Les bagarres
« Les bagarres, ça commence toujours pour des conneries.
Vous vous demandez certainement ce qu'un misanthrope tel que moi est venu foutre dans le bar le plus miteux du coin. Là où même les gardes ne foutent pas les pieds à cause de l'odeur. Je veux dire, quitte à se bourrer la gueule, autant acheter une bouteille et rester chez soi. L'effet est le même.
Ouais... mais j'aime bien l'odeur.
Alors, j'ai pas eu une envie de beuverie dégueulasse comme ça. J'ai été mis dans un certain état d'esprit. Un esprit de dégoût et de colère qui m'est certes plutôt familier mais il y a eu comme un conditionnement tout de même.
Non mais comprenez-moi, je sors tout juste d'un assassinat sur un vieillard cramoisi qui aurait très bien pu se passer si ses amis n'avaient pas été si...si... je n'ai pas de termes élégants qui me vient, là.
Bref.
J'étais caché dans les Ombres sur la charpente d'une église locale, assistant à un mariage. La mariée étant la fille dudit vieillard, celle dont tout le monde disait qu'elle finirait vieille fille. Contrairement à sa mère qui, non contente d'avoir un vieux riche comme époux, avait l'adultère facile et des amants tout le tour de... enfin bref, elle en avait plein.
Le vieux n'était pas bien. Valétudinaire à souhait, les médecins lui donnaient pas trois mois à vivre.
Ouais, sauf que ça faisait cinq ans qu'il lui restait que trois mois.
Évidemment, vénale comme pas permis, sa femme avait deux ou trois idées pour le pousser rapidement dans le cercueil.
Vous l'aurez compris, c'est là que votre serviteur adoré entra en scène. Sauf qu'à l'église, aucune ouverture. Hein, donc déjà, ça m'a gonflé.
Obligé de me déplacer jusqu'au lieu du dîner familial de trois cents personnes ! Faudra qu'on redéfinisse le terme « familiale » avec ces gens, mais bon, passons.
Arriva le moment fatidique où deux amis du vieux sont partis dans une discussion endiablée sur madame la maîtresse de maison dont ils étaient tous deux amants. Mais en pensant chacun qu'ils étaient exclusifs. Les deux cochons n'étant pas non plus les derniers crétins de l'univers, ils ont rapidement compris la situation.
Quand je vous dis que les bagarres, ça commence toujours pour des conneries.
Du coup, mêlée générale dans la salle. Quarante contre quarante au milieu du bordel dans une espèce de purée dégueulasse d'insultes et de coups, de trucs qui volent, de trucs qui cassent.
Fatalement, bouquet final de ce merdier innommable, arriva ce qui devait arriver. Mon petit vieux s'est pris un coup, est tombé sur un rebord de table et paf! séché direct.
Plus de nuque, plus de vieux, plus de contrat, plus d'argent.
Et moi dans un bar en train de me bourrer la gueule. Même si je dois avouer que la plupart de mes contrats finissent avec cette phrase... »
J'avais raconté ça à une très jolie femme m'ayant demandé comment s'était passé ma journée. Outre l'aspect livide qu'elle arborait certainement suite à mes aveux de tentative de meurtre, parce que oui « tentative » hein ! on peut pas dire plus, elle avait l'air plutôt bien... je crois.
J'entendis deux hommes se disputer derrière moi.
– C'est une belette !
– Je te dis que c'est une hermine !
L'un d'eux me bouscula et me fit échapper mon verre.
Je grognai...
Les bagarres, ça commence toujours pour des conneries.
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