Chapitre 14
- Putain Lucy, qu’est-ce que t’as foutu ? je lui demande.
Ça fait deux heures que je tourne en rond à imaginer les pires scénarios mais le sien pourrait remporter la palme d’or les yeux fermés.
Ce Madoff, c’est vraiment une enflure. Elle file prendre une douche, me jette un flyer et me dit.
- Mets-toi sur ton 31, on va finir la soirée en beauté.
Je regarde le flyer, c’est une pub pour une boîte à partouze « Le Cachot ».
Cool, je vois que Lucy a envie de s’amuser. Je la comprends, tous ces événements ces derniers temps, elle a envie de décompresser, de se lâcher, de prendre son pied cette petite coquine, hein, elle veut se faire démonter ce soir !
Elle a le feu au cul la Lucyole !
-T’enflamme pas, elle gueule de la salle de bain, Barney m’a certifié qu’on trouverait le fameux Kermit là-bas.
Je me disais aussi…
Je me prépare. Je sors le grand jeu.
J’ai rajouté des protèges coudes incrustés de clous à mon costume. J’ai fait de même pour les genoux.
Badass le lapin.
Si ce gars est aussi dangereux que Barney l’a dit, ce ne sera pas de trop.
C’est l’occasion d’offrir mon petit cadeau à Lucy.
Je sors une mallette de sous le lit et étale son contenu dessus.
Lucy sort de la douche, regarde le lit.
- C’est quoi ça ?
- À partir de ce soir, tu n’es plus un appât…tu rentres dans la famille des chasseurs, je dis tout fier tel un maitre Shaolin s’adressant à son disciple.
J’attends dans le salon. Elle sort enfin de la chambre.
Elle porte les fringues que je lui ai offertes.
Je reste sans voix.
Je suis carrément sur le cul. Je savais qu’elle allait déboiter mais là, ça dépasse toutes mes espérances.
Ses jambes athlétiques portées par de magnifiques cuissardes lui donnent une démarche nonchalante et pas moins sexy.
Une démarche qui fait danser son petit cul musclé très à l’étroit dans une mini mini mini mini jupe en cuir.
Elle est bouillante. Mais dehors il fait froid.
Rien de tel qu’un court manteau de fourrure en véritable poil de lapin de Pâques.
Vous verriez son regard, vous comprendriez sa détermination.
Mais discrétion oblige, Ray Ban et perruque sont de la partie.
J’ai choisi une sublime chevelure rousse. J’ai pas une attirance particulière pour les rousses mais c’est assorti à ma batte carotte.
Et pour être bien dans le thème, un serre-tête avec deux grandes oreilles de lapin. La classe.
- T’es sérieux là ? m’interroge Lucy.
- T’aime pas le roux ?
- C’est pas ça, mais on dirait une vieille pute sur le retour, comme ta copine Ida.
- C’est Rita, je réponds sèchement.
- Et il est en quoi ce manteau ? Il pèse une tonne.
- Surprise du chef.
Elle fouille à l’intérieur de sa fourrure et se retrouve une hachette dans chaque main.
- Waouh ! Ah ouais, là tu gères, dit Lucy en agitant ses nouveaux jouets.
- Oui par contre, fais gaffe, elles sont super…
Une hachette lui échappe des mains et vient se planter dans mon écran plat.
« …aiguisées. » Je dis, peiné de voir ma télé s’émietter sur le sol.
On est sur le départ, elle se parfume une dernière fois. Je la renifle.
- C’est quoi ton parfum ? Tu sens la fraise.
- C’est le parfum de Franck Wash, je l’avais gardé. J’aime bien.
- Par contre on n’a plus trop le choix, j’espère que c’est pas trop loin parce qu’on va devoir y aller à pied.
Elle souffle.
- Va vraiment falloir faire plus attention avec nos bagnoles.
On sort de l’immeuble, à peine quelques mètres plus loin une brigade de flics tentent de faire sortir un clochard de leur voiture.
Lucy baisse la tête, me tire par le bras et accélère le pas. Les flics commencent à perdre patience quand le clodo se met à hurler.
« Mais c’est votre salope de collègue en string qui m’a dit de l’attendre ici ».
Festival de taser, la cloche se fait sortir du véhicule et s’écrase contre ses cadavres de bouteilles de vin.
L’alcool, ça vous fait vraiment dire n’importe quoi.
Il est presque minuit, on arrive enfin devant « Le Cachot ».
On sonne. Avant qu’on nous ouvre on peaufine vite fait le déroulement de notre opération.
- Bon, on garde la même ligne de conduite, on est à l’aise comme ça, faut pas changer de stratégie, on fait comme on sait faire, je briefe Lucy.
Tu me dis si y’a un détail qui te choque, ok ?
- Ok.
- Bon… on rentre, on visualise le terrain…
- Ok.
- On identifie Kermit.
- Ok.
- On le bastonne.
- Ok.
- On le finit par terre comme un chien.
- On le laisse pour mort ? me demande Lucy très attentive.
- Ben oui, on n’est pas venus pour rien.
- Ok.
- Et on se barre.
- Ok. C’est bien clair, c’est fluide .Non c’est bien, je pense que ça devrait aller.
- T’es sûre ? Si t’as une idée, une autre façon d’aborder la chose, te gêne pas hein ? On est un duo.
- C’est très bien comme ça, on suit le plan.
La porte du « Cachot » s’ouvre. Une voix grave nous accueille.
- Bienvenue dans « Le Cachot » nous dit un travesti perché sur d’immenses talons aiguilles.
Il aurait pu faire un effort quand même. Je veux bien qu’il se sente mieux en robe mais il aurait pu un peu plus pousser le maquillage et un peu plus se raser aussi.
À peine a-t-il posé ses yeux sur nous, que sa voix grave gagne au moins trois octaves.
- Oh mon Dieu ! J’adore ! Qu’ils sont mignons ! Le petit couple de lapinous !
Vous êtes su-bli-mi-ssime !
Il commence à titiller les clous de mes protèges coudes.
- Ouh, mais c’est qu’il est féroce le lapin ! Il va faire mal ce soir ?
T’as pas idée…
- Je me présente… je m’appelle Jocelyne. Passez une très bonne soirée, je reste à votre disposition.
Elle ouvre la porte en grand et nous fait pénétrer dans « Le Cachot ».
Ça porte bien son nom, la lumière est faible et l’ambiance est lourde. Y’a beaucoup de monde et y’en a pour tous les goûts.
Des couples discutent au comptoir, sûrement en train d’organiser l’heure qui suit. Une fille danse quasiment nue au milieu de la piste, entourée de trois gars qui, chacun leur tour l’emballent furieusement.
Des lits sont installés un peu partout, juste de très fins rideaux séparent des couples qui s’envoient en l’air. D’autres les matent, histoire de faire monter un peu la température. Y’a vraiment de tout.
Des hétéros, des bis, des travelos, des trans, des lesbiennes et deux lapins.
On regarde de partout. Ça va être chaud de trouver ce Kermit, surtout qu’on ne sait vraiment pas à quoi il ressemble. Et des têtes de vicelards psychopathes, c’est pas ce qui manque ici.
On s’approche du comptoir pour agrandir notre angle de vue, un couple nous accoste.
La trentaine, le mec ne casse pas trois pattes à un canard mais sa copine ou sa femme …
Un putain d’avion de chasse.
C’est elle qui prend la parole.
- Bonsoir, vous passez une bonne soirée ? elle nous dit tout sourire.
- Euh, oui on vient juste d’arriver, je lui réponds un peu déstabilisé.
Son mec dévore Lucy des yeux. Elle tourne la tête et regarde ailleurs.
- En voilà un bel objet.
- Pardon ?
- Là, qui dépasse de votre sac.
Elle montre du doigt ma batte carotte. Ça a l’air de l’intéresser.
- Oui, c’est juste un accessoire, pour compléter ma tenue de lapin, je cherche une excuse un peu bidon.
Elle s’approche de moi, regarde Lucy et nous dit.
- J’adore les parties à thème, ça vous dit qu’on continue la discussion plus tranquillement à l’écart.
- Euh oui pourquoi pas…
Lucy me file un énorme coup de coude dans les côtes.
- Euh non c’est gentil mais on préfère observer pour le moment.
- Je vois… si vous souhaitez nous observer, nous ne sommes pas loin.
Ils s’en vont. C’est vraiment spécial comme endroit. Faudra que je revienne seul un soir.
Chaque chose en son temps. Ce qui nous intéresse pour le moment, c’est mettre la main sur notre gars.
Il me vient une idée. Je sors de mon sac à dos, un portable.
- C’est quoi ce téléphone ? me demande Lucy.
- C’est le portable du Jean-Clone qui nous a croisés avec Barney. Il a passé un coup de fil à Kermit. Je vais rappeler le numéro, tu restes attentive, dès qu’on voit un gars décrocher son téléphone, on lui tombe dessus.
Pas si con que ça le lapin.
Dos au comptoir, on peut voir toute la salle. J’appelle le dernier numéro composé.
J’attends.
Une sonnerie retentit juste à notre gauche.
Je tourne la tête.
Un gars me sourit.
Son portable posé sur le comptoir affiche « Jean-Clone » sur l’écran.
- Bonsoir Lapin, enfin nous nous rencontrons, dit le gars avec beaucoup d’assurance.
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