Vers l'Ouest

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Traînée vers la surface, Plume avait eu mal pendant la sortie du puits. Elle avait eu très mal quand Esther avait enlevé le carreau d'arbalète de son aine. Elle s'était évanouie quand la jésuite avait cautérisé la plaie. Et elle avait toujours mal.

A chaque foulée d'Aubergine, le cheval de Cube, elle avait l'impression que son ventre allait se déchirer. Le verdoyant la tenait entre ses bras. De temps en temps, il portait une main au niveau du pansement de l'adolescente. Et même si la lune brillait, il ne voyait pas suffisamment pour voir si elle se tachait de sang. Alors il léchait ses doigts à la recherche de ce goût métallique, si particulier. Rassuré, il reprenait les rennes à deux mains. Il recommencerait d'ici quelques minutes.

Ils étaient sortis du puits au début de la nuit. Le temps de s'occuper des deux blessées. Jade avait profité des mains expertes de Cyrano pour la couture. Une nouvelle cicatrice d'une douzaine de points ornait son bras. Maintenant qu'elle avait retrouvé Camelia, elle en rigolait presque. Elle avait perdu beaucoup de sang et restait fatiguée. Camelia qui montait Coco, le cheval de Plume, surveillait sa compagne.

Depuis leur sortie de St Etienne, ils avançaient de vallons en vallons vers la frontière Ouest de l’archevêché de Sepulved. Après plusieurs jours passés sous terre, Camelia s'enivrait de ces odeurs de printemps. Les chevaux fouettaient les herbes hautes. En fleurs, les fragrances du printemps remontaient à ses narines. Elle avait même goûté cette renaissance saisonnière, la première fois où les chevaux étaient passés au pas, elle avait cueilli quelques brins d'herbe qu'elle avait dégustés longuement. Ne pouvant encore se laver, c'était pour elle ce qui se rapprochait le plus d'un rite de purification.

A la pointe du groupe, Esther menait le train. En charge de Plume, Cube avait glissé en arrière. C'est troubadour qui lui servait de second. A l'arrière, Dominique fermait la marche. C'est lui le premier qui avait entendu les aboiements. Il était alors remonté jusqu'à la jésuite pour lui conseiller d'abandonner les mules et une partie du matériel.

Cela faisait maintenant plusieurs heures qu'ils étaient suivis. Esther ne savait pas combien ils étaient. Elle profita d'un passage au pas pour reposer les chevaux ; elle se retourna sur sa selle. Jade, bras en écharpe, se voûtait de plus en plus sur sa selle. Camelia se nourrissait du bonheur de retrouver sa compagne mais ses yeux étaient creusés. Plume, les yeux fermés, grimaçait à chaque appui du cheval. Ils ne pouvaient que fuir. Naïvement, un peu d'espoir revint en voyant derrière elle le ciel blanchir. Elle anticipa sa prière du matin. Elle s'imagina à l'office de Laudes, à Tricastin, dans leur église dont les murs montent vers le ciel :

- Seigneur Jésus,

- comment pourrais-je bien prier

- quand le mal m’écrase

- et que je n’en peux plus…

- Toi qui as connu le creux de la souffrance,

- Toi qui es passé par là,

- aujourd’hui sois avec moi.

- Toi qui as fait face jusqu’au bout,

- aide-moi à tenir bon.

- Toi qui es vivant,

- viens prier en moi par ton Esprit saint.

- Et pendant que je traverse l’épreuve,

- fais passer en moi le souffle de ta Résurrection.

Fallait-il repartir au trot ? Esther décida de poursuivre au pas, les aboiements ne semblaient pas plus loin mais ils n'étaient pas plus proches.

Dominique remonta à son côté.

- Avec le soleil qui va se lever, nous pourrons voir combien de mercenaires nous donnent la chasse, dit Dominique. Peut être pourrons-nous les combattre.

- Et eux pourront nous voir et juger de notre puissance. Alléchés ils accéléreront. Je ne me fais pas trop d'illusion.

- Ayez la foi.

Encadré par deux lignes de coteaux, un autre vallon s'ouvrait devant eux. Troubadour cria :

- Sur la crête au sud.

Une douzaine de cavaliers se découpaient sur le fond gris du ciel. Ils essayaient de leur couper la voie. Découverts, les militaires hurlèrent avant de dévaler le flan du coteau.

- Au galop, cria Esther.

Et tous poussèrent leurs chevaux. Jade attrapa de sa main gauche la crinière de Coco. Cube enserra du bras Plume qui criait de douleur à chaque foulée. Tous groupés derrière Esther et Dominique, ils fonçaient à travers les herbes. Le soleil déborda le vallon éclairant enfin l'étendue d'herbe qui battait au rythme du vent. Une forêt de pins fermait le vallon.

- Il faut arriver aux arbres. A couvert, on aura une chance de les perdre, cria Dominique à Esther.

Puis il ralentit et se positionna à l'arrière du groupe.

Dominique se retourna, d'autres cavaliers galopaient derrière eux.

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