Chapitre 1
— Encore ? s’écria ma maîtresse.
J’ouvris un œil, puis deux. J’allais voir ce qui se passait. À mon rythme car le soleil n’était levé que depuis quatre heures. Ma maîtresse était là, en train de parler avec d’autres humains. Elle disait qu’il fallait que quelqu’un fasse quelque chose. « Ce n’était plus possible cette situation. » J’étais sûr que si je savais de quoi elle parlait, je serais d’accord avec elle. Titus, mon colocataire arriva. Il était content. Titus était toujours content. Il avait dû naitre ainsi.
— Hé Corto, elle a l’air contente notre humaine. C’est chouette, on va pouvoir lui demander de la pâtée !
— Tu peux toujours essayer mais elle est plutôt énervée, lui répondis-je.
J’envoyais toujours Titus faire les demandes ou les bêtises. Au mieux, ça marchait, au pire, notre humaine était fâchée contre lui. Ce n’était pas facile tous les jours d’être le cerveau de la meute mais cela avait quelques avantages. Voilà qu’arriva à son tour Lieutenant, le matou de la voisine. Il était persuadé d’être mieux que nous parce que son humaine lisait des livres policiers. Il posait plein de questions et avait toujours son côté frimeur sur sa tête. Je le feulais pour bien lui faire comprendre qu’il n’était pas le bienvenu.
— Corto, soit gentil avec Lieutenant. C’est ton ami, dit ma maîtresse.
— Je demande un rapport de la situation, dit Lieutenant avec ses yeux de crâneur.
Je le voyais souvent mais cela ne me procurait aucun plaisir.
— Un chat a fait les poubelles, lui répondis-je.
Titus adorait écouter son prétentieux Lieutenant se vanter.
— Salut les gars, il se passe quoi ? demanda Princesse.
Il ne manquait qu’elle ! Titus sortit son autre regard d’idiot, celui pour Princesse. Elle ne se vantait de rien mais Titus était malgré tout en pâmoison. Depuis le premier jour où elle avait débarqué, Titus la regardait comme ça. Princesse était une belle siamoise, une pure race à la différence de nous. Titus était un chat de gouttière aux poils toujours emmêlés. Malgré cela Titus et Princesse se ressemblaient. Elle était aussi gourde que lui. Elle louchait, c’ était peut-être pour ça.
— Quelqu’un a encore fouillé les poubelles, dit Lieutenant.
Rien qu’avec cette phrase, il m’énervait. Il venait d’arriver et avait tout piqué ce que j’avais dit !
— Moi, je double mes sacs poubelles pour éviter ça, dit un des voisins.
— Sûrement le gros chat du quartier. Il n’a plus de maître, le pauvre, répondit Princesse.
— Même en les doublant, il les éventre, dit ma maîtresse.
— Pourquoi le pauvre ? Il est libre, lui, reprit Lieutenant.
— Il faudrait l’attraper et lui faire comprendre, dit la maîtresse de Lieutenant.
— L’attraper, oui mais comment lui faire comprendre ? On ne va pas lui faire de mal ?
— Je ne sais pas. Cela vous perturbe plus que moi. À vous de voir, conclut la femme avant de retourner chez elle.
— Elle est perturbée maîtresse ? demanda Titus en se tournant vers moi. Il avait son regard des mauvais jours. Il n’aimait pas que l’on contrarie notre maîtresse. Moi non plus d’ailleurs.
— Titus et moi, on va lui expliquer à ce chat, dis-je sans bien savoir pourquoi.
— C’est vrai, vous allez faire ça ? demanda Princesse surexcitée.
— C’est vrai, on va faire ça ? dit Titus en me regardant.
— Oui, répondis-je seulement convaincu de mon envie de ne pas perdre la face.
— Comment allez-vous commencer votre enquête ? demanda Lieutenant.
— Je ne sais pas, répondit mon coloc idiot.
Titus se rapprocha de l’énorme poubelle. Il rechercha des odeurs les narines au vent.
— Il vient ici pour manger.
— Tu tiens une piste, l’encouragea Princesse.
— Mais comment s’y est-il pris pour entrer là-dedans ? demanda-t-il au Lieutenant.
— La question n’est pas de savoir comment il y est entré, répondit celui-ci, mais comment il en est sorti.
— Comme ça ! affirma Princesse en entrant et en ressortant du trou béant de la poubelle.
Princesse sautait délicatement dedans puis hors de la poubelle. Titus et Lieutenant ne savaient plus quoi dire.
— Lieutenant, tu rentres ! hurla sa maîtresse.
— Je vous laisse, les gars, nous dit-il la tête basse. Bonne chance.
— Oh, mais je suis en retard, dit vivement mon humaine. Je dois y aller. À ce soir, mes coquins, dit-elle en nous caressant sous le menton.
Elle était déjà partie que Titus gardait la tête en l’air pour recevoir son affection.
— C’est à notre tour d’y aller, dis-je à destination de Titus.
— On va où ?
— Chercher ce chat qui importune notre maîtresse.
— Tu viens avec nous, Princesse ?
— Oh non. Je suis fatiguée. J’ai trop sauté, déclara-t-elle. Je rentre me reposer.
— Il n’y a que nous deux. Nous devons retrouver la piste de ce chat.
— Je tiens quelque chose ! cria Titus le nez au sol.
Celui-ci s’agitait dans tous les sens. C’est vrai qu’il semblait tenir quelque chose. Je me reculais car il venait vers moi. Celui-ci tourna aussi jusqu’à me rentrer dedans.
— Je me suis trompé, ça sentait toi.
J’avais remarqué. Ce chat m’étonnerait toujours. Quand je pensais avoir trouvé les limites de sa bêtise, il les repoussait encore.
— Nous ne le trouverons pas ici. Nous devons aller plus loin.
— Plus loin, comme quoi ?
— Je ne sais pas. Probablement, là où il y a tous les sans maîtres.
Titus blêmit. Il avait beau être un chat grand et costaud, il était aussi un pacifiste par impossibilité d’être autre chose.
— Tu es sûr ?
Je ne l’étais pas mais je n’allais pas le lui dire.
— C’est pour notre maîtresse que nous allons là-bas.
Elle était gentille notre maîtresse. C’ était probablement la maîtresse la plus gentille du monde même si des idiots disaient que c’ était faux. Nous prenions donc la direction du quartier des sans maîtres. Ce n’ était pas loin de chez nous. On alla au bout de la rue, on tourna après Bob, le chat qui dormait toujours sur le toit des voitures. On continua jusqu’à la maison à la barrière bleue et là, on n’y était pas alors on marcha encore. Titus faisait ses yeux qui ont peur. Je ne lui disais rien car je n’étais pas non plus rassuré. On vit un premier chat. Il était maigre et sale. Je tentai une approche.
— Excuse-moi, on cherche un chat.
— Faarffffez! Vous êtes Fffffur mon Fffffferrifffffooooooire !
Nul besoin de se concerter. Nos pattes se mirent à courir sans qu’on ne leur demande rien. Nous nous arrêtions près d’une maison avec un grand jardin. Plusieurs chats jouaient au soleil. Titus encore terrifié me laissa y aller tout seul.
— Excusez-moi, on cherche un chat.
L’un des chats roux se tourna vers moi. Il n’était pas agressif.
— On est des chats.
— Oui, je vois. Je voulais dire que je cherche un chat en particulier.
— OK.
— Il fait nos poubelles.
— Oh, les gars. On a affaire à un bourgeois.
— Pardon, dis-je.
Les autres chats s’approchèrent alors de moi. Je me retournai vite fait et compris que je ne pouvais pas compter sur Titus. Il était prêt à partir.
— Salut, Corto. Ta recherche avance ?
— Tu le connais ? demanda le chat roux.
— Ben, oui. C’est Corto, c’est mon voisin, répondit Princesse.
— L’autre idiot aussi c’est ton voisin ?
— Ce n’est pas un idiot, c’est mon Titus ! répondit Princesse. Salut, Titus.
Celui-ci arriva en courant.
— Tu as besoin d’un coup de main, Princesse ? Quelqu’un t’embête ?
— Pas du tout, répondit celle-ci. Gareth est un ami à moi.
Bizarrement, Titus n’avait plus peur. Princesse devait être une sorcière, car ce genre de phénomènes n’arrivait qu’en sa présence.
— Vous l’avez trouvé ce gros chat ?
— Pas encore mais peut-être que ton ami peut nous aider.
— Quel chat cherchez-vous ?
— Un énorme chat gris qui fait nos poubelles.
— Ah, lui. Je ne l’ai pas vu depuis hier soir. Il traine un peu partout. Bon courage pour votre recherche, dit le chat en retournant s’allonger au soleil.
Nous décidions alors de continuer notre route avec Princesse. Elle connaissait les lieux, elle pourrait nous donner un coup de main. Un peu plus loin, je vis Titus qui était concentré. Pensant qu’il avait trouvé quelque chose, je me précipitai. Titus semblait en pleine bagarre. J’arrivai derrière lui et vis ses mouvements devenir plus calmes.
— Ça va, Titus ? s’inquiétait Princesse.
Titus sortit alors avec sa tête de champion.
— Ça ‘a bien, répondit-il avec quelque chose dans la gueule.
Délicatement, Titus déposa aux pattes de Princesse un énorme lézard. Celui-ci essaya de s’enfuir mais Titus l’immobilisa d’un coup de patte.
— Il est pour toi, Princesse.
— Pour moi ? Merci Titus !
Princesse posa à son tour une patte. Leurs pattes se frôlèrent lorsque Titus reprit la sienne. Princesse plaqua son ventre contre le reptile. Moi, je commençais à m’impatienter.
— Titus, tu as oublié de demander au lézard s’il savait quelque chose au sujet du gros chat, lui dis-je narquois.
— Oh, c’est vrai ! Princesse, ça ne te gêne pas que je lui pose une question ?
— Pas du tout, répondit-elle en se redressant.
— Vous n’êtes pas possibles tous les deux ! Jamais ce lézard ne pourra nous aider, m’emportai-je.
Ma phrase les immobilisa sur place. Le lézard en profita afin de reprendre sa liberté.
— Oh, mon lézard, dit Princesse. Pourquoi tu es désagréable comme ça, Corto ?
— Ben, enfin, argumentai-je.
— Il n’y a pas que toi à rechercher ce chat et à faire des efforts. Il y a Titus aussi ! Tu viens, Titus ? On va le retrouver tous les deux.
Je restai là à les regarder s’éloigner. Princesse revint vers moi.
— Tu as dit que l’on n’est pas possibles tous les deux. On est là donc on est possibles, trancha-t-elle fièrement.
Elle repartit, son museau levé au vent. Titus la suivit après s’être retourné vers moi. Vexé, je décidai de partir dans l’autre sens. Je marchai un long moment. Je ne trouvai pas signe de l’autre chat. Je fis le choix de ne pas m’adresser aux autres chats car ils étaient probablement ignorants, rien à voir avec une peur que je n’avais pas d’ailleurs. Je parcourus de nombreuses rues. Mon quartier me manquait. Le soleil changeait de place dans le ciel. Soudain, j’entendis des cris. Je me précipitai car j’avais reconnu le cri de mon idiot de Titus. Je le retrouvai en plein combat de regard. Lui et Princesse, malgré leur duo, se laissaient dominer par un chat avec plein de cicatrices sur le nez. Je me rapprochai le plus possible. Je me joignis à leur affrontement. Le chat était tenace. Il commença à se relever et à s’éloigner. Nous restions en position jusqu’à ce qu’il soit loin de nous.
— Corto, dit Titus en se jeta sur moi. Je savais que tu étais mon pote.
Princesse ne dit pas un mot. Après tous ces évènements, la décision fut prise de rentrer chez nous. Le chat n’était pas là. Titus marchait la tête basse. L’idée de décevoir notre maîtresse était difficile pour moi aussi. Sa tête ne s’était toujours pas relevée lorsque nous arrivions dans notre quartier.
— Ne faites pas cette tête-là ! déclara Princesse. On va bien finir par le coincer ce chat.
— Je n’aime pas décevoir notre maîtresse. Ce n’est pas notre première maîtresse, tu sais, dit Titus.
Princesse s’approcha de lui et lécha plusieurs fois le haut de son crâne. Son comportement changea du tout au tout. J’en étais sûr désormais, Princesse était une véritable sorcière. Nous rentrions chez nous. Notre maîtresse était en retard ce soir-là. Je commençai à m’inquiéter et ma pâtée me manquait. Dès le premier bruit de clé, nous nous précipitions afin de lui parler, beaucoup, de notre faim et, un peu, de notre aventure.
— Poussez-vous de mes jambes, vous allez me faire tomber.
J’étais soulagé de l’entendre s’excuser ainsi pour son retard. Jusqu’à ce que nous voyions une énorme cage. Celle dans laquelle elle nous mettait pour aller voir la dame qui faisait des piqûres. Bizarrement, la cage semblait lourde. Ma maîtresse la posa devant nous. Je vis alors un énorme chat dedans. Je signifiais ma désapprobation à ce malotru par un feulement. Lorsqu’il se retourna, je le reconnus. C’était lui ! C’était le chat des poubelles !
— Soyez gentil avec votre nouvel ami, dit notre maîtresse. À partir de maintenant, il vit avec nous.
L’énorme chat portait une collerette, il semblait se réveiller. Il s’approcha de nous.
— Salut les gars. Ça a l’air sympa chez vous.
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