. J’en profite pour nourrir Pipoune qui me miaule qu’il a faim. Soudain, alors que je remplis la gamelle de mon chat de sa pâtée au lapin, une question me traverse l'esprit. Je me demande si le clonage humain fait la Une des actualités. Je termine de m’occuper de mon affamé miauleur, puis j'attrape un paquet de chips aux oignons et je m'installe à mon bureau. Mon ordinateur allumé, je vais directement sur la page des infos nationales. Bingo ! Je m’en doutais, le clonage anime tous les débats du jour. Il y a des dizaines d'articles qui en parlent et tous retranscrivent plus ou moins les mêmes choses. La seule découverte intéressante est le nom donné à l’expérience : « Écho ». Curieux comme nom. Je me le répète deux-trois fois, puis je me dis que ça sonne assez bien pour un projet de doublement. Je continue mes lectures, et sous un texte émanant du département de science des recherches sur les maladies infectieuses, je clique sur un lien vidéo. C’est un petit film d'environ cinq minutes dans lequel une scientifique d'une cinquantaine d'années résume le processus du clonage, de ses premiers balbutiements jusqu’à son aboutissement tout frais de quelques semaines. Mon piètre niveau en science et le langage de la dame quelque peu pointu ne me permettent pas de tout saisir. J’essaie de suivre et d’intégrer ce qu’elle raconte, mais je me perds dans ses explications. Heureusement pour moi, les images me sont plus accessibles. Tandis qu’elle parle, la scientifique montre l’exemple de deux femmes absolument identiques. Elle présente l’une comme étant le « Sujet A », l’autre comme son clone. Je suis bluffée ! La ressemblance est troublante. À première vue, rien ne les distingue l’une de l’autre. Comparé aux jumeaux monozygotes où l’on perçoit toujours çà et là des caractéristiques physiques différentes, ou du moins pas tout-à-fait semblables, dans ce cas, il s'agit bel et bien d'une copie à L’IDENTIQUE ! Il m’est impossible de savoir qui des deux femmes est la vraie et qui est la copie. J’ai beau faire des retours en arrière vidéo, des arrêts sur image, scruter, analyser, grossir leurs visages à la loupe et chercher le détail qui pourrait les différencier, je bute. Elles sont pareilles ! C'est alors que je remarque un dessin sur le poignet du Sujet de droite. C’est un cercle coupé en son centre par une ligne horizontale. Je regarde l’autre femme, mais sa peau au même endroit est vierge. Ce signe m’interpelle. Serait-ce une marque délibérément placée là pour une raison bien précise ? Est-ce un tatouage du « Sujet A » » qui, volontairement, n’a pas été reproduit sur le clone, ou bien est-ce le contraire ? Qu'est-ce que ça signifie ? Ce détail présent sur l’une et manquant sur l’autre, m’interroge.
Des bruits de pas derrière la porte. Le cliquetis d'une clef dans la serrure. Vic est de retour. Sans trop savoir pourquoi, je referme mon ordinateur comme pour lui cacher la vidéo. Quelle drôle d’idée... Je ne regardais pourtant rien de honteux... Je m’étonne moi-même de ma réaction. Ma sœur arrive dans le salon et retire son manteau. Elle a les traits tirés. Je la trouve fatiguée. Elle me sourit en me voyant et me dit :
— Désolée, j'étais chez...
— Laisse-moi deviner, je la coupe avant qu’elle termine sa phrase sur un ton ironique. Tu étais chez Jean !
— Oui, effectivement, j'étais bien avec lui, mais nous étions avec un homme d’affaires très intéressé par ma dernière toile. Il va certainement me l’acheter. Il me donne sa réponse dans les jours prochains.
— Donc, c'était une sortie professionnelle ?
Elle hésite avant de me répondre :
— Oui, bien sûr. Quoi d’autre ?
Je soupire, je prends mon ordinateur sous mon bras et je me dirige vers ma chambre quand ma sœur me rattrape délicatement par la taille.
— Tu m'abandonnes déjà ? me dit-elle. J’avais envie qu’on se parle toutes les deux.
— Je dois me préparer pour le concert. Jodie passe me chercher à vingt heures.
— Ah ! Très bien ! C'est vrai que tu vas voir le beau Liam Turner !
Je roule des yeux et je tords mon nez.
— Franchement, je ne vois pas ce que vous lui trouvez toutes à ce garçon. Ok, il est mignon, mais si ça se trouve c’est le pire des connards !
— Peut-être, mais il a un petit cul à croquer ! répond-elle avec un clin d’œil.
— T'es bête. Ha ! Ha ! je rajoute avant de m'enfermer dans ma chambre.
Je n’ai pas l’énergie pour me changer. J’ai juste envie d’aller m’étendre sur mon lit. La perspective d’être au milieu d’une foule hurlante dans quelques heures me fatigue déjà. Jodie doit avoir raison quand elle dit que je suis asociale. Le monde, les mouvements de masse, je ne cours pas après. Je préfère la solitude de mon antre. Mais bon, chose promise, chose due... En attendant, dodo. Il me reste suffisamment de temps pour faire un petit somme. Et si je garde les vêtements que j’ai sur le dos, je gagne facile une demi-heure. Mon jean foncé et mon tee-shirt bordeaux feront l'affaire. Allez, fermage des yeux. Y love déjà this roupillon...
Ma sonnerie de téléphone qui chante : « Don't look back in anger » d'Oasis me fait sursauter. J’ai le palpitant qui palpite. Je suis vaseuse. À l’autre bout du fil, Jodie me prévient qu’elle arrive en bas de chez moi. Zut, j’ai oublié de mettre une alarme réveil avant de plonger dans les bras de Morphée. Je me lève en grognant. J’ai une humeur de chien ! J’enrage ! Je n’ai pas pu me reposer autant que je le voulais. Arrf ! Pas le choix ! Je sors en vitesse de ma chambre avec la tignasse en bataille et le liner qui a bavé. En plus, j’ai des vertiges. Je n’aurais pas du me lever si vite. Poisse ! Si j’avais su que je serais autant KO, je n’aurais pas dit oui à Jodie... Grrr...
— À plus tard Vic ! je lance à ma sœur avant de descendre dans le hall d'entrée de l’immeuble. En ouvrant la porte sécurisée pour sortir sur le parvis, je tombe nez à nez avec Jodie qui allait sonner à mon appartement. Elle est toute pimpante. Ses cheveux argentés sont noués en queue-de-cheval haute ornée d’un joli nœud jaune. Sa robe également jaune est cintrée à la taille et elle a mis des rangers noirs sur des collants en résille. Je dois avouer que ça lui va bien. Elle est vraiment belle ! Elle a de la classe et moi, je n’ai l’air de rien à côté d’elle. Mais bof, tant pis. Jodie ne se soucie pas de ma tenue vestimentaire, tout émoustillée à l’idée de voir l’homme de sa vie. Quant à moi, je me fiche royalement de ressembler à un sac.
— Je suis vraiment contente que tu viennes avec moi, El ! Je sais que tu n'es pas fan de Liam Turner, mais ça nous permet de passer une soirée ensemble. Et ça, c’est plutôt chouette !
Je suis bien d’accord avec Jodie. Finalement, ce moment avec elle va me faire le plus grand bien. Et puis, moi qui me plains toujours qu’à cause de cette foutue épidémie, les gens se renferment après leur boulot, je m’estime chanceuse d’avoir une amie qui n’est pas phobique de la maladie et préfère passer du bon temps au lieu de psychoter sur ANDROMEDE. Ça, c'est vraiment super ! C’est aussi pour cette raison que j’apprécie Jodie. Même si elle peut être froussarde dans plein de domaines, quand il s’agit de faire la fête, elle est toujours partante. Moi, ça me booste. Ça m’oblige à sortir le soir et à faire de nouvelles connaissances.
Nous prenons le bus pour rejoindre la salle de concert. On s’installe au fond pour discuter tranquillement et j’en profite pour creuser la question du clonage avec Jodie. J’ai besoin de connaître son opinion et d’avoir son avis.
— Qu’est-ce que tu en penses de l’expérience « Echo » ?
— « Echo » ? m'interroge-t-elle. C'est quoi ?
— C'est le nom officiel pour désigner le clonage thérapeutique en fonction.
Jodie parait surprise.
— Ah bon ? Eh bien... bredouille-t-elle. Je n'ai pas vraiment d'avis sur ça... Et puis ce genre de tests dont personne ne peut prévoir les conséquences, ça ne me dit rien qui vaille. Ça n’empêche que je trouve super courageux que toi, Aline et Nathan vous vous engagiez à le faire. Pour moi, c’est un acte d’héroïsme ! Et si ça marche comme ils le disent, ce sera un vrai miracle !
Je m’attendais à ce type de réponse de la part de Jodie. Je ne suis pas étonnée. Jodie est une fêtarde, mais c’est aussi une phobique chronique. Elle a la phobie des araignées, des clowns, du noir, des chiens et même de la vieillesse. Elle panique à l’idée de prendre de l’âge. Elle m’en parle sans arrêt. Moi, je ne peux pas dire que je n’ai peur de rien, mais ce que je crains le plus c’est de perdre un être cher une nouvelle fois et de blesser quelqu'un sans le faire exprès. Je me souviens, il y a trois ans en arrière au collège, un garçon avait des sentiments pour moi, mais il n'était pas aimé par la plupart des gens cools, et ça m’a influencé. Pour préserver un semblant de notoriété qu’il faut jalousement garder au collège, je l’ai renvoyé sur les roses et je me suis moquée de lui comme le faisait tous mes amis. Sur le moment, je n’ai pas pensé que mon attitude pouvait être cruelle. Je n’étais pas une fille méchante, prétentieuse ou imbue de moi-même, mais seulement une gamine stupide et très influençable... Pourtant, quelques jours après, ce même garçon s’est suicidé. Il a sauté du toit de son immeuble... Je m’en suis longtemps voulu d’avoir été aussi bête que ceux qui le méprisaient et ne pas avoir cherché à le connaître davantage. Et même si je savais que je n’étais pas directement responsable de sa mort ; que ce n’était que le résultat d’une longue accumulation de problèmes, de harcèlements, de dénigrements et d’insultes qu’il subissait continuellement à l’école et dans sa propre famille, j’ai longuement cru que... peut-être, j’aurais pu changer l’ordre des choses et lui redonner confiance en lui, en ne le rejetant pas comme je l’avais fait.
Aujourd’hui encore, il m’arrive de penser à ce pauvre garçon. Je me dis que, passée l’épreuve du collège il aurait pu s’en sortir, se faire de vrais et bons potes et enfin être heureux. Les problèmes ne durent pas éternellement. Enfin, du moins je l'espère...
Jodie me sort de ma réflexion.
— Allô El ! Me recevez-vous ! Mayday ! Mayday !
— Ha ! Ha ! Désolée ! Je suis un peu fatiguée.
— Oh, tu ne vas pas t’endormir maintenant ! On arrive !
Le bâtiment où va se dérouler le concert est immense vu de derrière la vitre du bus. Et la file d’attente pour entrer à l’intérieur, déborde sur le trottoir. Je m’étonne. Ces gens ne craignent-ils pas d’être contaminés ? La passion de la musique est certainement plus forte que cette épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. Il faut bien vivre, après tout ! C’est que je me dis moi aussi. Nous descendons du bus pour nous assembler à la foule électrisée. Nous nous plaçons en fin de queue, et j’applique une solution hydro alcoolique pour nettoyer mes mains des impuretés et des microbes qui traînent partout. Jodie fait de même. J’en vois plusieurs qui ont des gants. Moi, je trouve ça trop contraignant. À choisir, je préfère me laver régulièrement les mains que de devoir encore me calfeutrer sous du tissu et ne pas sentir les textures sous mes doigts. Et puis, le masque c’est déjà bien assez !
À l’entrée du bâtiment, on a droit à un contrôle analogue à celui du lycée, mais en plus d’examiner nos yeux, les agents nous prélèvent de la salive avec un coton-tige qu’ils remuent dans un tube rempli d’une lotion rose bonbon. Ces analyses prennent du temps. Toutes ces vérifications font que la file d’attente grandit. Jodie et moi passons le contrôle sans que rien ne soit détecté, et malgré le monde qui a pénétré l’enceinte avant nous, nous parvenons à nous glisser et à nous placer à quelques mètres de la scène.
— On a de la chance, se réjouit Jodie. On est juste en face du micro. On va super bien voir mon chéri d’amour, d’ici !
Nous attendons une demi-heure que le concert débute. Je regarde vers les gradins et j’ai l’impression qu’il y a plein de sièges vides. Pourtant, la foule au-dehors était énorme. Je me dis que certainement, un grand nombre de personnes ont été refoulées à l'entrée parce qu’elles étaient infectées, ou bien parce que leurs tickets n’étaient pas valables. Les lumières s’allument sur la scène et le groupe en première partie joue ses premiers accords. Je les connais. Je les ai entendus il y a deux ans lors d’un concert de charité. J’aime bien ce qu’ils font. Leurs mélodies sont sympas et leur musique me transporte. Jodie, elle, n’est pas transcendée par ce groupe de quatre garçons qui se démènent alors que le public attend sa star et n’applaudit que moyennement. Collée à son portable, ma copine s’entretient avec des amis virtuels, leur envoie des smileys et quantités de selfies. Son attitude m’agace. Moi, je ne suis inscrite à aucun réseau social. J’ai déjà du mal à me faire des amis dans la vraie vie, alors via la toile, je n’en vois pas l’intérêt. Parfois, je me dis que je suis décalée par rapport à mon époque ; à la marge. Toutefois, je ne suis pas en guerre contre le net. Bien au contraire. Je suis une grande fan de séries, de films et de certains jeux vidéo que je dévore et me prennent une grande partie de mon temps. Vic me reproche souvent de rester des heures devant l’écran de mon ordinateur et de ne pas m’ouvrir suffisamment à tout le reste. C’est aussi pour ça que j’ai peu d’amis. Ça m’est égal ce qu’on pense de moi. Je suis comme ça et ça me va. Je suis passionnée par les films autant que ma sœur est passionnée par sa peinture. Pour ce qui est de l'amitié, les quelques personnes qui m’entourent me satisfont. Je n’en veux pas davantage. Pour ce qui est de l'amour, je suis aussi à des kilomètres de Jodie qui aime charmer et a de nombreux prétendants. Je n’ai jamais vraiment eu de petit ami. Au collège, j'ai eu quelques flirts pour faire comme les copines. Rétrospectivement, je me dis que c’était idiot. Je n’avais aucun sentiment pour ces garçons. J’avais quelques amourettes pour rentrer dans le moule et non par conviction. Je n’ai pas aimé ce que j’étais et ce que je faisais à cette période. Heureusement, la maturité m’a appris à ne plus faire les choses pour faire plaisir, mais pour moi-même. Enfin, tout ça c'est du passé, même si je me pose encore des questions normales à mon âge.
Le groupe en première partie achève son tour de chant. Il salue le public qui scande déjà le nom de la vedette. Jodie a dégainé son appareil photo pour mitrailler le beau Liam et hurle son prénom à m’en faire péter le pavillon. Les projecteurs s’éteignent et l’idole se présente dans un faisceau de lumière rouge. Jodie est hystérique et ce que je redoutais est précisément ce qui arrive. C’est comme un torrent d’eau qui déferle dans la fosse. Les groupies dansent et se poussent. J’ai l’impression que tout le monde est en transe. Cette frénésie dure un peu plus d'une heure. C’est long une heure quand on doit subir des cris à s’en déchirer les cordes vocales, les bousculades sans excuses et les séries de flash dans la poire. Je prends mon mal en patience, et au final, je m'habitue à l’ambiance survoltée. J’arrive même à danser sur les deux dernières chansons.
Ça y est, c’est terminé ! Liam Turner a fait se déchaîner la salle, et moi, j’ai les oreilles en acouphènes permanents. Nous suivons la masse qui se dirige vers la sortie. Jodie l’admiratrice passionnée, fait une halte obligatoire au stand officiel. Elle achète un tee-shirt en taille XL. Il n’est bien sûr pas à sa taille, mais c’est le dernier qui reste avec la photo de son idole qui cligne de l’œil. Elle l’enfile aussitôt par-dessus sa robe jaune et je la trouve ridicule. On la croirait en chemise de nuit. Je me tais. Je ne fais aucune remarque et me contente de sourire intérieurement.
De retour dans le bus, nous nous asseyons au milieu. Je dis à mon amie que je suis contente de cette soirée passée ensemble, et elle acquiesce. Elle aussi a apprécié ce moment entre copines, mais elle est exténuée. Toute cette dépense d’énergie pour transmettre ses ondes d’amour à son beau Liam l’a épuisé. Elle qui, depuis deux jours, était une vraie pile électrique, n’a plus de forces. Le bus n’a pas fait trois kilomètres que déjà elle s’endort sur mon épaule. Je ne bouge pas. Je la laisse se reposer et je regarde par la vitre. Il est tard. C’est la nuit, mais le centre-ville est éclairé de ses nombreux néons. Les rues sont calmes. Peu de voitures circulent et les piétons sont rares. Le bus s’arrête pour prendre des passagers. Une femme d'une vingtaine d'années, et un homme qui en paraît quarante, montent l’un après l’autre. L'homme se place sur le siège derrière nous et la jeune femme se met devant la porte automatique. Je ne m’attarde pas sur eux. Je contemple la vie au ralenti qui s’écoule au-dehors.
Un bruit attire mon attention. L'homme tousse bruyamment. Je l’entends ravaler ses glaires dans sa gorge. De surcroît, son ventre gargouille comme l’eau absorbé par les égouts. Je suis surprise. Le bruit que fait son estomac ne ressemble pas à un gargouillement habituel. On croirait que son estomac va exploser. Pour ne rien arranger, il dégage une odeur âcre et forte de pourriture. Je suis à deux doigts de vomir, quand Jodie continue de dormir et ne semble pas du tout gênée par l’odeur et les sons. Je prends mon courage à deux mains et je me retourne vers l'homme. À l’ instant où mes yeux se posent sur lui, je fais un bond et la tête de Jodie tombe sur le siège. Cet homme est contaminé ! Ses yeux sont tachetés de bleus et un liquide noir sortant de sa bouche a humecté son masque. Vu son état, il doit être à un stade avancé de la maladie. Jamais auparavant, je n’avais était si proche d’une personne aussi atteinte. Je suis paralysée par l’effroi. Le bus s’arrête pour laisser monter de nouveaux passagers, et en une seconde, j’attrape Jodie par la queue-de-cheval. Je la force à se lever et je la tire vers la sortie. Elle hurle que je lui arrache le crâne, mais tant pis. Mieux vaut lui arracher quelques touffes de cheveux que risquer d’être contaminées. Sur le trottoir, elle s’énerve contre moi :
— Qu'est ce qui t'as pris ? Ce n’est pas là qu’on doit descendre ! Et tu m’as fait super mal !
Ai-je oublié de préciser que toute personne contractant ANDROMEDE ne peut sortir de chez elle ou de l’hôpital dans lequel il est pris en charge, sous peine d'être exécuté sur-le-champ ? Avec cette saleté de virus, il n'y a plus de règles. Quiconque repère une personne contaminée peut l’exécuter sans sommation. J’explique donc à Jodie ce que j'ai vu et, choquée par mes révélations, elle propose de prévenir la Police qu’un homme gravement atteint est assis dans un transport en commun.
— Je n'ai plus de batterie à cause du concert, constate-t-elle en allumant son portable. Tu peux appeler ?
Bien que je n’aie pas le cœur à dénoncer ce malheureux, je pense aux autres passagers du bus. Sans autre choix, je compose le numéro et je donne mes coordonnées à la Police qui nous oblige, moi et Jodie à rester là où nous sommes et à éviter tous contacts humains. Ils me préviennent qu’ils vont s’occuper de cet homme signalé et, cinq minutes chrono plus tard, une équipe masquée des pieds à la tête nous récupère sur le bord de la route. Aidés d’appareils sophistiqués, ils nous font passer toute une batterie de tests qui s’avèrent négatifs. Une fois encore, nous l’avons échappé belle ! Tard dans la nuit, une équipe sanitaire nous raccompagne chez nous.
Vic dort à poings fermés. Je suis crevée. Je ne sens plus mes jambes et mes oreilles continuent de siffler. Je rejoins ma chambre en marchant comme un robot, puis je m’effondre sur mon lit, l’encéphale en ébullition et le corps en chewing-gum.
Le lendemain matin, j’allume la télévision pour voir s’il y a du nouveau concernant le clonage thérapeutique, mais les infos n’ont pas varié depuis la veille. Rien de supplémentaire n’est dit que je ne savais déjà. Je trépigne. Je me languis de savoir à quelle date l’expérience va commencer et je m’oblige à en parler à ma sœur avant la fin de semaine. Même si j’appréhende sa réaction, je ne peux pas ne pas lui dire. Elle va de toute façon, finir par l’apprendre. D’un jour à l’autre, un employé du Gouvernement va la contacter pour lui demander son aval. Et au pied du mur, elle va répondre NON ! Son instinct protecteur de grande sœur va faire qu’elle refusera tout net. C’est sûr ! Si je veux avoir une chance qu’elle accepte, je dois la convaincre avant qu’elle en soit informée par des tiers. Il va falloir que je sois rusée pour la rallier à ma cause. Connaissant Vic et ses craintes qu’il ne m’arrive malheur, j’ai intérêt à la persuader que c’est un acte charitable destiné à sauver l’espèce humaine et que c’est ABSOLUMENT sans danger.
Au lycée, Jodie et moi expliquons à Nathan et Aline notre mésaventure et notre trouille d’avoir cru être infectées par cet homme qui s’était époumoné dans notre dos. Notre histoire fait blêmir Nathan qui nous fait promettre d’être plus prudentes dorénavant. Je me dis qu’il est certainement plus inquiet pour Jodie qu’il ne l’est pour moi, mais ça m'est égal. Toutes les deux lui assurons que nous tâcherons d’être davantage sur nos gardes.
Malgré nos demandes répétés, cours après cours, aucun des professeurs de cette journée ne peut nous renseigner sur, quand, où et comment, l’expérience du clonage se fera. Le seul éclaircissement qu’ils apportent c’est que les agents du Gouvernement viendront chercher ceux qu’ils auront sélectionnés et qu’ils devront les suivre promptement. Devoir partir comme ça, de but en blanc, sans s’être un minimum préparé ni avoir embrassé ma sœur, me donne quelques sueurs froides.
Nous sommes mercredi. Cinq jours ont passé depuis le concert. Il fait beau. Le soleil est radieux. Je n’ai pas cours cet après-midi, et je me dis que ce serait chouette d’aller au parc et m'allonger dans l'herbe en écoutant de la musique, casque sur les oreilles. Rien de meilleur pour se détendre. Mais j'y pense. Je pourrais proposer à ma sœur de se joindre à moi. Elle m’a dit qu’elle était libre aujourd’hui et qu’elle voulait farnienter. L’occasion serait idéale pour lui parler de mon projet. Les jours d’avant, je n’ai pas pu le faire. Elle a quasiment tout le temps était absente ou très occupée.
Comment je vais aborder le sujet du clonage ? Je ne sais même pas si elle a eu le temps de regarder les actualités et eu connaissance de cette avancée médicale incroyable. Avec tous les gens qu’elle côtoie, elle en a forcément eu des échos... Si ça se trouve, elle en a discuté avec son imbécile de copain. Et qu’est-ce qu’il a bien pu lui en dire cet idiot qui ne voit que son nombril ? Rien probablement... Sorti de son petit ego de merde, il se fout bien que les autres crèvent autour de lui. Pourvu qu’il mène son petit monde, qu’on lui obéisse au doigt et à l’œil, et surtout qu’on l’admire. Voilà tout ce qui l’intéresse.
Ma matinée au lycée se déroule magnifiquement bien. J’ai deux bonnes notes à deux évaluations différentes : A+ en Histoire et A en Maths. Je suis aux anges ! Il y a longtemps que je n'avais pas autant brillé ! D’ordinaire, mes résultats tournent plutôt autour du B-, C+. On ne peut dire que je suis un cancre, mais je ne fais pas beaucoup d'efforts pour être meilleure. Bien souvent, je bâcle mes révisions du soir pour regarder mes séries préférées. Il semble que cette fois-ci, je me sois surpassée. La raison est que j’ai pensé que les sélections pour le clonage pouvaient être drastiques, et que pour départager un excédent de volontaires, l’intellect pouvait entrer en jeu. Mon bulletin scolaire pouvant être déterminant, j’ai donc décidé de remonter ma moyenne et me donner toutes les chances d’être élue.
C’est donc le cœur joyeux que je regagne l’appartement. Vic qui m’avait dit n’avoir rien de prévu aujourd’hui, est dans le salon. Accompagnée d’un air de Vivaldi, elle met la touche finale sur son dernier tableau qu'elle a nommé « Pétale d'étoile ». À choisir, moi je l'aurais appelé « Pétale de gerbe ». Je ne m’habitue décidément pas à son style artistique, mais je m’abstiens de faire un commentaire.
— Salut Picasso ! je m’exclame en m’approchant d’elle. Alors, ça bosse dure ?
— Je suis dans les finitions, me renseigne ma sœur. Je suis bien contente de le terminer. Ce tableau m'aura donnée du fil à retordre. Et toi, ça a été en cours ?
— Oui, super bien ! J’ai eu la meilleure note de la classe en Histoire. Un A+ ! Et tiens-toi bien, en Maths, j’ai décroché un A ! Alors, on n’est pas fière de moi ?
Taquine, je me courbe en avant comme si je remerciais un public en liesse qui m’applaudirait. Mon côté fanfaron amuse beaucoup ma sœur. Elle a de l’humour elle aussi. Elle me félicite avec un sourire ironique et rajoute :
— Dis-donc miss première de la classe, tu es de corvée de litière toute la semaine et tes bonnes notes ne vont pas t’exempter de nettoyer la caisse de Pipoune. Allez file, Mademoiselle l’intello, ça pue dans la salle d’eau !
Je grogne que c’est injuste et je vais m’atteler à ma tâche. Je suis dans le couloir, quand soudain, je me dis qu’il faut immédiatement que je bloque l’après-midi de ma sœur avant qu’elle ne soit prise par autre chose. Il ne s’agirait pas que son imbécile de mec débarque sans crier gare et la monopolise comme il en a l’habitude.
— Au fait Vic, tu es libre cet aprèm ?
— Ben, tout dépend. Pourquoi cette question ?
— Il fait tellement beau. J'aurais voulu qu’on aille se balader ensemble. Il y a longtemps qu’on ne l’a pas fait. Tu es toujours par monts et par vaux, happé par ton travail ou collé à ton copain. Pour une fois, j’aimerais bien...
Vic me sourit avec le même sourire qu’avait maman quand elle me regardait avec des yeux plein de tendresse. Ca me fait du bien. À cet instant, je me sens aimée... et je sais qu'elle va dire oui.
— C’est d’accord ! Et tu sais quoi ? On va y aller maintenant ! Cette peinture me fatigue et Pipoune patientera pour avoir un bac propre. Allez, prépare-toi, on s’achètera à manger sur la route.
— Super ! je m’écrie avant d’aller enfiler un short et remettre mes baskets.
Ce moment privilégié avec ma sœur me réjouit. Je suis en joie.
Sur le chemin, nous nous arrêtons dans une boulangerie pour prendre des sandwichs, des gâteaux et des boissons à l’orange. Ma sœur qui est végétarienne, choisit un pain-crudité et moi un classique jambon fromage. Nous prenons les mêmes desserts, deux flancs noix de coco. Au parc La-Bohème, nous nous installons sous un arbre face à l’étang pour déguster notre pique-nique improvisé. Quel merveilleux moment ! J'aime cet endroit. Nos parents nous y emmenaient souvent lorsque nous étions encore des petites filles. Nous donnions à manger aux canards et nous dépensions dans tous les jeux pour enfants.
Nous déjeunons en silence. L'air est doux. Le chant des oiseaux accompagne le souffle léger du vent chaud qui caresse nos jambes nues. Le soleil rend plus éclatante encore la couleur des fleurs du plein été. Mon sandwich avalé, je m'allonge sur l’herbe épaisse et je me délecte de ce temps de sérénité. Tout est si parfait. Je ne pense plus à Andromède et je me détends en trouvant que la vie est belle. Accotée à l’arbre, Vic m’interroge :
— Je suppose que tu as entendu parler du clonage ?
Je me redresse. C’est une aubaine qu’elle engage la conversation sur ce sujet que je voulais aborder avec elle. Je prends la balle au bond :
— Forcément, tout le monde en parle. Tu en penses quoi ?
— Je trouve ça abominable !
Cette réaction me refroidit.
— Pourquoi « abominable » ? C’est une bonne chose d’utiliser des clones pour sauver les gens d’une mort certaine ?
Elle avale une gorgée de jus de fruit avant de me répondre :
— Tout simplement parce que si le clone est identique à l'homme tel que le prétendent les scientifiques, s’il a les mêmes cellules, le même ADN et le même code génétique, il va d’évidence ressentir la douleur comme l’aurait ressenti le « Sujet A » dont il est l’exacte copie. Et puis, on ne peut décemment pas donner la vie et la reprendre, juste pour les besoins de la médecine. Ce n’est pas digne de notre espèce ! C’est une question de morale, d’éthique, enfin de valeur quoi ! Un clone sera un être vivant qui aura droit au respect dû à l’être humain. Il ne sera pas moins qu’un animal ! J'étais déjà contre les tests sur les animaux, mais là je suis choquée ! De plus, ils disant avoir besoin de personne de sexes, de nationalités et d’âges différents. Cela signifie que tout le monde pourra être cloné et forcé d’ingurgiter des produits qui à l’avenir, risquent de les tuer. Les vieillards, les nourrissons, tous vont devoir se soumettre à leurs aberrations. Quelle idiotie !
Les propos de ma sœur me sidèrent. Elle est si virulente. C'est la première personne que j’entends s’opposer à ce point au projet du clonage. Et par malchance, c'est elle qui est censée me donner son aval. C’est une catastrophe ! Je ne sais pas quoi dire. Quelle poisse ! Il aurait mieux valu qu'elle n'ait pas d'avis sur la question, plutôt qu’une telle fermeture d’esprit. Je vais devoir ruser pour la convaincre. Après tout, ma sœur est quelqu’un d’assez manipulable. La preuve, elle accepte tout de son idiot de mec et ne se rebiffe que très rarement.
— Tu es d’accord avec moi, n’est-ce pas ? me questionne-t-elle en hochant la tête pour que j’approuve.
Quoi lui répondre ? J’avais plus ou moins préparé un discours pour lui faire admettre que ma démarche était héroïque et lui ôter toutes ses appréhensions, mais là je suis coincée. Je veux lui dire la vérité, mais je crains qu’elle ne s’emporte et me traite de folle-furieuse et d’immature. Je me creuse la cervelle pour trouver la parade qui la fera changer d’avis.
— Je ne sais pas... je murmure sans oser la regarder. Je ne peux pas juger un concept que j’ignore...
Je ne mens pas vraiment. Il est certain que je n’ai que peu d’informations sur le clonage.
— Ouais... marmonne-t-elle. Même sans savoir, on peut tout de suite se dire que c’est scandaleux !
Je change de sujet pour éviter qu’elle s’aperçoive de mon malaise et je me dis que je vais devoir réfléchir à la façon de ré aborder le sujet avec elle. Nous parlons de choses plus légères, mais je reste tracassé. Impossible de me détendre. Je suis extrêmement soucieuse et je fais semblant d’être bien. Vic n’y voit que du feu. Elle me parle de ses prochains vernissages quand son téléphone sonne. C’est Jean ! Je vois son prénom s’afficher sur l’écran avec un cœur. La colère monte en moi. J’arrache le portable des mains de ma sœur.
— Allô ! Ici la deuxième fille Bradbury ! Je vous informe que la plus grande est indisponible pour le moment, car elle a aussi une sœur avec qui elle a besoin de passer du temps de qualité, alors merci de rappeler plus tard et au-revoir !
— Mais... Mais... Elély, c'est toi ? s’étonne Jean au bout du fil.
Je ne répondrais pas à cet idiot. Je suis à deux doigts de lui raccrocher au nez quand Vic me plaque au sol et m’appuie la tête dans l’herbe. Elle récupère son téléphone, se relève en vitesse et s’éloigne à toute vitesse pour s’excuser auprès de son chéri. Je bouillonne ! Je me rassois. J’ai de l’herbe dans la bouche que je recrache, puis je plaque mes cheveux qui doivent être en bataille. Je regarde ma grande asperge de sœur qui roucoule au téléphone. J’ai envie de balancer son portable tellement elle m’énerve d’être aussi aveuglée. Elle revient vers moi sans lâcher son chéri qui écoute à l’autre bout de la ligne.
— Ça ne te dérange pas si je m’en vais ? J'ai un truc urgent à faire.
J'hallucine ! Elle va vraiment me laisser pour aller le retrouver ? Je suis déçue et en colère !
— Fais comme tu veux, je grogne en lui jetant un regard noir.
Je me remets debout et je la plante sans autre explication. Je m’éloigne à grandes enjambées sans même me retourner. Je suis furax ! J’ai les nerfs ! Non seulement, elle me laisse tomber comme une vieille chaussette pour rejoindre son bellâtre, mais je suis en plus quasi sûre qu’elle va s’opposer à mon projet et voudra pas céder ! Ah, mais je n’ai pas dit mon dernier mot ! Je vais tout faire pour obtenir ce que je veux et tant pis si je dois tricher ! Pardon Vic, mais je suis déterminée. Je ne l’ai d’ailleurs jamais autant été...
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