Cela fait bien longtemps que je suis ici. Enfermé. J'avais d'abord pensé que c'était temporaire, comme lors de ces fameuses parties de cache-cache. Mais les jours avaient défilé, sans que personne ne me trouve. M'avait-elle juste oublié ? Ou perdu au fond de ce placard ? J'avais espéré, attendu, inlassablement, jusqu'à ce fameux jour où elle ouvrit la porte de ma prison. J'ai vu ses yeux me regarder, me détailler puis elle avait attrapé autre chose et avait disparu.

 Mes espoirs avaient éclaté et j'ai sombré dans ma tristesse. J'aurai voulu crier, pleurer, l'appeler. Pourquoi m'abandonner ? Avais-je fauté ? Je ne comprends plus. Nous nous aimions tant. Toutes ces années passées ensemble ne signifiaient-elles rien ? Tous ces souvenirs que nous avions partagés étaient-ils oubliés ?

 J'étais son plus fidèle ami, celui qu'elle emmenait partout. Pour ses premiers mots, ses premiers pas, j'était là, lui tenant la main. Je l'ai rassuré lors de ses nuits dépouvantes, encouragé pour ses premiers jours de classe. J'ai séché ses larmes et gardé ses secrets. Ensemble, nous avons abordé des pirates, épousé un prince et chevauché des dragons. Et même lorsque qu'elle ne pouvait pas m'emmener, elle me cachait au fond de sac pour se rassurer.

 Je sais qu'elle m'a aimé et chéri. Elle me le chuchotait à l'oreille alors qu'elle me serrait contre son coeur dans la pénombre de sa chambre. Elle a grandit, devenant un jeune fille, et moi j'ai vieilli. M'a-t-elle remplacé pour un plus jeune, moins abimé par le temps ?

 Son visage, ses yeux, son rire, sa joie me manquent. Je voudrais revenir en arrière pour revivre à jamais ces instants de bonheur. Que j'ai été bête de penser que se serait éternel.

 Combien de temps avais-je passé ici, dans le noir de mon placard ? Bien trop d'années à mon goût. Avec pour seule distraction les sons que je percevais de l'extérieur. Je l'entends d'ailleurs rentrer, sûrement d'une de ces journées de cours qu'elle ne veux plus passer avec moi. J'entends ses pas lourds et précipités, des affaires tomber au sol et, finalement, mon placard s'ouvre...

 Mon coeur se met à battre plus fort. Qu'est ce qu'elle a grandi ! Ses yeux cherchent un instant avant de se poser sur moi. L'espoir m'envahi et je crains que mon coeur, lorsqu'elle me prend dans sa main, ne me lâche avant d'avoir pu à nouveau goûter à la chaleur de ses bras.

 Mon esprit s'emballe alors qu'elle me ramène dans son lit, notre coin à nous deux. Assise sur le matelat, elle me fixe un instant, caressant délicatement les rares poils qu'il me reste. Puis je retrouve enfin ma place entre ses bras, pressé contre sa poitrine. Elle se met à pleurer. Ses lourdes perles salées roulent et s'écrasent sur ma fourrure. Je reprends mes esprits et me serre contre elle alors qu'elle me chuchote à voix basse ses peines et ses tourments. Elle me murmure la raison de ses pleurs alors que je lui tends mon épaule et enterre ses secrets dans mon silence.

 Lorsqu'elle s'endormit finalement m'emprisonnant dans ses bras, elle me murmura dans un souffle des excuses qui gonflèrent mon coeur synthétique. Je souris contre sa peau alors que son souffle s'abattait sur mon crâne. Malgré l'âge, malgré le temps qui passe et tout ce que l'on peut dire, je reste et resterai à jamais son plus fidèle ami, son plus grand confident et compagnon de voyage. En un mot : son doudou.